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Présidentielle 2022 : comment Edouard Philippe ambitionne de se construire "un avenir national" avec son nouveau parti

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le maire du Havre et ancien Premier ministre, Edouard Philippe, lors d'une conférence de presse à Lille (Nord), le 31 août 2021. (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

L'ancien Premier ministre s'apprête à lancer son parti politique au Havre, samedi. 

La majorité a poussé un grand "ouf" de soulagement. Le 13 septembre, sur TF1, Edouard Philippe a fait taire les rumeurs les plus folles qui le voyaient candidat à l'Elysée l'année prochaine. "Pour l'élection présidentielle de 2022, je soutiendrai le président de la République", s'est confié le maire du Havre (Seine-Maritime)End of story, comme on dirait de l'autre côté de la Manche. "Il aurait pu se faire désirer, attendre que les sondages en faveur de Macron se confirment, mais non, il l'a fait très tôt et sans aucune réserve, cela a beaucoup de valeur", salue le député LREM du Gers Jean-René Cazeneuve.

Mais Edouard Philippe ne se contentera pas de soutenir Emmanuel Macron. L'ancien Premier ministre va reprendre la route de la scène nationale. Le véhicule pour ce faire n'est pas vraiment original et un peu fatigué mais il n'y en a pas beaucoup d'autres : ce sera un parti politique. "Si tu veux un avenir national, tu dois créer un parti, ce n'est donc pas surprenant", glisse un député du MoDem. 

"Edouard Philippe sait que la popularité est une denrée rare et périssable. Il s'agit pour lui de ne pas installer l'idée que l'ancien Premier ministre n'est que le maire du Havre."

Bruno Cautrès, politologue

à franceinfo

L'ex-lieutenant d'Alain Juppé va donc annoncer samedi 9 octobre, "chez lui", la création d'un nouveau parti qui, est-il précisé d'emblée, s'inscrira dans la majorité. "Mon objectif est que ce parti politique concoure à la construction d'une offre politique nouvelle, rassemblant celles et ceux qui partagent l'ambition de raffermir la puissance de la France, la cohésion de notre société et la compétitivité de notre économie", explique Edouard Philippe sur le carton d'invitation

Les élus locaux, pièce maîtresse du nouveau parti

Comment s'appellera ce nouveau parti ? Quel sera son positionnement ? Ses valeurs ? L'entourage de l'ancien chef du gouvernement refuse d'en dire plus avant le 9 octobre. Deux objectifs sont cependant affichés : faire réélire Emmanuel Macron et peser sur les orientations du prochain quinquennat. "Edouard Philippe cultive l'art du secret. A Fontainebleau, il nous a dit qu'il soutiendrait le président, qu'il voulait jouer un rôle dans la campagne et dans la future majorité et que cela passait par un nouvelle offre politique", rapporte Alain Chrétien, le maire Agir de Vesoul (Haute-Saône), qui a participé fin août à un rassemblement d'élus qui entourent Edouard Philippe depuis son passage à Matignon.

C'est bien sur les élus locaux que ce nouveau parti prévoit de s'appuyer. "On va s'adosser sur des parlementaires mais aussi des centaines de maires car les élus locaux, c'est autant de bases et d'implantations stratégiques existantes", souligne Arnaud Péricard, proche lui aussi d'Edouard Philippe. Le maire de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) appartient au mouvement La France audacieuse de Christian Estrosi, qui, avec le parti Agir du ministre Franck Riester et le mouvement La République des maires de Christophe Béchu, le maire d'Angers (Maine-et-Loire), pourraient composer le noyau dur du futur parti d'Edouard Philippe. Tout cela est à mettre au conditionnel, puisque si des membres de ces diverses formations rejoindront Edouard Philippe, il n'est pas encore certain que les appareils suivront. 

Beaucoup d'interrogations subsistent mais tout devrait être précisé dans les semaines qui viennent, promettent les proches d'Edouard Philippe. Un congrès fondateur devrait s'organiser après le 9 octobre, selon nos informations. "On ne s'interdit rien qui puisse être utile à la réélection du président, assure Christophe Béchu. L'optique, c'est l'élargissement et le rassemblement. ça passera par des meetings communs avec LREM et ça passera aussi par l'expression de notre sensibilité."

La concurrence Bayrou

Et qu'en pense-t-on justement chez En Marche ! ? Officiellement, que du bien. "Nous sommes très à l'aise avec ça, il n'y a pas de difficultés de la majorité présentielle vis-à-vis de cette démarche", ont répété les dirigeants de LREM lors du campus de rentrée à Avignon, le premier week-end d'octobre. L'initiative d'Edouard Philippe est perçue comme complémentaire à celle du parti d'Emmanuel Macron. "Son futur parti permet d'attirer des élus locaux pour qui En Marche ! est un repoussoir", lâche un conseiller ministériel. "Le parti d'Edouard Philippe offre une solution alternative aux élus et à l'électorat de droite, qui rejoindraient ainsi la majorité présidentielle", appuie le député de Seine-Maritime Damien Adam. Des délégations d'En Marche ! mais aussi des élus du parti présidentiel seront d'ailleurs au Havre samedi, à l'instar du député de Charente Thomas Mesnier.

"Il a une démarche qui s'inscrit pleinement dans la majorité, il veut l'élargir et il est toujours aussi fidèle à ce que nous avons porté : le dépassement. Son initiative doit être soutenue."

Thomas Mesnier, député LREM

à franceinfo

Au sein de la majorité, il y en a pourtant un qui ne regarde pas cette initiative d'un très bon œil. C'est François Bayrou, le patron du MoDem, qui voit sa place de meilleur allié du président contestée. "Ça me fait sourire, on n'est pas des naïfs. On voit bien que tout cela n'est motivé que par un seul projet, une seule ambition : préparer sa propre candidature en 2027", pestait ces dernières semaines François Bayrou en petit comité, selon Le Parisien. La riposte ne s'est pas fait attendre : le Béarnais a réactivé son idée de "maison commune", qui regrouperait LREM et le MoDem. Emmanuel Macron en a défini les contours, lors d'une réunion le 29 septembre avec les chefs de la majorité. Le chef de l'Etat ne veut pas d'un grand parti sur le modèle de l'UMP, qu'Edouard Philippe avait contribué à créer en 2002 aux côtés d'Alain Juppé.

Pas de chapelles ni de clans, a encore martelé Emmanuel Macron à ses convives : "Moi je ne suis pas obsédé par les élus locaux, ce qui m'intéresse ce sont les électeurs." Un message décrypté par certains comme une pique envoyée à son ancien Premier ministre. 

Du côté de l'entourage d'Edouard Philippe, on imagine mal être mis à l'écart des discussions autour de cette "maison commune" dont le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, est chargé de bâtir les fondations. "Depuis le début du quinquennat, la structuration de la majorité nous apparaît comme une nécessité, il y a beaucoup de questions sur la manière opérationnelle dont ça pourrait se faire mais c'est une bonne idée, assure l'un de ses proches. Il serait naturel qu'Edouard Philippe y participe". 

La bataille des législatives

Derrière ces réflexions sur le meilleur attelage pour la future majorité présidentielle, un autre sujet agite les discussions : les élections législatives. Pour peser sur les prochaines orientations du second quinquennat Macron (s'il est réélu), il faudra conquérir des sièges à l'Assemblée nationale. Et les proches d'Edouard Philippe le savent. "C'est une échéance importante car les législatives vont déterminer la marge de manœuvre du président pour mettre en œuvre sa politique. Nous aurons notre rôle à jouer avec cette nouvelle offre politique", assure Arnaud Péricard. Cela promet d'âpres négociations avec LREM sur les investitures, ce qui n'est pas sans inquiéter certains députés En Marche !. 

"Entre nous, il nous arrive de parler de 'circonscriptions Edouard Philippe' pour indiquer que certaines risquent d'être 'réservées' pour son parti."

Un député LREM

à franceinfo

"Ça peut être une problématique, cela inquiète certains, mais en réalité il ira chercher les circos à droite ou au centre-droit en positionnant des élus locaux, des maires. Cela peut donc être une concurrence mais aussi une consolidation de la future majorité", nuance un autre parlementaire. "Je crois assez peu à une volonté de remplacer des députés sortants MoDem ou LREM si ceux-ci veulent se représenter", appuie même Damien Adam.

"Le premier objectif, c'est de gagner la présidentielle, rappelle un proche de Philippe lorsqu'on lui parle de ces futures négociations. Viendra ensuite le temps des législatives. Mais c'est sûr, un parti, cela porte des idées et ça présente des candidats." A bon entendeur.

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