"Président incantatoire", "immature", "télé-évangéliste"... Avant de soutenir Emmanuel Macron, Eric Woerth l'a souvent critiqué
Eric Woerth a annoncé mercredi son soutien à Emmanuel Macron dans la course à l'Elysée. Pourtant, depuis 2015, l'ancien ministre multiplie les critiques publiques de sa politique.
"Où est la cohérence ?" s'interroge Agnès Evren, porte-parole des Républicains. "Je ne sais pas comment on peut critiquer cinq ans un bilan puis le défendre", renchérit le député Julien Aubert. Ils sont nombreux à s'étonner qu'Eric Woerth annonce son soutien à Emmanuel Macron. Le député LR de l'Oise a annoncé se mettre en retrait des Républicains pour faire campagne pour le président sortant, dans un entretien au Parisien, mercredi 9 février. Il rejoint ainsi la longue liste d'anciens LR ralliés à Emmanuel Macron : Bruno Le Maire, Edouard Philippe et Gérald Darmanin en 2017 jusqu'au maire de Nice, Christian Estrosi, fin 2021.
Depuis 2017, Eric Woerth a multiplié les critiques publiques et les attaques verbales à l'encontre du chef de l'Etat. Interrogé Le Parisien, le député assume avoir "évolué", avant d'ajouter : "la présidence d'Emmanuel Macron aussi".
Franceinfo revient sur quelques unes de ses multiples charges contre le président sortant.
"La loi Macron est une réformette"
En 2015, le gouvernement de Manuel Valls présente la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite "loi Macron", du nom de celui qui est à l'époque ministre de l'Economie. Après trois recours à l'article 49-3 de la Constitution, la loi est finalement adoptée. Eric Woerth, alors délégué général au projet des Républicains, estime que la France manque de réformes pour se dégager de la crise et que le pays "s'en sort moins bien que les autres". "On ne travaille pas assez en France", assène-t-il, invité de franceinfo le 3 juin 2015. La loi Macron, selon lui, "c'est une toute petite loi (...), on ne peut pas passer son temps à faire des réformettes".
"Avec Macron, c'est 'ça coûte rien, c'est la dette qui paie'"
En mars et avril 2017, la perspective de la présidentielle électrise les débats. Le président sortant socialiste, François Hollande, ne se représente pas à la présidentielle. Son ex-ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, monte dans les sondages. Les offensives s'intensifient pour soutenir le candidat Les Républicain, François Fillon. "Hollande disait 'ça coûte rien, c'est l'Etat qui paie'. Avec Macron, c'est 'ça coûte rien, c'est la dette qui paie'", attaque Eric Woerth sur Twitter.
Hollande disait "ça coûte rien, c'est l'État qui paie". Avec Macron, c'est "ça coûte rien, c'est la dette qui paie".
— Eric Woerth (@ericwoerth) March 2, 2017
Eric Woerth assimile le programme du futur président à celui du candidat de gauche Benoît Hamon : "Avec Macron, on a un système d'assurance-chômage universel, un système de retraite universel, manque plus que le revenu universel d'Hamon."
Avec Macron, on a un système d'assurance chômage universel, un système de retraite universel, manque plus que le revenu universel d'Hamon
— Eric Woerth (@ericwoerth) March 2, 2017
Macron "est un télé-évangéliste"
En février 2017, le candidat Emmanuel Macron, en déplacement en Algérie, qualifie la colonisation de "crime contre l'humanité". Quelques jours plus tard, il demande "pardon" aux personnes blessées par ses propos, après avoir reçu des lettres de pieds-noirs et de harkis.
Eric Woerth juge "immature" la position du candidat sur la colonisation. Invité sur RTL le 20 février 2017, il estime qu'Emmanuel Macron "passe son temps à se contredire". "Macron est dans la séduction, il n'est pas dans la conviction. Il est entouré d'énarques et donc son projet varie selon l'énarque qui parle le dernier. C'est un télé-évangéliste."
"L'esquive n'est pas une politique"
La campagne 2017 bat son plein en avril. Eric Woerth signe une tribune dans Le Figaro, cosignée par onze poids lourds des Républicains, dont l'actuelle candidate à la présidentielle, Valérie Pécresse. Conseiller du candidat LR de 2017, François Fillon, sur les thématiques économiques et sociales, Eric Woerth s'adresse directement au candidat Macron.
"Vous êtes aujourd'hui le candidat des socialistes. Vous êtes même l'héritier en ligne directe de François Hollande. Vous êtes l'objet de ralliements opportunistes et de toute nature, voire contre nature", écrit-il. Eric Woerth ajoute n'avoir trouvé dans le programme du candidat "rien pour restaurer l'autorité de l'Etat, un quasi-désert sur la compétitivité, une nage en eaux troubles pour les retraites et pas un mot sur la politique familiale". Il ajoute : "On ne gouverne pas en creux, l'esquive n'est pas une politique."
Ministre de Macron ? Non merci
Après la présidentielle remportée par Emmanuel Macron, les législatives de juin 2017 approchent. Eric Woerth reçoit un appel d'un "patron proche" du président fraîchement élu, rapporte le Journal du dimanche quelques mois plus tard. On lui propose une place dans le gouvernement constitué par Edouard Philippe. "L'ex-ministre du Budget n'a même pas pris le temps de réfléchir et a dit non sur-le-champ", selon le JDD.
Des mesures "ni chèvre, ni chou"
Invité sur Europe 1 le 28 septembre 2017, Eric Woerth critique sèchement la suppression de l'impôt sur la fortune, transformé en impôt sur le patrimoine immobilier. Cette réforme incarne, selon lui, la politique du "en même temps" du gouvernement. "Ni chèvre, ni chou, ni bouteille à moitié vide, ni bouteille à moitié pleine."
"Il fallait supprimer l'ISF, c'était dans nos projets d'ailleurs, mais encore une fois, on fait la moitié ou les deux tiers du chemin", regrette-t-il ainsi. "Pourquoi garder un ISF sur l'immobilier ? Sinon pour pouvoir garder un équilibre ou pouvoir se rattraper aux branches et ne pas assumer totalement", a-t-il ajouté.
"Macron cache la poussière sous le tapis"
La première année de la présidence d'Emmanuel Macron, les projets de réformes se multiplient. Eric Woerth, alors président LR de la commission des Finances de l'Assemblée, les fustige un à un dans une interview au Point. La politique économique globale est "insuffisante", "il fait les choses faciles et ne s'attaque pas aux sujets difficiles". Sur la fiscalité, "Macron n'a fait qu'effacer ses excès. Pour le reste, il a fait des erreurs fondamentales".
Interrogé sur le budget de 2018, Eric Woerth insiste : "L'essentiel de l'effort est repoussé de 2020 à 2022 et concentré sur les collectivités locales. Ce n'est pas le premier à faire ça, mais Emmanuel Macron cache la poussière sous le tapis. Sa trajectoire de finances publiques, jusqu'en 2022, est fausse."
Avec la CSG, Macron "oppose" les générations
Le 15 mars 2018, des retraités manifestent contre la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG). Un couple confiait alors à franceinfo perdre l'équivalent de quatre mois de mutuelle. Impensable pour Eric Woerth. Macron "oppose les générations, quand il prend du pouvoir d'achat" aux retraités pour le transférer aux actifs, s'indigne le président de la commission des Finances à l'Assemblée nationale, sur France 2.
Macron "risque de faire imploser la France"
En novembre 2018, trois jours après une première manifestation des "gilets jaunes" contre la hausse du coût de la vie, Eric Woerth est invité sur BFMTV : "Emmanuel Macron voulait une France apaisée, il risque de la faire imploser. Il y a une colère partout." La politique fiscale relève du "bricolage", "cela donne ce genre de mouvement".
Une première année de mandat "ratée"
Dans une tribune publiée en juillet 2018 dans L'Opinion, Eric Woerth étrille la première année du mandat d'Emmanuel Macron. Il juge l'année "ratée" et relève des tendances "inquiétantes". "L'efficacité de la politique macronienne tient plus à des déclarations et des symboles qu'à des réformes profondes. Cette politique cessera de porter ses fruits au premier coup de froid", écrit l'élu.
Deux mois plus tard, il poursuit. La réduction du nombre de fonctionnaires n'est pas assez rapide au goût d'Eric Woerth, qui souligne sur Twitter en 2018 qu'"il faudra, à ce rythme, deux quinquennats à Emmanuel Macron pour y parvenir".
Un président plus "incantatoire qu'actif"
Dans un entretien à L'Opinion, en 2019, Eric Woerth considère Emmanuel Macron comme un président "plus incantatoire qu'actif". "On voit bien que le 'en même' temps conduit la France dans une impasse."
Cette année-là, toutes ses prises de parole sont très sévères vis-à-vis de l'action du gouvernement. "Un inquiétant budget de dépenses publiques, de renoncement" lâche-t-il aux Echos. Sur la crise des "gilets jaunes", "le gouvernement jette beaucoup de miettes aux Français", dit-il au Point. Quant au grand débat national, Eric Woerth estime qu'il "n'a d'intérêt que si le gouvernement n'interfère pas tout le temps", tandis qu'Emmanuel Macron multiplie les déplacements et longues prises de paroles devant les participants. "Il y a tromperie sur la marchandise", tranche Eric Woerth, sur Europe 1.
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