Le héros de la porte de Vincennes naturalisé : "Je ne suis pas un héros, je suis Lassana"
Lassana Bathily, qui a mis à l'abri plusieurs otages à l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, a été naturalisé mardi, neuf ans après son arrivée en France. Récit.
Le dos courbé, Lassana Bathily ne cesse de fixer le sol depuis le début de la très solennelle cérémonie. Sur l'estrade, aux côtés du ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve et du Premier ministre Manuel Valls, le jeune homme de 24 ans, chemise blanche et costume sombre, se voit remettre, mardi 20 janvier, la nationalité française dans la salle des fêtes du ministère de l'Intérieur.
"Bienvenue chez vous"
Devant un parterre de journalistes et de personnalités, le jeune Malien, qui a sauvé la vie de plusieurs personnes lors de la prise d'otages de la porte de Vincennes, vendredi 9 janvier, paraît presque figé. Il semble insensible aux compliments adressés par Bernard Cazeneuve qui salue "un de ces hommes dont le courage, le sang-froid, l'altruisme se révèlent dans les moments de grands périls." Le ministre de l'Intérieur, qui préside la cérémonie, a rappelé le comportement héroïque du nouveau citoyen français, en saluant un homme devenu "symbole d'un islam de paix et de tolérance". Avant de conclure par un "bienvenue chez vous", accueilli par les applaudissements nourris de l'assistance.
La salle des fêtes surchauffée de l'hôtel Beauvau est comble. Journalistes, invités, politiques et représentants d'associations se sont pressés pour assister à la cérémonie de naturalisation. La famille et les proches de Lassana Bathily sont bien sûr aux premiers rangs. Autour de leur employeur, quelques collègues de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes se sont aussi donné rendez-vous, pour féliciter leur collègue.
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale, Christiane Taubira, ministre de la Justice, ou encore Anne Hidalgo, maire de Paris ont également fait le déplacement. Les représentants des grandes religions sont eux aussi de la cérémonie, aux côtés des membres des associations, comme SOS racisme, la Ligue des droits de l'homme ou encore Réseau éducation sans frontières, qui ont aidé Lassana à rester en France, lorsqu'il risquait l'expulsion en 2009.
Un rêve d'enfant
Un public inattendu pour le jeune homme qui rêvait sans trop y croire, depuis longtemps, à cette naturalisation et qui avait obtenu à l'arrachée une première régularisation en 2011. L'"instruction en urgence" de sa demande de naturalisation, ordonnée par Bernard Cazeneuve constitue donc un grand soulagement pour le jeune homme qui voit l'accomplissement d'un rêve d'enfant. "Il est très heureux, c'est ce qu'il a toujours voulu" confirme l'un de ses cousins. "Aujourd'hui il est timide, mais Lassana a toujours été le comédien de la famille, il fait rire tout le monde et a toujours le sourire" commente un autre de ses cousins, Amada Bathily.
Pourtant, trop impressionné ou trop ému, Lassana Bathily a bien du mal a sourire lors de la cérémonie. C'est à peine s'il ose regarder le Premier ministre lorsqu'il lui remet les trois symboles d'entrée dans la citoyenneté française : une lettre signée du chef de l'Etat, un passeport et une médaille. Il reste tout aussi figé lorsque Bernard Cazeneuve vient lui offrir un livre d'Ernest Renan et un autre du photographe Raymond Depardon.
"J'ai perdu quelqu'un que j'aimais beaucoup"
Puis timidement Lassana Bathily prend la parole. Il commence dans un français hésitant à "remercier ceux qui (lui) ont fait confiance et soutenu depuis toujours". Il adresse ses premières pensées à sa famille et à ses proches "mes parents, ma famille en France ou au Mali, dans le monde entier. (...) Je pense aussi à mon parrain républicain qui m'a aidé depuis 2007, qui m'a accompagné dans mes démarches professionnelles, qui m'a toujours fait confiance et je lui dois beaucoup" ajoute le jeune homme ému, avant de remercier les associations qui l'ont aidé, ainsi que "l'Hyper Cacher et (son) patron de la confiance qu'ils (lui ont) témoigné".
"Je ne suis pas un héros, je suis Lassana et je resterai moi-même" lance enfin le jeune homme. Puis, la gorge serrée, il salue la mémoire de son collègue et ami Yohan Cohen, tué par Amedy Coulibaly : "J'ai perdu quelqu'un que j'aimais beaucoup." Dorénavant, Lassana Bathily aspire à un peu de calme et ne souhaite plus qu'une dernière chose : "prendre un peu de recul" face au tumulte médiatique.
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