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Municipales : "La stratégie de Marine Le Pen est une réussite"

Pour le politologue Stéphane Rozès, le Front national, qui a décroché une dizaine de villes dimanche, est parvenu à s'enraciner. Ce qui peut aussi le conduire à se banaliser.

Article rédigé par Christophe Rauzy - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Marine Le Pen, la présidente du Front national, le 30 mars 2014 à Nanterre (Hauts-de-Seine), au QG du parti. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Avec une dizaine de villes conquises, dimanche 30 mars au soir, à l'occasion du second tour des élections municipales, le Front national a confirmé la dynamique entrevue lors du premier tour. Le politologue Stéphane Rozès, président du cabinet de conseil CAP, enseignant à Sciences Po et à HEC, décrypte pour francetv info le score historique du parti de Marine Le Pen, et ses conséquences futures pour le FN et pour les autres formations politiques.

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Francetv info : Peut-on parler d'une vraie poussée du Front national lors de ces élections municipales, où le FN a conquis une dizaine de mairies ?

Stéphane Rozès : Oui, clairement. Mais on peut surtout remarquer l'enracinement du FN, ce qui n'était pas gagné d'avance : transformer les bons résultats de la présidentielle de 2012 en bons résultats locaux, aux municipales en 2014, était un défi difficile à relever pour le parti. La stratégie de Marine Le Pen est une réussite. Elle a été meilleure que celle de Bruno Mégret [numéro 2 du FN de 1987 à 1998], qui avait voulu lui aussi créer une dynamique locale, mais avec un double discours : d'un côté, une main tendue à la droite pour les alliances, de l'autre, des thèmes de campagne comme la préférence nationale. L'actuelle présidente frontiste a, elle, su employer un discours moins ambigu.

Quelles vont être les conséquences pour le FN ?

Cet enracinement va permettre au parti de se structurer. Mais il y a aussi le revers de la médaille. Car les maires FN vont maintenant être confrontés à la réalité de la gestion d'une mairie, d'un budget, avec les obligations qui vont avec, et plus seulement être dans la posture de celui qui critique. Il y a un risque de banalisation pour le Front national. Mais on peut quand même s'attendre à une grande différence avec la gestion des précédentes mairies FN [Marignane, Orange et Toulon, conquises en 1995], qui était très caricaturale. Cette fois, le parti a fait un effort considérable pour mieux recruter et choisir des candidats compétents.

Que va changer cette poussée frontiste pour les autres partis, et notamment pour l'UMP ?

L'UMP s'en est bien sortie dans cette affaire. Avec la ligne de Patrick Buisson [un positionnement très marqué à droite pendant la présidentielle de 2012] et certaines positions prises par Jean-François Copé, on pouvait se poser la question d'un rapprochement avec le FN. Finalement, on constate que l'UMP a bien su répondre à ce risque de contagion. Mais cela serait exagéré de parler de réussite de la stratégie du "ni-ni" [ni désistement en faveur du PS, ni retrait au profit du FN lors des triangulaires]. Parce qu'on voit que dans de nombreux cas, la droite a profité du front républicain, qui a plutôt bien fonctionné dans la plupart des cas où il a été appliqué.

Faut-il s'attendre à un score comparable du FN aux élections européennes, le 25 mai prochain ?

Ce scrutin sera favorable à ceux qui diront les choses de façon très claire. Et seuls deux partis sont capables de le faire. D'abord, le Front national, qui va axer son discours sur le nationalisme, le protectionnisme et le refus frontal de l'Europe. A l'opposé, il faudra aussi compter sur Europe Ecologie-Les Verts, le parti qui milite le plus pour une vision européenne et fédéraliste. En revanche, au vu de la forte abstention aux élections municipales, il faut s'attendre à une très faible participation aux européennes, ce qui sera encore profitable au FN.

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