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"Je conçois qu'on me reproche d'avoir fait trop de mandats" : député depuis 1978, Gérard Bapt en brigue un neuvième

Le député socialiste entame une nouvelle campagne électorale sur la 2e circonscription de Haute-Garonne. Franceinfo a passé une journée en compagnie de ce parlementaire spécialiste des questions de santé.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Gérard Bapt accompagné de sa suppléante, Sabine Geil-Gomez, lors d'une cérémonie d'hommage à la résistance à Saint-Jean (Haute-Garonne), le 23 mai 2017. (CLEMENT PARROT / FRANCEINFO)

Parmi les 357 députés sortants qui se représentent aux élections législatives, il est le seul à avoir siégé pendant la présidence de Valéry Giscard d'Estaing. Depuis, il a vu défiler François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande à l'Elysée. Elu depuis 1978 en Haute-Garonne, le socialiste Gérard Bapt, 71 ans, a déjà effectué neuf campagnes – dont une seule s'est soldée par une défaite, en 1993 – et huit mandats. Aujourd'hui, il signerait bien pour un neuvième.

"Le renouvellement ? C'est leur seul argument"

Il est 10 heures du matin, et trois assistants parlementaires s'activent pour rentrer les cartons remplis d'affiches électorales dans la petite permanence toulousaine, déjà encombrée par le matériel de campagne. Sur l'un des murs, à côté des vieilles affiches de campagne où Gérard Bapt paraît bien jeune, une carte de la circonscription indique les zones où les boîtes aux lettres ont déjà reçu un premier prospectus. Un collaborateur ouvre un carton et découvre le nouveau tract vert et rouge, avec, en haut, une photo du candidat et de sa suppléante, le tout accompagné d'un court slogan : "Des valeurs sûres !" Le directeur de campagne, Hervé Hirigoyen, donne ses consignes : "On va attendre un peu pour distribuer les tracts, il ne faut pas donner des armes aux autres candidats."

Sur les murs de la permanence de Gérard Bapt, les affiches électorales des campagnes passées côtoient les cartes postales et les plans de la circonscription. (CLEMENT PARROT / FRANCEINFO)

De retour de son premier rendez-vous de la journée, Gérard Bapt entre dans le local. La conversation tourne inévitablement autour de la décision de Benoît Hamon de ne pas soutenir le socialiste, et de lui préférer le candidat écologiste Salah Amokrane. "Au départ, je n’y ai pas cru, je croyais à une intox, commente le candidat, avec une pointe d'agacement dans la voix. Je l’ai parrainé, j’ai fait une réunion sur ma circonscription et j’ai même voté pour lui ! Quand on voit comment ils ont condamné Valls et ce qu’ils font maintenant…" Pour la primaire, Gérard Bapt avait soutenu Manuel Valls. Mais, loyal, il s'était effectivement rangé derrière Benoît Hamon lors de la présidentielle.

Si Benoît Hamon a décidé de ne pas soutenir Gérard Bapt, c'est dans un souci de "renouvellement". Un argument également employé, sur le terrain, par les adversaires du socialiste, qui estiment que le député sortant a fait son temps. "C'est le seul argument qu'ils peuvent employer", balaie le septuagénaire.

Je conçois qu'on me reproche d'avoir fait trop de mandats, mais je rappelle que ce sont les électeurs qui m'ont élu, sur la base de mon travail parlementaire !

Gérard Bapt

à franceinfo

Lorsqu'il distribue ses tracts, Gérard Bapt aime rappeler qu'il a été classé par l'agence Rumeur publique deuxième député le plus influent sur le travail parlementaire. Et assure aussi qu'il est retourné au combat un peu contraint et forcé. "L'été dernier, je voulais arrêter. Mais les personnes qui devaient prendre ma place n'ont pas réussi à s'entendre et le PS a voulu imposer un candidat qui était une machine à perdre. On m'a donc demandé de me représenter."

"Je prends des comprimés pour dormir"

L'annonce de Benoît Hamon de ne pas le soutenir n'est pas venue aider une campagne qui s'annonce plus difficile que les précédentes. Le député sortant confesse même une certaine anxiété devant une élection qui s'annonce imprévisible : "Ça ne paraît pas comme ça, mais je prends des comprimés pour dormir..." Dimanche 23 avril, au premier tour de la présidentielle, Emmanuel Macron a obtenu 27,5% des voix dans cette circonscription, suivi de Jean-Luc Mélenchon (24,9%) et très loin devant les 8,5% de Benoît Hamon.

Il n’y a pas de précédents d’une élection avec une telle confusion. Je n’ai jamais été le candidat d’un PS coupé en trois parties.

Gérard Bapt

à franceinfo

Gérard Bapt s'installe au volant de sa voiture – "mon autre local de campagne" – pour se rendre à une cérémonie d'hommage à la résistance sur la commune de Saint-Jean, où il a été maire pendant plus de vingt ans. Sur la route, il inspecte les panneaux électoraux, s'énerve quand il constate que son affiche a été arrachée et profite aussi du trajet pour passer des coups de fil à l'aide de ses deux téléphones, réglés en mode haut-parleur. Objectif : trouver des personnalités de poids pour venir le soutenir lors de ses prochaines réunions publiques. L'ancienne secrétaire d'Etat Carole Delga, présidente de la région Occitanie, ne peut pas se libérer. On demande à Martin Malvy s'il a des disponibilités. "Je vais voir ce que je peux faire...", répond l'ex-président du Conseil régional de Midi-Pyrénées.

"Je suis le député qui a fait interdire les biberons au bisphénol"

Après avoir noué sa cravate rouge "de secours", le député sort de son véhicule et rejoint le cortège pour l'hommage. Devant le monument aux morts de Saint-Jean, droit comme un "i", Gérard Bapt écoute la petite cinquantaine d'écoliers donner de la voix lors du dépôt de gerbe. Le député ne manque pas de se joindre à la chorale pour montrer qu'il connaît par cœur Le Chant des partisans. Un verre rapidement avalé, quelques accolades : cinq minutes plus tard, le socialiste est déjà sur le départ. Après une pause repas dans un restaurant de grillades de Toulouse, il file serrer des mains dans le quartier Amouroux, au nord-est de la ville rose, en compagnie de sa suppléante Sabine Geil-Gomez.

Les gestes du député sont ralentis par le poids des années, mais pour approcher les commerçants ou les habitants, Gérard Bapt a un angle d'attaque privilégié : la santé. "Bonjour madame. Je suis le député qui a fait interdire les biberons au bisphénol !", lance-t-il à une femme derrière sa poussette. Mediator, Dépakine, perturbateurs endocriniens, pesticides... De fait, les sujets de discussion ne manquent pas pour cet ancien médecin cardiologue, qui a fait des questions de santé sa marque de fabrique.

Gérard Bapt en train de distribuer des tracts dans le quartier toulousain d'Amouroux, le 23 mai 2017. (CLEMENT PARROT / FRANCEINFO)

Il n'hésite pas non plus à mettre en avant son comité de soutien, "sa dream team" comme il l'appelle, avec en tête d'affiche Irène Frachon, la médecin lanceuse d'alerte sur le scandale du Mediator, accompagnée notamment du médecin et chroniqueur de Charlie Hebdo Patrick Pelloux ou du chanteur Magyd Cherfi. "J'en suis très fier", sourit le député. L'accroche semble efficace. "Ah oui, le Mediator, j'en ai pris, moi...", réagit une passante en attrapant un tract.

"Cette fois, c'est la der des der"

Gérard Bapt déambule lentement, au milieu des petits immeubles résidentiels d'Amouroux. Le quartier est relativement calme, mais connaît quelques petits problèmes de trafic de drogue malgré l'installation d'une vidéosurveillance. Les rues sont peu remplies. Le parlementaire en profite pour s'inviter à l'après-midi dansant d'un club du troisième âge. "Je l'adore, il est très sympa", entend-on dans l'assistance. Cette fois, le député s'attarde trois bons quarts d'heure – le temps d'écouter un peu de Joe Dassin, de Gérard Lenorman et de Claude Nougaro. Et de serrer des mains, encore.

Les batteries rechargées, le voilà à la sortie d'une école pour distribuer ses tracts. Avant de terminer la journée par deux réunions avec des conseillers municipaux des communes de sa circonscription, des relais importants pour la population en zone rurale. "Il est très présent, il faut lui reconnaître ça", observe la maire de Castelmaurou, Magali Mirtain

Si jamais cette énième campagne se soldait par une défaite, Gérard Bapt l'assure : il a plein de projets pour sa retraite, entre voyages et projets humanitaires. Et si les électeurs haut-garonnais lui accordaient un neuvième mandat, le septuagénaire leur fait d'ores et déjà une promesse : "Cette fois, c’est la der des der."

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