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Reportage Mort de Nahel : "Il n’y a plus du tout d’accroche" avec les jeunes, constate un avocat qui assiste des prévenus jugés en comparution immédiate pour violences urbaines à Nanterre

Les interpellations se multiplient ces derniers jours comme les comparutions immédiates. La jeunesse des prévenus est particulièrement marquante.
Article rédigé par franceinfo - Camille Marigaux
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le Palais de justice de Nanterre (illustration). (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

Vendredi 30 juin au tribunal de Nanterre se tient un jeune homme de 21 ans, jugé en comparution immédiate pour avoir été pris lors des violences urbaines qui ont suivi la mort de Nahel mardi.

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Opérateur de montage, Yamadou travaille mais vit encore chez ses parents. Il a été interpellé à Villeneuve-la-Garenne pour avoir lancé un mortier d'artifice vers les forces de l'ordre. Lui explique qu'il rentrait du travail, qu'il a voulu filmer ce qui se passait avant de trouver le tube par terre. Il assure n'avoir rien contre les forces de l'ordre. "Alors, on ne leur tire pas dessus avec des feux d’artifice !", sermonne le procureur. "Je sais que j’ai fait une grosse erreur", reconnaît le jeune prévenu.

"Pardon j’ai fait ça dans l’euphorie."

Yamadou, un jeune prévenu

à franceinfo

Le mot surprend la cour. "Je ne pense pas que vous soyez un grand délinquant", lui répond le procureur. Yamadou écope tout de même de quatre mois ferme de prison, avec mandat de dépôt, une peine qui, espère le procureur, aura un écho dans le 92.

Des peines alourdies par le contexte ?

Jusqu'ici le casier de Yamadou était vierge, comme ceux de la plupart des prévenus d'un autre dossier, jugés cette fois pour transport de mortiers d'artifice. Parmi eux, le client de Rudy Albina, saisi juste avant l'audience par la famille du jeune homme de 23 ans. Jusqu'ici rien d'anormal, sauf que l'avocat enchaîne les allers-retours entre les deux salles d'audience, exceptionnellement mobilisées vu le nombre de comparutions. Et il en est certain, le contexte alourdit les peines au détriment du droit. "Ce que j’attends du tribunal, comme n’importe quel avocat, c’est de rester quand même totalement impartial et de ne pas subir la pression médiatique, insiste-t-il. Parce que, lorsqu’on voit qu’il y a systématiquement du mandat de dépôt par rapport aux émeutes qui a été requis, c’est par rapport à la pression médiatique qui est totalement hors norme aujourd’hui et qui a un poids évident sur les réquisitions et les peines qui sont prononcées Et ça, c’est totalement lunaire et incompréhensible pour nous". 

Pour l'un des clients de Fabien Arakelian, c’est également la toute première condamnation. L'avocat, en colère, est surpris. Pour lui, ce qui se passe ailleurs dans le pays, depuis la mort de Nahel n'explique pas tout. "Je ne banalise pas le contexte, je ne justifie rien, je ne légitime rien. Je dis juste que ce contexte ne peut pas amener les magistrats à prendre uniquement en considération les évènements sans se cantonner à leur rôle essentiel qui est de lire une procédure et de faire du droit." Une question revient systématiquement : "Qu'avez vous contre les forces de l'ordre ?" "Rien", répondent la plupart des prévenus. De quoi provoquer une certaine frustration du tribunal qui attendait davantage d'explications.

Des prévenus âgés de 17 et 24 ans 

La jeunesse de ceux qui comparaissent interpelle Maître Morad Falek. Ils sont même parfois mineurs, selon une note des renseignements territoriaux. L'âge moyen de ces "émeutiers" a été évalué entre 17 et 24 ans. Me Falek avait déjà défendu des prévenus pendant les violences urbaines de 2005. Pour l'avocat, le schéma de ces violences n'est pas le même. Il craint que les aînés perdent le contrôle. "Je suis Nanterrien. J’ai passé quelques heures les premières nuits à essayer de rencontrer des jeunes, il y en a que j’ai défendu, j’ai défendu les pères. J’ai grandi dans ces milieux-là. Il n’y a plus du tout d’accroche. En 2005, on arrivait à accrocher. Les parents arrivaient encore à accrocher les gamins".

"Monsieur le président de la République a appelé les parents à la responsabilité. C’est très bien. Je crains que ça reste un vœu pieu parce que certains parents ne maîtrisent plus."

Maître Morad Falek

à franceinfo

"C’est la faute de qui ? Ce n’est pas le débat", coupe court l'avocat.  

Les parents sont parfois présents dans la salle d'audience comme cette femme, émue aux larmes. Son fils de 18 ans, interpellé près d'un feu de poubelle, n'ira pas en prison. Sans antécédent, il devra, pour éviter l'incarcération réaliser 240 heures de travaux d'intérêt général.

>> Mort de Nahel : comment se passent les gardes à vue des mineurs interpellés lors des émeutes ?

Une vingtaine de personnes ont été jugées vendredi en comparution immédiate pour leur participation aux violences nocturnes. Ces comparutions vont se poursuivre tout le week-end au tribunal de Nanterre. Les personnes jugées ont dix jours pour faire appel.

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