Elections européennes 2024 : pourquoi les partis politiques font davantage campagne dans les zones où ils sont déjà bien implantés
Les élections européennes approchent à grands pas et le spectre d'une forte abstention continue de planer sur le scrutin, alors que près d'un électeur sur deux (49,9%) ne s'était pas rendu aux urnes en 2019. Pour tenter de faire le meilleur score possible, dimanche 9 juin, les différentes listes engagées doivent donc de nouveau convaincre les Français de se déplacer dans les bureaux de vote.
"L'enjeu, sur un scrutin pour lequel on a un Français sur deux qui vote, c'est de s'assurer de la mobilisation de son cœur électoral avant tout", explique Christelle Craplet, directrice de BVA Opinion. "Le risque le plus grand, c'est que nos électeurs restent à la maison, pas qu'on nous pique des électeurs", confirme le député LFI Matthias Tavel, directeur de campagne de La France insoumise. Les différents camps tentent donc en priorité de mobiliser ceux qui les ont soutenus lors des précédentes élections.
A chaque parti son terrain de campagne ciblé...
A ce petit jeu, chacune des principales forces politiques a ses zones privilégiées. Tête de liste Renaissance, "Valérie Hayer est de l'ouest de la France, or notre cœur électoral, c'est l'Ouest", insistait début avril un député influent de la majorité. Les déplacements de l'eurodéputée depuis le début du mois de mars traduisent la volonté de solliciter cet électorat, avec de nombreuses visites effectuées dans la région des Pays de la Loire et les autres régions de la moitié ouest, comme la Nouvelle-Aquitaine ou la Normandie.
La France insoumise privilégie, elle, d'autres territoires. "On va beaucoup dans les outre-mer, où Jean-Luc Mélenchon a souvent dépassé les 50%", souligne Matthias Tavel. LFI privilégie aussi les quartiers populaires des grandes villes, où il a réalisé de bons scores lors des présidentielles de 2017 et 2022. Lors de ces deux dernières semaines de campagne, le mouvement a ainsi décidé d'organiser un "Manifestival" dans cinq villes qui lui ont plutôt réussi par le passé : Paris, Lille, Rennes, Montpellier et Marseille. L'événement rennais a toutefois été interdit par la préfecture par crainte de troubles à l'ordre public, ce que dénonce Louis Boyard, le député à l'initiative de l'événement.
"Dans les grandes villes étudiantes, on sait qu'on a une base de sympathie qu'on doit mettre en mouvement."
Matthias Tavel, directeur de campagne de Manon Aubryà franceinfo
Ces choix se retrouvent aussi dans les opérations de porte-à-porte et de tractage menées par les différentes listes à l'approche du scrutin. "On a ciblé la distribution postale des tracts là où on a fait les meilleurs scores, parce que les électeurs ont des bonnes chances de devenir des lecteurs. Tout le monde fait ça", justifie un cadre de Renaissance.
... et son électorat privilégié
Pour mobiliser son électorat potentiel, il ne suffit pas de cibler les bonnes zones sur la carte de France. "Il peut y avoir un raisonnement géographique chez les partis, mais aussi sociodémographique", appuie Christelle Craplet. La stratégie est donc de concentrer ses efforts à destination des catégories de la population a priori favorables. Pour les uns, ce sera les jeunes ou les ruraux, pour les autres les catégories socioprofessionnelles supérieures ou les seniors, par exemple. Cette stratégie socio-démographique pouvant conduire à cibler des secteurs géographiques, comme certaines villes ou zones rurales.
Il y a néanmoins deux inconvénients à ce ciblage prioritaire. Le premier risque est de fournir beaucoup d'efforts pour courtiser un électorat qui ne se déplacera pas le jour du scrutin. "LFI fait une erreur en allant chercher les quartiers populaires et les jeunes, c'est un électorat qui n'ira pas voter", assure un cadre de la campagne macroniste. Les jeunes, qui sont plus nombreux que la moyenne à soutenir LFI, selon un sondage Ipsos pour France Télévisions et Brut publié mercredi 29 mai, pourraient en effet s'abstenir à près de 60%.
Le camp présidentiel est lui aussi concerné par ce danger. "D'habitude, les macronistes disposent d'un électorat qui vote, avec des personnes plutôt âgées, traditionnellement pro-Europe. Cette année, ce n'est pas trop le cas", relève Christelle Craplet.
"Les électeurs traditionnels du camp macroniste ne semblent pas trop mobilisés, en tout cas moins que ceux du RN."
Christelle Craplet, directrice de BVA Opinionà franceinfo
Cette différence de mobilisation, mesurée par la multitude d'enquêtes d'opinion qui ont été publiées ces derniers mois, explique notamment l'écart significatif entre les listes RN et Renaissance dans les sondages.
"Ne pas perdre trop de forces" dans certaines zones
Aucune des têtes de liste n'ayant le don d'ubiquité et les militants ne formant pas une armée capable de frapper à toutes les portes de France, il faut parfois, dans une campagne, délaisser certaines zones du territoire. "On ne va perdre trop de forces dans des endroits où on fait de moins bons résultats", prévenait fin mars auprès des journalistes le député Renaissance Pieyre-Alexandre Anglade, directeur de campagne de Valérie Hayer. La consigne a visiblement été intégrée par les troupes macronistes : "Je ne cherche pas à convaincre des gens trop éloignés de nous. Je ne peux pas convaincre les soutiens de Jordan Bardella, mais plutôt des gens pro-européens", confie une ministre Renaissance. "On ne va pas terminer la campagne à Nice", ironise quant à lui Matthias Tavel de LFI.
C'est justement à Nice que Marion Maréchal finira, elle, sa campagne pour Reconquête, jeudi 6 juin. L'objectif, pour la candidate, est de franchir la barre des 5% et d'envoyer des élus au Parlement européen. En 2019, avec 22,6 millions de bulletins exprimés, il fallait faire environ 1,13 million de voix pour y parvenir. A quelques jours du verdict des urnes, faire le plein dans ses zones de force est donc une absolue nécessité. Dans une ville et un département des Alpes-Maritimes qui ont voté à 14% pour Eric Zemmour au premier tour de la présidentielle 2022, avec 78 000 voix, la nièce de Marine Le Pen l'a bien compris.
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