"C'était un accident", "il y a deux victimes"... Les arguments de l'avocat de Jonathann Daval font polémique
Le mari d'Alexia Daval a finalement avoué avoir étranglé et tué sa femme, mardi. Il a été mis en examen et écroué pour meurtre.
Trois mois après la découverte du corps calciné de sa femme, Alexia Daval, dans un bois de Haute-Saône, à quelques kilomètres de leur maison de Gray-la-Ville, Jonathann Daval a fini par avouer. Mardi 30 janvier au soir, le trentenaire a été mis en examen pour meurtre sur conjoint et écroué. L'homme qui se présentait jusque-là comme un veuf éploré encourt désormais la réclusion à perpétuité. Après ce revirement dans l'affaire, la ligne de défense choisie par son avocat, Randall Schwerdorffer, a fait vivement réagir.
"C'était un accident"
Mardi soir, devant les journalistes, Randall Schwerdorffer a tenté d'expliquer le geste de son client. Jonathann Daval "a reconnu avoir tué son épouse, mais il a dit que c'était un accident, qu'il ne voulait pas, et il regrette", a expliqué son conseil. Et d'argumenter : "C'est une dispute qui a mal tourné. Ce n'était pas la première dispute, des disputes qui pouvaient être assez violentes. Jonathann a essayé de la maîtriser, ça a dérapé et petit à petit, il l'a étouffée. Après, il a été dépassé."
La procureure de la République de Besançon, Edwige Roux-Morizot, a fait une lecture très différente des faits. Selon la magistrate, les résultats de l'enquête "ont abouti à des éléments suffisants pour imaginer que la mort a été donnée volontairement et non pas accidentellement". Mardi soir, sur BFMTV, Randall Schwerdorffer a fini par convenir que ce n'était "pas un accident, mais des violences volontaires".
"Il y a deux victimes dans cette affaire"
Autre déclaration polémique de Randall Schwerdorffer : l'avocat a ajouté que Jonathann Daval était "sincèrement anéanti par la mort de sa compagne, même s'il est à l'origine de sa mort". "On a un garçon en très grande souffrance, qui a commis quelque chose qu'il ne voulait pas commettre, et qui a vécu comme si il n'avait pas fait ce qu'il n'a pas voulu faire", a-t-il plaidé. Et de conclure :
J'ai le sentiment qu'il y a deux victimes dans cette affaire : Alexia Daval, et Jonathann Daval.
Randall Schwerdorffer
Pour Muriel Salmona, psychiatre spécialisée en traumatismes et présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, interrogée par franceinfo, "c'est tout à fait indécent et extrêmement choquant, c'est un retournement où l'agresseur, le criminel se présente comme victime". Que l'avocat d'un meurtrier présumé "emploie le mot de 'victime' pour quelqu'un qui a été à l'origine de la mort de sa femme et qui a dissimulé et trompé tout le monde pendant trois mois c'est intolérable", ajoute-t-elle.
"L'un des conjoints était violent, mais ce n'est pas celui auquel on pense"
L'avocat de Jonathann Daval semble avoir adopté dès mardi soir une première stratégie de défense : mettre l'accent sur la vie tourmentée du couple Daval et sur ses disputes violentes. "Ils avaient une relation de couple avec de très fortes tensions. Alexia avait une personnalité écrasante, il se sentait rabaissé, écrasé. A un moment, il y a eu des mots de trop, une crise de trop, qu'il n'a pas su gérer", a-t-il dit.
Il a essayé d'être ce gendre parfait, il n'a pas réussi. (...) Il l'a étranglée et après, il a été dépassé par tout.
Randall Schwerdorffer
Ce faisant, Randall Schwerdorffer a commencé à brosser un portrait peu flatteur de la victime. "C'est un couple dont malheureusement l'un des conjoints était violent, mais ce n'est pas celui auquel on pense, c'est-à-dire qu'Alexia, en période de crise, pouvait avoir des accès de violence extrêmement importants à l'encontre de son compagnon", a-t-il affirmé, un peu plus tard.
"Pour tous ceux qui demandent un exemple de 'victim blaming' dans le récit, en voici", a dénoncé Marlène Schiappa, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, dans un tweet. Le "victim blaming" (blâmer la victime) est le fait de rendre la victime partiellement responsable de ce qui lui est arrivé.
« Alexia avait une personnalité écrasante »
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 30 janvier 2018
Pour tous ceux qui demandent un exemple de « victim-blaming » dans le récit, en voici. #féminicides
Cc @MESNIERThomas @laurossignol @RixainMP @G_GouffierCha @titiou @AssiaBenziane pic.twitter.com/fpQxEbotZ0
L'ancienne ministre socialiste des Droits des femmes, Laurence Rossignol, s'est aussi indignée sur Twitter : "Dans les affaires de violences faites aux femmes et de viol, il y a toujours un moment où la victime, dominatrice ou aguicheuse, devient la cause du crime qu’elle a subi."
Dans les affaires de violences faites aux femmes et de viol, il y a toujours un moment où la victime, dominatrice ou aguicheuse, devient la cause du crime qu’elle a subi. https://t.co/q4Typz3ivt
— Laurence Rossignol (@laurossignol) 30 janvier 2018
De nombreuses journalistes ont également fustigé sur Twitter la défense choisie par l'avocat. Pour Johanna Luyssen, c'est "un cas d'école" qui illustre "le traitement ahurissant, effrayant, et hélas fréquent, des féminicides conjugaux". Quant à sa consœur Agathe Ranc, elle s'est interrogée : "Prochaine étape, Alexia Daval est-elle coupable d'avoir été tuée par son mari ?"
Prochaine étape, Alexia Daval est-elle coupable d'avoir été tuée par son mari ? https://t.co/b1JyStA09C
— Agathe Ranc (@agranc) 30 janvier 2018
"Les violences faites aux femmes, ce sont vraiment des violences systémiques, particulièrement les violences conjugales et les violences sexuelles et le plus souvent, il y a une mise en cause de la victime (…), ça fait partie de cette culture de domination masculine de culpabilisation des victimes, ce n'est pas possible d'entendre cela par rapport à la mémoire d'Alexia", a encore dénoncé sur franceinfo la psychiatre Muriel Salmona.
En 2016, 123 femmes ont été tuées par leur compagnon ou leur ancien compagnon. Elles étaient 122 en 2015, 148 en 2006. Une femme meurt tous les trois jours sous les coups d'un homme.
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