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Dopage : le cyclisme est-il vraiment le mauvais élève ?

L'affaire Jalabert risque de ternir encore plus l'image du cyclisme. Pourtant, les autres sports ne sont pas épargnés. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des étudiants déguisés en seringues sur le parcours du Tour de France 2007, lors d'une étape Pau-Castelsarrasin.  (JOEL SAGET / AFP)

Le Tour de France débute le 29 juin, et on ne parle que de dopage dans la presse. Dernier épisode en date, l'affaire Jalabert. Une fois de plus, le grand public va faire l'amalgame "tous dopés" et vous allez lutter pour convaincre vos collègues de bureau de regarder la captivante étape entre Fougères et Tours, le 11 juillet. Heureusement, francetv info a pensé à vous et vous offre ce guide de combat pour répliquer aux arguments des moqueurs. 

1"C'est le sport où il y a le plus de dopés"

On n'en sait rien Les dernières statistiques pertinentes de l'Agence mondiale antidopage (AMA) remontent à 2011 : à cette époque, c'est l'haltérophilie qui décrochait la palme (PDF en anglais, p.6). En France, le cyclisme est de loin le sport le plus contrôlé (1 800 tests contre 1 100 pour le sport arrivant en deuxième, l'athlétisme) mais pas celui avec le plus de cas positifs. C'était le rugby

Que valent les contrôles ? Difficile à dire. Les gendarmes ont toujours un train de retard sur les voleurs, au point qu'on apprend seulement maintenant les cas positifs du Tour 1998. Le directeur général de l'AMA, David Howman, a reconnu que n'avoir que 36 cas positifs à l'EPO sur 258 000 contrôles était "pathétique". "Nous attrapons les dopés simplets, nous n'attrapons pas les dopés sophistiqués."

2"Ce n'est pas possible de faire le Tour à l'eau claire"

Faux Même si 80% des coureurs sur le podium du Tour entre 1996 et 2010 ont un casier dopage, participer à l'épreuve, voire bien y figurer est possible sans Docteur Mabuse et intraveineuse au saut du lit. Le magazine La Preuve par 21 montre que des coureurs français comme David Moncoutié, plusieurs fois vainqueur d'étape, ou Jérémy Roy, l'éternel échappé, ont des performances cohérentes avec leur rapport poids/puissance. 

En 2007, le journaliste Guillaume Prébois avait effectué le parcours un jour avant les coureurs. Il explique sur Le Monde.fr, après deux semaines de course, que "beaucoup de gens sont presque 'déçus' que je ne sois pas devenu squelettique, anémié, et dans un état clinique pitoyable. (...) Cela ne veut pas dire pour autant que le Tour de France est facile."

3"Les cyclistes sont dopés à l'insu de leur plein gré"

Comme partout L'excuse du dopage "à l'insu de mon plein gré" n'est pas neuve. Ben Johnson a tenté de justifier son contrôle positif aux Jeux olympiques de Séoul en 1988 par une substance inconnue versée dans son bidon d'eau. Contrairement au cyclisme, le public ne tend pas de bouteilles aux athlètes dans les stades...

Les cyclistes n'ont pas non plus le monopole de l'excuse bidon pour justifier un contrôle positif : entre les produits pour agrandir le pénis et ceux pour ralentir la chute des cheveux, sprinters et footballeurs ont fait preuve de beaucoup d'imagination.

4"Les sports 'nobles' sont épargnés par le dopage"

Ah oui ? Prenez cet extrait de l'audition du docteur Jean-Pierre de Mondenard devant la commission d'enquête sénatoriale sur le dopage : "Dans les années 1950, les douze sommets de plus de 8 000 mètres que compte la planète ont été vaincus par des amphétaminés. Ce fut le cas d'Herzog et de Lachenal lorsqu'ils vainquirent l'Annapurna le 3 juin 1950. On parlait d'eux comme de l'équipe de France, tant ces ascensions s'inscrivaient dans une véritable compétition entre quelques pays. Les Français utilisaient le Maxiton, les Anglais la Benzédrine, les Italiens la Sympamine, les Allemands et les Autrichiens le Pervitin."

Des spectateurs se moquent des coureurs du Tour de France en injectant une fausse seringue d'EPO à l'un des leurs, le 26 juillet 2007, entre Pau et Castelsarrazin. (JOEL SAGET / AFP)

5"Le dopage ne sert à rien dans le football", comme dit Michel Platini

Euuuh… Le football est un sport où il faut courir environ 10 km par match, des sprints de courte durée et de forte intensité, où l'adresse prend une part prépondérante, et on joue jusqu'à 72 matchs dans la saison, comme le joueur brésilien de Chelsea Oscar. Et personne ne s'y doperait ? En trente ans, les footballeurs ont pris 5 cm, 10 kg (de muscles) et ont augmenté leur capacité respiratoire de 20%, remarque le médecin du sport Jean-Pierre de Mondenard dans son livre Dopage dans le football.

Jean-Jacques Eydelie, ancien joueur professionnel, raconte : "Quand il revenait du mondial, Jorge Burruchaga [un international argentin qui a joué avec Eydelie à l'OM] avait le cul comme une passoire ! Il était bombardé ! Mais comme l’équipe de France en 98 était bombardée aussi." Comment expliquer, si ça ne sert à rien, le dopage organisé à l'OM ou le stock de médicaments digne d'un petit hôpital de la Juventus Turin époque Deschamps-Zidane ?

L'argument existe aussi en version tennis. Serena Williams a dit en 2008 : "Le tennis est le sport le plus pur, le plus propre. Heureusement, on n’aura jamais de problème de dopage."

6"On n'attrape personne dans les autres sports"

Et pour cause. Prenez...
- la F1. "La lutte contre le dopage en F1 n'en est qu'aux balbutiements, fustige le docteur Jean-Pierre de Mondenard, contacté par francetv infoC'est ce qu'on faisait dans le cyclisme dans les années 1960 ! Tout ça, c'est pour préserver l'image propre de ce sport. Il faut montrer qu'on lutte, mais qu'on n'attrape personne."
- le tennis. Guy Forget estimait en janvier dernier sur la BBC (en anglais) : "Je ne pense pas que notre sport soit 'clean', je suis sûr qu’il y a des gars qui trichent."
- le rugby. L'ancien international Laurent Bénézech a déclaré au Monde que "les preuves sont sous nos yeux mais apparemment, ça n'intéresse personne. Le rugby est exactement dans la même situation que le cyclisme avant l'affaire Festina."

7"Les produits vraiment dopants sont interdits"

Pas tous. La liste des produits dopants est fixée par l'Agence mondiale antidopage, soumise à un lobbying intense des différentes fédérations. "L'AMA a fait le ménage par le haut, en s'attaquant aux produits lourds comme l'EPO. Mais elle a dû lâcher du lest aux petites fédérations en autorisant des produits comme les corticoïdes et le salbutamol [contenu dans la Ventoline, un médicament contre l'asthme]", analyse Stéphane Huby, du site cyclisme-dopage.com, contacté par francetv info. La Ventoline, le dopage le moins cher pour le sportif du dimanche, qu'il soit footballeur ou marathonien…

Les corticoïdes ont été mystérieusement retirés de la liste des produits interdits par l'AMA... ce qui rend leur utilisation sous forme de pommade autorisée. Pourtant, leurs effets dans les sports d'endurance sont spectaculaires. De la même façon, la caféine, un temps interdite, a été de nouveau autorisée en 2004. Des produits distribués par exemple aux footballeurs anglais en sélection et qui ont empêché les joueurs de dormir, rapporte L'Equipe. Le fait qu'il n'y ait pas de contrôle positif ne veut donc vraiment pas dire qu'un sport est propre...

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