"Je ne réalise pas encore" : promis à la victoire, ces candidats En marche ! aux législatives ont finalement été battus
Au soir du premier tour, ils avaient une telle avance sur leurs concurrents que leur élection semblait assurée. Mais à l'issue du second tour, dimanche, leurs espoirs de devenir députés ont été douchés. Ces "marcheurs" perdants témoignent.
Ils seront finalement 308 à siéger à l'Assemblée nationale. Au second tour des élections législatives, La République en marche a obtenu une large majorité. Le parti a pourtant fait bien moins que ce qu'annonçaient les estimations de l'entre-deux-tours, qui donnaient à LREM plus de 400 sièges. Certains candidats, largement en tête à l'issue du premier tour, se sont finalement inclinés, dimanche 18 juin au soir, victimes d'impressionnantes remontées de leurs adversaires.
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Si certains "n'ont pas envie de s'exprimer", encore émus par leur défaite, d'autres tentent d'en trouver les raisons.
Dans le Calvados, le "mal au cœur" d'Eric Halphen
Au lendemain du second tour, "c’est vraiment un sentiment de déception et de tristesse". Le juge Eric Halphen, l’une des figures de la société civile investies par La République en marche, se présentait dans la 2e circonscription du Calvados. "On avait beaucoup travaillé sur le terrain, on avait mené une grande campagne. On pensait vraiment avoir de grandes chances de l’emporter", soupire-t-il. Au premier tour, Eric Halphen avait en effet près de 14 points d’avance sur son adversaire socialiste Laurence Dumont. Mais au second tour, cette dernière a repris l’avantage, remportant l’élection avec 53,32% des voix. "Dans le QG, à l’annonce des résultats, il y avait un sentiment d’incompréhension. Ça fait vraiment mal au cœur de voir des gens dévoués pour moi en larmes…", décrit le juge à franceinfo.
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A cette défaite, Eric Halphen trouve une explication nationale. "Entre les deux tours, tout le monde annonçait une 'hégémonie' de La République en marche à l’Assemblée. Ça a fait peur aux électeurs de gauche, avance-t-il. Je pense qu’il y a eu une volonté de protéger les gens de gauche."
Les électeurs se sont dits que la majorité En marche ! était jouée et qu’il fallait essayer, par instinct de survie, de sauver les députés socialistes, de protéger les espèces en délicatesse.
Eric Halphenà franceinfo
Il estime avoir "fait les frais" de ce "ressac national". Eric Halphen revient également sur la campagne de l’entre-deux-tours : "On n'a pas assez insisté sur le fait que l’élection n’était pas gagnée, qu’il fallait continuer à se mobiliser. A mon avis, certains électeurs de LREM ne sont pas allés voter cette fois-ci."
Après "l’optimisme", la "déception" de Béatrice Faillès à Paris
"Ici, on est déçus et surtout inquiets." Béatrice Faillès, candidate LREM dans la 17e circonscription de Paris, était, elle aussi, en tête au premier tour, le 11 juin. Elle devançait son adversaire de La France insoumise, Danièle Obono, de près de 4 000 voix.
On avait 14 points d’écart, on était premiers sur l’ensemble des bureaux de vote. Et puis au second tour, ça s’est joué à 300 voix.
Béatrice Faillèsà franceinfo
La candidate LREM a fini deuxième, avec 49,29% des voix. Un revirement inattendu : "On était franchement très optimistes."
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Pourquoi une tel volte-face des électeurs ? Pour Béatrice Faillès, il y a deux raisons. "D’abord, c’est l’abstention. Entre les deux tours, on a 3 000 électeurs de moins…, regrette-t-elle. Je reçois beaucoup de messages de personnes ‘dégoûtées’ par cette démobilisation de nos concitoyens, alors qu’il y avait incontestablement une vague pour notre candidature ici." Deuxième élément d'explication, pour cette ancienne candidate : "La coalition non-assumée et inédite", dans l’entre-deux-tours, entre les candidats de La France insoumise, du PS, du PCF et Divers gauche dans sa circonscription.
Béatrice Faillès se dit très "inquiète" du résultat. "La circonscription tombe dans les mains d’une extrême gauche assez sombre, dénonce-t-elle. De plus, la candidate ne s’intéressait que très peu à la circonscription. Au dernier moment, on a eu des mélenchonistes en grand nombre dans le quartier. Avant ça, on ne voyait pas la candidate sur le terrain."
Dans les Hauts-de-Seine, Laurent Zameczkowski a "tout perdu"
Laurent Zameczkowski avait les larmes aux yeux dimanche soir, raconte Le Parisien . Dans la 6e circonscription des Hauts-de-Seine, qui inclut Neuilly-sur-Seine, le "marcheur", grand favori à l'issue du premier tour, a été battu de plus de 2 600 voix au second tour par la candidate Les Républicains Constance Le Grip. "C’est bien simple, je n’ai plus aucun avenir dans cette ville, se désolait-il. Ma réputation est ruinée, mon avenir professionnel se retrouve plombé. En m’inclinant à cette élection, j’ai tout perdu, absolument tout."
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Sa campagne a été emportée par les scandales. Le Parisien a d'abord révélé qu'il était visé par une plainte pour "violences conjugales" déposée par son épouse. Le candidat, en instance de divorce, a été entendu pendant l'entre-deux-tours au commissariat de police de Neuilly-sur-Seine. Paris-Match a ensuite rapporté qu'une autre plainte avait été déposée à son encontre par une amie de son épouse pour "injures publiques à caractères discriminatoires et menaces". Enfin, Le Parisien a dévoilé l’existence d’un compte offshore dans une banque HSBC de Hong Kong, non déclaré au fisc français. Le dirigeant de PME a reconnu une "négligence" mais expliqué que ce compte avait été ouvert à titre "professionnel" pour "partir à l’assaut d’un nouveau marché" en Asie.
Dans les Hautes-Pyrénées, Marie-Agnès Staricky est "déçue"
Dès lundi matin, Marie-Agnès Staricky s’est rendue à la préfecture pour passer les résultats au peigne fin. Dans la 2e circonscription des Hautes-Pyrénées, l'élection s'est jouée à 775 voix. La candidate du Parti radical de gauche, Jeanine Dubié, qui avait pourtant 15,6 points de retard à l'issue du premier tour, a réussi à l'emporter.
"Elle a récupéré 10 000 voix en une semaine", relève la "marcheuse", qui s’interroge sur cette "remontée fulgurante" et accuse un "report de voix inattendu" des électeurs LR vers le PRG. "En tant que candidate La République en marche, moi, je ne pouvais pas faire d’alliance", fait-elle observer. "Et il y a énormément de bulletins blancs et nuls et une très faible participation", déplore la perdante, contactée par franceinfo.
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"Bien sûr que je suis déçue. Ça aurait fait une députée En marche ! de plus. J’avais une belle avance. Mais c’est très difficile de lutter contre un tel ancrage local. Je ne suis pas déçue de ma campagne. J’ai fait du porte-à-porte jusqu’au bout et des débats tous les soirs. Ça a été une belle aventure humaine", philosophe-t-elle.
Dans la Loire, Magalie Viallon "ne réalise pas encore"
Magalie Viallon, 43 ans, chercheuse au CHU de Saint-Etienne, a failli détrôner le député socialiste Régis Juanico dans la 1re circonscription de la Loire. Elle avait 15,6 points d'avance à l'issue du premier tour. Elle a finalement échoué, à 23 voix près. "Je ne réalise pas encore tout, c'est injuste par rapport à l'énergie qu'on a déployée", regrettait-elle, dimanche soir, au micro de France Bleu.
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Elle aussi juge avoir fait les frais des reports de voix.
Il faut reconnaître que la mobilisation des 'insoumis' pour le candidat Hamon-Mélenchon y est pour beaucoup.
Magalie Viallonà France Bleu
Au soir de sa défaite surprise, elle tentait de se consoler : "On est un territoire qui est en désaccord avec l'élan national, cela ne changera pas grand-chose à la vague En marche ! au niveau national. J'aurais tellement aimé porter cette énergie et ce projet au niveau national. (...) C'était un combat qui était chouette, c'est une aventure que j'ai beaucoup aimée."
En Haute-Garonne, Michel Montsarrat "surpris" par "une vague arrivée en travers"
Battu de 91 voix, @Mmonsarrat1 (LREM) dénonce la campagne "bizarre et choquante" du PS de Haute-Garonne #circo3108 https://t.co/hpI513Dahn pic.twitter.com/z9NWcuAewp
— France 3 Midi-Py (@France3MidiPy) 19 juin 2017
Dans la 8e circonscription de Haute-Garonne, Michel Montsarrat se voyait déjà à l'Assemblée. Au soir du premier tour, il avait près de 7 000 voix d'avance. Au second, il a perdu pour seulement 91 voix de retard face au socialiste Joël Aviragnet. La faute à "une vague arrivée en travers", glisse-t-il à France 3.
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Le "marcheur", novice en politique, a été terrassé par l'armada socialiste, qui s'est mobilisée autour de son candidat. A commencer par la députée sortante et présidente de région, Carole Delga, qui ne se représentait pas mais n'entendait pas voir son fief tomber.
Je suis surpris, moi qui débute en politique. J’ai vu arriver une machine de guerre, des cohortes. C’est impressionnant. Mais finalement, c’est de bonne guerre.
Michel Montsarratà France 3
"Je trouve bizarre et choquant cette façon de faire, grince-t-il toutefois. Jusqu’au premier tour, c’était une campagne normale. Ensuite, j’ai été battu par des candidats, pas par un candidat. Je suis tombé sur les poids lourds."
En Gironde, Aziz S'Kalli-Bouaziza "s'interroge sur un rejet de la diversité"
"Ça s’est joué à 550 voix près. Ça a été une surprise", reconnaît Aziz S'Kalli-Bouaziza, battu par le socialiste Alain David dans la 4e circonscription de Gironde. "Il y a eu une 'remontada' de mon adversaire à laquelle on ne s’attendait pas du tout . Il a réussi à se refaire de 8 000 voix en une semaine." Lui en a perdu plus d'un millier dans l'entre-deux-tours.
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Joint par franceinfo, le candidat LREM accuse "une conjonction de facteurs". "Après le premier tour, les gens se sont dits 'c’est fait, on n’a plus besoin de se mobiliser'. On ne s’y attendait pas." Ensuite, "l’abstention a été extrêmement forte". Quant à son adversaire, "il a bénéficié de tous les reports de voix", accuse-t-il.
La somme des socialistes et des "insoumis" ne lui suffisait pas pour passer. Ça veut dire qu’il a bénéficié de reports de voix des Républicains, de Sens commun et du Front national. C’est très clair.
Aziz S'Kalli-Bouazizaà franceinfo
Le "marcheur" avance encore une autre explication : "Dans la 3e circonscription de Gironde voisine, mon camarade Marik Fetouh aussi a été éliminé. Ça interroge sur un rejet de la diversité. Vous savez, on est dans un territoire de banlieues avec beaucoup de problèmes sociaux. Les électeurs sont démobilisés ou tentés par les extrêmes. Ça a joué contre nous."
Sheerazed Boulkroun tout de même "fière", dans le Val-de-Marne
Sheerazed Boulkroun a elle aussi été "victime" de la "remontada" de son adversaire. Si plus de 14 points la séparaient de Mathilde Panot, candidate de La France insoumise, au premier tour, cette dernière l’a vite rattrapée, se hissant en tête au second tour dans la 10e circonscription du Val-de-Marne. "Dans l’entre-deux-tours, toute la gauche, et dans cette circonscription ça veut dire beaucoup, a invité à voter contre moi, explique-t-elle à franceinfo. Ça compliquait beaucoup les choses mais on y croyait quand même." Au lendemain des résultats, elle se dit donc "très déçue" mais tout de même "fière" du début de son implantation locale.
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