Infirmière tuée au CHU de Reims : quel est le profil du suspect mis en examen, qui dit "en vouloir au milieu hospitalier" ?
Un peu plus de 48 heures après l'attaque au couteau perpétrée au CHU de Reims, le procureur en charge de l'enquête, Matthieu Bourrette, a tenu une conférence de presse, mercredi 24 mai. Le magistrat a donné des nouvelles de la secrétaire médicale blessée et apporté des précisions sur le déroulement de l'agression qui a coûté la vie à une infirmière. Il a également livré de nombreuses informations sur l'homme arrêté et son état de santé mentale. Ce dernier a été mis en examen pour assassinat et tentative d'assassinat et placé en détention provisoire à l'issue de sa garde à vue. Voici ce qu'il faut retenir de cette prise de parole.
La secrétaire médicale blessée est "hors de danger"
Le procureur de la République de Reims a d'abord donné des nouvelles de la secrétaire médicale de 56 ans qui a survécu à cette attaque survenue dans les vestiaires du service de l'unité de médecine et santé au travail du CHU de Reims. Elle est "hors de danger" et a pu être entendue dès mardi par les enquêteurs. Elle a raconté avoir reçu "cinq coups de couteau".
Sa collègue, Carène Mezino, une infirmière âgée de 37 ans, mère de deux enfants de 8 et 11 ans, a succombé à ses blessures dans la nuit de lundi à mardi. Elle n'a pas survécu "à une hémorragie interne provoquée par des lésions d'organes thoraciques et abdominaux", a précisé le procureur.
Le suspect a agi "sans mobile apparent"
L'homme de 59 ans, rapidement arrêté après l'agression, est célibataire et sans activité professionnelle. Il a agi seul, à l'aide d'un couteau de cuisine avec une lame de 15 à 20 centimètres, retrouvé sur lui au moment de l'interpellation, rapporte le magistrat. Il semble avoir agi "sans mobile apparent envers les victimes". Il n'avait pas de rendez-vous dans le service ce jour-là. Dès son interpellation, il a déclaré "à plusieurs reprises en vouloir au milieu hospitalier en disant avoir été maltraité" et que "chaque fois qu'il croiserait une blouse blanche, il la planterait".
Lors de sa garde à vue, "particulièrement difficile" et réalisée "en milieu hospitalier", le suspect a tenu certains "propos totalement incohérents", a expliqué le procureur. Il a toutefois reconnu avoir agressé "les deux personnels de santé en raison de leur qualité, car il en voulait à la psychiatrie, qu'il qualifiait de criminelle, d'assassin, de faux jeton". L'homme a également expliqué qu'il pensait passer à l'acte "depuis plusieurs mois".
Le procureur a déclaré qu'il avait ouvert une information judiciaire pour assassinat et tentative d'assassinat et requis la mise en examen du suspect ainsi que son placement en détention provisoire dans le cadre d'une hospitalisation en milieu carcéral. Le juge d'instruction a suivi ces réquisitions.
Il était suivi de longue date pour "schizophrénie" et "paranoïa"
Le suspect était suivi "depuis 1985" pour "schizophrénie" et "paranoïa", a relaté le procureur. Il a fait l'objet de nombreux séjours hospitaliers et avait le statut d'adulte handicapé. En 2017, "sur fond de pathologie sévère de type syndrome persécutif et de psychose chronique depuis l'adolescence", il a stoppé son traitement et agressé le 21 juin, au couteau, quatre membres du personnel de l'établissement d'aide par le travail (Esat) où il travaillait.
Mis en examen à Chalons-en-Champagne pour ces faits de violences aggravées, il n'a pas été placé en détention, mais hospitalisé sous contrainte pendant plus de deux ans (juin 2017 à août 2019). Il a de nouveau séjourné en hôpital psychiatrique pendant quelques semaines à l'automne 2020 (du 22 septembre au 17 octobre) puis pendant deux mois en 2021 (du 12 juillet au 14 septembre).
Le 30 juin 2022, soit cinq ans après les faits, le juge d'instruction a rendu "une ordonnance aux fins de saisine de la chambre de l'instruction, liée à une pluralité d'expertises faisant état de l'abolition du discernement de l'intéressé". C'est dans le cadre de cette procédure qu'une audience doit avoir lieu devant la cour d'appel, vendredi 23 mai. A son issue, une déclaration d'irresponsabilité pénale peut être prononcée dans cette première affaire, et des mesures de sûreté pouvant aller jusqu'à l'hospitalisation d'office peuvent être prises. Le procureur a précisé qu'aucun lien entre ce nouveau passage à l'acte et cette audience n'avait été établi.
Il a reconnu des "ruptures de soins"
Cet homme originaire de Reims était placé sous curatelle renforcée depuis plus de cinq ans. L'enquête a mis en évidence une divergence de points de vue entre la mandataire judiciaire chargée de cette curatelle et le psychiatre. La première a affirmé aux enquêteurs que le patient ne prenait plus régulièrement son traitement "depuis au moins décembre 2020", qu'il avait fait plusieurs "crises verbales", dont la dernière le 15 mai 2023, une semaine avant les faits. La mandataire judiciaire a précisé "s'en être ouverte à plusieurs reprises au psychiatre", "faisant des signalements non suivis d'effets" et que la mère du quinquagénaire "avait les mêmes craintes d'un nouveau passage à l'acte".
Le psychiatre, également entendu, a maintenu que son patient, qu'il suit depuis "plus de cinq ans", était "stabilisé" depuis six mois, que le traitement était pris et que "la mesure de protection ne se justifiait plus". Le suspect venait tous les jours de la semaine au service médical pour prendre ses cachets et, le vendredi, il récupérait son sachet pour le week-end.
"La prise des médicaments se fait devant les infirmiers, mais il n'est pas vérifié la réalité et la complétude de l'ingestion", a précisé le procureur, ajoutant qu'un sachet "ni ouvert ni entamé" avait été retrouvé lors de la perquisition à son domicile. L'intéressé lui-même a reconnu des "périodes importantes de ruptures de soins". L'information judiciaire devra notamment rechercher "s'il y a eu ou non continuité dans la prise en charge médicale ou au contraire rupture de soins à l'initiative du mis en cause", a conclu Matthieu Bourrette.
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