"Pendant la minute de silence, mes élèves ont rigolé" : deux professeurs racontent leur retour en classe après l'attentat d'Arras
Depuis le 13 octobre, jour du meurtre du professeur Dominique Bernard à Arras (Pas-de-Calais), leur parole se fait rare. Au sortir des vacances de la Toussaint, Pierre Sabourin, professeur dans un collège à Arcueil (Val-de-Marne), membre du Snes-FSU, et Albane*, enseignante en lycée, reviennent à l'occasion d'une interview croisée sur la manière dont ils ont vécu cet événement tragique.
Moins d'un mois après l'attaque, quelle est l'ambiance au sein de leur établissement ? Ont-ils été accompagnés par le ministère de l'Education nationale avant la minute de silence ? Quelles ont été les réactions de leurs élèves, et comment répondre à leurs questions pressantes ? Autant de questions abordées par ces deux professeurs, qui ont repris avec appréhension le chemin de leur salle de classe.
Des questions sur la mémoire des Palestiniens mais aussi du jeune Nahel
Au moment d'évoquer la minute de silence, observée dans chaque classe des collèges et lycées de France, lundi 16 octobre, Albane* se remémore les nombreuses interrogations de ses élèves, trois jours après l'assassinat de son collègue. "Ils m'ont posé beaucoup de questions très pratiques (...), pourquoi on ne faisait pas de minute de silence pour les Palestiniens ou Nahel."
Pendant l'hommage du 16 octobre, certains de ses élèves "ont croisé le regard de leurs amis et ils ont rigolé". "Ce n'était pas de l'irrespect, juge cependant cette enseignante en sciences de la vie et de la Terre. C'était juste [le fait] d'avoir 15 ans et de croiser le regard de son ami." Pour Pierre Sabourin, il a été demandé "aux élèves d’avoir une réaction posée, mature (...) alors que pour nous-mêmes, adultes, c'est déjà un thème compliqué".
"On est lâchés devant nos élèves avec très peu de préparation."
Pierre Sabourinà franceinfo
Malgré des expériences différentes, ces deux professeurs pointent du doigt le manque de préparation de la part du ministère de l'Education nationale : "On a reçu un mail disant qu'une cellule d'écoute avait été mise en place (...) Recevoir un mail quand on vient d'apprendre le meurtre d'un collègue, c'est moins pire que rien, mais ça reste léger", relève Pierre Sabourin.
Pour ces enseignants, l'école ne peut pas constituer l'unique réponse aux enjeux majeurs auxquels fait face l'ensemble de la société. "On a eu l'impression d'être les grands gardiens de la République face à la radicalisation, au communautarisme, au terrorisme ou encore à la violence, mais je ne pense pas que les enseignants soient formés à ça et que ce soit leur métier", conclut ce professeur d'histoire-géographie.
*Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressée
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.