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Présidentielle : le programme de Nicolas Dupont-Aignan est-il dans les clous des objectifs climatiques de la France ?

Celui ou celle qui remportera l'élection devra prendre rapidement des décisions importantes pour limiter le réchauffement climatique. En collaboration avec l'association Les Shifters, franceinfo vous propose une analyse détaillée des programmes des candidats à l'Elysée.

Article rédigé par franceinfo
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En collaboration avec Les Shifters, franceinfo.fr publie une analyse du programme de Nicolas Dupont-Aignan en fonction des objectifs climatiques de la France. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

Cet article fait partie d'une opération spéciale, en collaboration avec Les Shifters, une association de bénévoles qui accompagne le groupe de réflexion The Shift Project, spécialiste de la transition énergétique.


Face au réchauffement climatique, la prochaine ou le prochain président de la République devra prendre des décisions importantes. Son mandat prendra fin en 2027, trois ans avant 2030, date à laquelle la France devra avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 40% pour respecter l'accord de Paris sur le climat.

Pour ce faire, il ou elle trouvera sur son bureau la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), un document officiel qui décrit, secteur par secteur – transports, bâtiments, agriculture, industrie, etc. – les efforts importants à réaliser. Une feuille de route que les gouvernements successifs peinent à respecter depuis sa mise en place en 2015.

Les programmes des candidats sont-ils compatibles avec ces objectifs ? C'est la question cruciale à laquelle a voulu répondre franceinfo, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle 2022. Cet article présente un résumé de l'analyse faite par Les Shifters du programme de Debout la France ! de Nicolas Dupont-Aignan. Vous pouvez retrouver leur évaluation complète sur leur site

Son programme respecte-t-il l'accord de Paris ?

- (FRANCEINFO)

Le réchauffement climatique n'est pas une priorité pour le candidat souverainiste. "Le programme de Nicolas Dupont-Aignan déroge en de nombreux points à la Stratégie nationale bas carbone et la décarbonation n'en est pas un fil conducteur", constatent Les Shifters. Le candidat met par exemple "l'accent (...) sur le prolongement du modèle de société basé sur l'automobile avec un appel à l'innovation" et "les transports en commun sont quasi absents du programme". 

Certaines mesures vont même augmenter les émissions de gaz à effet de serre, alors que la France s'est engagée à les réduire : division par deux du prix des billets d'avion entre l'outre-mer et l'Hexagone, gratuité des péages en 2027, réduction de la TVA sur les carburants…

Les Shifters ont malgré tout trouvé "plusieurs axes cohérents avec la SNBC" : la mention d'une sortie des énergies fossiles, la promotion de l'agroforesterie, la relocalisation de certaines industries, la rénovation énergétique ou encore la renégociation des traités de libre-échange en fonction de critères environnementaux.

Que propose-t-il secteur par secteur ?

- (FRANCEINFO)

Transports. C'est le premier secteur émetteur en France. Si certaines propositions de Nicolas Dupont-Aignan vont dans le sens de la SNBC, comme le développement du transport ferroviaire et la généralisation de l'utilisation de véhicules moins polluants, d'autres "vont à l'encontre de la SNBC qui prévoit une baisse importante de la part modale de la voiture particulière", remarquent Les Shifters. Ils citent la baisse des tarifs des péages, la suppression de certaines zones à faibles émissions ou la baisse de la taxation des carburants. Son programme n'évoque le trafic aérien que pour diminuer le coût du transport entre l'outre-mer et l'Hexagone et promouvoir le tourisme vers la France depuis l'Asie et l'Amérique du Sud. Avec l'absence de mesures sur le vélo ou les mobilités douces, le programme apparaît donc comme "incompatible" avec les objectifs de la SNBC.

Bâtiments. Nicolas Dupont-Aignan met en avant la rénovation énergétique des bâtiments, secteur responsable de 17% des émissions nationales en 2019. Il veut ainsi doubler le "budget alloué au plan MaPrimeRenov" en le passant à 6 milliards d'euros – la SNBC préconise un budget de 14 milliards. Il évoque aussi l'abandon des modes de chauffage carbonés, tels que les chaudières à gaz ou au fioul. "Globalement, le programme incite à la décarbonation du secteur, mais l'atteinte des objectifs de la SNBC semble difficilement évaluable du fait du faible investissement prévu, mais également de la difficulté à quantifier le nombre de logements réellement rénovés", précisent Les Shifters.

Agriculture. Derrière les transports, c'est le deuxième poste d'émissions de gaz à effet de serre en France. "Les mesures proposées par le candidat abordent deux enjeux clés : l'évolution des systèmes agricoles vers l'agroforesterie et l'agroécologie et la réduction des transports des marchandises agricoles avec le développement des circuits courts et le lancement d'un plan de production et de consommation de fruits et légumes français", relève l'association. Mais ces mesures ne sont ni datées ni chiffrées, empêchant leur réelle évaluation. 

Forêts. Ce secteur a la possibilité d'extraire le carbone de l'atmosphère pour le stocker dans les sols, agissant en faveur de la lutte contre le changement climatique. Nicolas Dupont-Aignan n'en fait mention que pour encourager l'utilisation du bois dans la construction. C'est en phase avec la SNBC, mais "ne permet pas d'assurer le renforcement et la conservation des forêts françaises, ni leur résilience au changement climatique", notent Les Shifters. 

Industrie. Ce secteur émet 19% des gaz à effet de serre de la France. Sur le sujet, le candidat mise sur la réindustrialisation avec un plan de relocalisation et l'étiquetage des produits tricolores. "Toutefois, en l'état, ces mesures ne s'inscrivent pas dans le cadre d'une stratégie industrielle bas carbone visant une transformation en profondeur de l'industrie", constatent Les Shifters. 

Energies. Comme chez d'autres candidats, le programme de Nicolas Dupont-Aignan est en faveur d'un fort développement du nucléaire "à un niveau de développement qui dépasse ce que RTE considère comme faisable dans son rapport Futurs énergétiques 2050, ce qui constitue donc un pari technologique fort", souligne l'association. Le candidat rejette par ailleurs les énergies solaire et éolienne, "ce qui semble incompatible avec la SNBC qui vise au contraire une diversification du mix indispensable"

Déchets. Sur ce secteur responsable de 4% des émissions françaises, les mesures proposées par Nicolas Dupont-Aignan sont "cohérentes" avec le texte de la SNBC. Les Shifters énumèrent "la limitation de la production de déchets, comme la lutte contre l'obsolescence programmée et un bonus fiscal attribué aux entreprises présentant une démarche d'éco-conception" ou encore "l'amélioration de la collecte et la valorisation des déchets, [avec] le développement de l'information fournie à tous les acteurs ou l'investissement dans les filières de recyclage pour sortir du 'tout brûlé'". 

La mise en œuvre de ces mesures est-elle réaliste ?

Peu étoffé sur le plan climatique, le programme de Nicolas Dupont-Aignan ne prévoit pas non plus beaucoup de mécanismes pour mettre en œuvre ses quelques propositions. Il "intègre de façon très partielle et insuffisante les enjeux climatiques aux décisions publiques", relèvent Les Shifters. "Les mesures proposées sont souvent des objectifs, un certain nombre de plans thématiques sont évoqués, qui semblent constituer principalement des feuilles de route indicatives supportées par des incitations financières", poursuivent-ils.

- (FRANCEINFO)

Peu de choses sont également prévues pour la sensibilisation des citoyens aux enjeux de la transition bas carbone ou pour réorienter les flux économiques vers des actifs respectueux du climat. "Malgré une couverture d'une majorité de secteurs de la SNBC, le programme est très en retrait, avec assez peu de mesures permettant la décarbonation, l'efficacité énergétique et la sobriété des usages", concluent Les Shifters.

- (FRANCEINFO)

Retrouvez ci-dessous les analyses climatiques des programmes des autres candidats : 

>> On a épluché les programmes des candidats à la présidentielle pour voir s'ils respectent l'accord de Paris

>> Les programmes de Nathalie Arthaud, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean Lassalle, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse, Philippe Poutou, Fabien Roussel et Eric Zemmour sont-ils dans les clous des objectifs climatiques de la France ?

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