Présidentielle : après négociations, les plans de coupe seront autorisés pendant le débat
On pourra donc voir la réaction du candidat qui ne s'exprime pas pendant que l'autre parle, ce soir, lors du débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Ces plans de coupe avaient disparu des débats présidentiels depuis 1981.
Les yeux levés au ciel, un sourire moqueur, une moue étonnée ou un "non" de la tête... Les téléspectateurs du débat d'entre-deux-tours de la présidentielle, mercredi 3 mai, pourront observer les réactions de Marine Le Pen et d'Emmanuel Macron aux propos de leur adversaire.
Dans la matinée, un accord a été trouvé entre les deux candidats pour autoriser les plans de coupe pendant le débat, "avec parcimonie", annonce France Télévisions.
Qu'est-ce qu'un plan de coupe ?
En réalisation, un plan de coupe désigne l'apparition à l'écran d'une image dissociée du son. Ainsi, dans le cadre du direct, quand une personne parle mais qu'elle n'apparaît pas à l'écran, parce que le réalisateur a choisi de montrer son interlocuteur, un animateur ou encore le public quand il y en a un, il s'agit d'un plan de coupe. "Or cette image provoque une rupture dans le déroulement du débat dans la mesure où elle crée un hiatus entre ce qu'entend le téléspectateur (l'argumentation développée par un des hommes politiques) et ce qu'il voit (les mimiques, grimaces, hochements de tête de l'adversaire)", explique une étude (en PDF) publiée en 2005 dans la revue Communication et langage, consacrée à cet usage.
A partir des images d'un débat télévisé organisé entre les deux tours de la campagne présidentielle bulgare de 2001, son auteure assure que le "plan de coupe appartient à la rhétorique télévisuelle". "Une telle image modifie considérablement la perception que le public peut avoir des deux interlocuteurs, le plan de coupe donnant à voir un comportement 'mimo-gestuel' circonstanciel (sourire, rire, moue dubitative, tic nerveux...). La pratique de ce type de plan s'inscrit donc dans une stratégie d'énonciation du réalisateur", conclut l'étude.
Pourquoi ce sujet a-t-il pris tant d'importance ?
En laissant cet espace de liberté aux réalisateurs des émissions de débats, les candidats estiment prendre un risque trop important, à quelques jours de l'élection présidentielle. Incapables de maîtriser ce qu'il se passe en régie, les candidats français ont depuis longtemps balisé les débats, pour limiter la marge de manœuvre des chaînes de télévision.
"[François] Mitterrand avait été traumatisé par le débat de 1974 face à Valéry Giscard d’Estaing et il a fallu le tranquilliser par rapport à 1981. D’où l’établissement de règles qui ont été négociées une à une avec le camp de Giscard", explique Serge Moati à Europe 1. "Ce qu’on a inventé en 1981 a fait jurisprudence. Avec Robert Badinter, qui les avait mises sous forme juridique, on a négocié ensemble avec le camp adverse toutes les règles", poursuit le journaliste.
Cette année encore, les équipes des deux candidats ont donc négocié sur tous les aspects formels du débat. Alors que l'équipe de Marine Le Pen était, au départ, opposée à l'utilisation de plans de coupe, il a finalement été décidé qu'il y en aurait, mais très peu : "avec parcimonie", selon le terme validé par la chaîne et les candidats. C'est une première dans un débat de l'entre-deux-tours depuis 1981.
Pourquoi les plans de coupe font-ils leur retour ?
Pour aboutir à ce petit changement culturel, "il a fallu mettre les candidats en confiance, leur dire qu'on n'allait pas diffuser un plan de coupe d'eux quand ils se grattent l'oreille ou regardent leurs fiches (sauf, bien sûr, s'ils passent tout le débat le nez dedans)", a expliqué à Télérama Tristan Carné, réalisateur de nombreux débat, dont celui du 3 mai. Selon lui, il a fallu "leur expliquer que les plans de coupe pouvaient être pour eux du gain de temps de parole, une manière de montrer s'ils étaient d'accord ou pas avec ce qui était dit par leur adversaire."
"La vraie nouveauté de cette élection – et la grande réussite à mes yeux de réalisateur – c'est la réintroduction des plans de coupe dans ces débats", conclut-il.
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