Euthanasie : les quatre questions que pose la proposition de Hollande
Le candidat socialiste souhaite autoriser l'assistance médicalisée s'il est élu en mai, ouvrant la voie à la légalisation de l'euthanasie. FTVi détaille cette proposition.
Jean Mercier et le docteur Nicolas Bonnemaison, ces deux hommes ont récemment relancé le débat autour de l'euthanasie. Le premier, 83 ans, est poursuivi pour "homicide volontaire" et "non-assistance à personne en danger" pour avoir aidé en novembre sa femme malade à mettre fin à ses jours. Le second, médecin urgentiste à Bayonne, est mis en examen pour l'"empoisonnement" de sept personnes. Il est soupçonné d'avoir permis la mort de neuf patients.
Alors que la présidentielle approche, le débat sur la fin de vie revient donc sur le devant de la scène. Le timing est parfait : jeudi 26 janvier, le candidat socialiste François Hollande en a aussi fait l'une de ses promesses de campagne, lors de la présentation de ses "60 engagements pour la France". Se dirige-t-on vers une légalisation de l'euthanasie ? Eléments de réponse, en quatre points.
• Que propose le Parti socialiste ?
La proposition de François Hollande porte le numéro 21 et tient en une phrase : "Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable (…) puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité."
Concrètement, un médecin serait autorisé à aider le patient à mourir. Pourtant, la prudence est de mise : le mot "euthanasie" n'est jamais mentionné. "Personnellement, je ne l'aime pas", se défend sur Europe1 Marisol Touraine, chargée des questions sociales du candidat PS. "Mais on va dans ce sens", promet-elle.
C'est également ce qu'a compris Jean-Luc Romero, président de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), interrogé par FTVi : "Ils n'emploient pas le mot 'euthanasie', mais c'est ce dont ils parlent."
• Quelle est la différence avec la loi en vigueur ?
Depuis 2005, la fin de vie est régie par la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, plus connue sous le nom de loi Leonetti. Cette règlementation autorise l'arrêt des soins, soit l'euthanasie dite "passive" et interdit l'acharnement thérapeutique.
"C'est la loi du laisser mourir de faim et de soif. Elle est insuffisante", s'indigne Jean-Luc Romero, qui se félicite que le candidat socialiste "s'engage en faveur d'une nouvelle législation". Pour lui, il s'agira forcément d'euthanasie "active" : "Que peut-il y avoir après la loi actuelle à part cela ?", interroge-t-il.
• Quelles sont les limites de la proposition socialiste?
Si la question de l'euthanasie revient régulièrement sur la table, les politiques restent frileux à l'idée de légiférer. Ainsi, en 2011, le Sénat a rejeté un texte légalisant l'euthanasie sous forme d'assistance médicalisée, par 170 voix contre 142.
Pour Romero, la classe politique "a la trouille", car la question de l'euthanasie ne manque pas de faire réagir ses adversaires et agite les milieux pro-vie. Le Parti socialiste a donc choisi d'écarter la possibilité du "suicide assisté", comme il est pratiqué en Suisse.
"Les politiques en ont peur, à tort, parce qu'ils ne connaissent pas, analyse le président de l'ADMD. Pourtant, cette méthode serait meilleure, car les médecins refusent parfois d'intervenir. Le suicide assisté, c'est exactement la même chose que l'assistance médicalisée, sauf que le patient est acteur de sa fin de vie, ce qui est rassurant."
• Qu'en pensent les Français ?
Du côté des principaux intéressés, le sujet n'est pas si tabou. Depuis 2002 et l'affaire Vincent Humbert, un jeune pompier tétraplégique ayant demandé le droit à mourir, les Français ont eu temps de se forger leur opinion. Selon les derniers sondages, plus de 90 % d'entre eux se déclarent favorables à l'euthanasie, que ce soit en 2010, comme l'indique Le Monde ou en 2011, rapporte le Nouvel Obs.
Vendredi 27 janvier, la mère de Vincent Humbert a réagi à la proposition du candidat socialiste sur RTL. "La loi est tellement brouillon qu'il faut absolument la recadrer", estime-t-elle. Son avis sera peut-être bientôt partagé par d'autres : en août, le rapporteur de la loi de 2005, Jean Leonetti, a appelé à un grand débat national sur la question, souligne le Nouvel Obs. Il pourrait avoir lieu après l'élection présidentielle. Mais le sujet n'attendra peut-être pas si longtemps pour se réinviter dans le débat public.
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