Delphine Jubillar : où en est l'enquête, un mois après la disparition de cette infirmière dans le Tarn ?
Cette mère de famille de 33 ans a disparu dans la nuit du 15 au 16 décembre à Cagnac-les-Mines, une cité minière de près de 3 000 habitants. Si la piste criminelle est privilégiée, les gendarmes vérifient actuellement de nombreux éléments.
Un message qui soulève de nombreuses questions. Sur un groupe Facebook auquel appartient Delphine Jubillar, cette infirmière de 33 ans portée disparue depuis un mois, un message a été publié mercredi 13 janvier avec le compte de la jeune femme, avant d'être supprimé dans la foulée, a appris franceinfo vendredi 15 janvier, confirmant une information de BFMTV. "J'espère que les enquêteurs vont faire la lumière sur ce nouveau mystère qui est tout à la fois porteur d'espoir et d'inquiétude", a réagi maître Philippe Pressecq, qui représente des proches de la Tarnaise.
Depuis sa disparition dans la nuit du 15 au 16 décembre à Cagnac-les-Mines, cité minière de près de 3 000 habitants, de nombreuses pistes ont été explorées pour lever le voile sur cette affaire et de multiples fouilles et perquisitions ont été menées. Mais le mystère reste entier.
Initialement ouvertes pour "disparition inquiétante" par le parquet d'Albi, les investigations sont désormais entre les mains de deux juges d'instruction toulousains, qui dirigent une information judiciaire pour "arrestation, enlèvement, détention ou séquestration". Où en est aujourd'hui l'enquête ? Franceinfo fait le point.
Quel est ce mystérieux message Facebook ?
Il s'agit d'un message vide, publié mercredi 13 janvier, sur un groupe Facebook dont faisait partie la jeune femme. Il a très rapidement été supprimé. L'une des cousines de la trentenaire a eu le temps de le remarquer et en a fait une capture d'écran. Elle a aussitôt prévenu la section de recherches de la gendarmerie de Toulouse chargée de l'enquête.
Pour le moment, il est trop tôt pour dire qui a publié ce message et rien ne semble indiquer que ce soit l'œuvre de la jeune femme. Interrogé sur la possibilité que d'autres personnes disposent des mots de passe du compte Facebook de Delphine Jubillar, Philippe Pressecq répond à franceinfo "qu'a priori" ce n'est pas le cas.
Ce message n'est pas non plus l'œuvre de son mari, affirme son avocat, Jean-Baptiste Alary, à franceinfo. "Non, il n'est pas à l'origine de cette activité, ni volontairement, ni par maladresse", a-t-il souligné. "Il n'a pas accès au compte de Delphine et n'a pas de raison d'y accéder d'ailleurs." Il revient désormais à la brigade de gendarmerie toulousaine d'élucider ce mystère.
Sur quelles bases travaillent les enquêteurs ?
La disparition de Delphine Jubillar a été signalée le 16 décembre au petit matin par son mari, Cédric Jubillar. Le couple, marié depuis 2013, occupe une maison de briques rouges, inachevée, rue Yves-Montand, dans un lotissement de Cagnac-les-Mines, avec leurs deux enfants de 6 ans et 18 mois. Leur mère "serait partie seule à pied dans la nuit" et "c'est au petit matin que le mari se serait aperçu que sa femme n'était plus au domicile et a signalé la disparition", avait indiqué le procureur d'Albi, Alain Berthomieu.
Selon ses déclarations aux enquêteurs, Cédric Jubillar est allé se coucher vers 23 heures. Son épouse, en congés cette semaine-là, a l'habitude de veiller plus tard en raison de ses horaires de nuit à la clinique Claude-Bernard d'Albi. Le couple, en instance de divorce à la demande de la jeune femme, fait parfois chambre à part. Réveillé par un des enfants, le père aurait constaté l'absence de sa femme vers 4 heures, quand leurs chiens seraient revenus sans elle au domicile. Faute de pouvoir la joindre, il alerte les gendarmes à 6 heures.
Delphine Jubillar serait partie vêtue de sa doudoune blanche, sans papiers ni argent, mais avec son téléphone portable. Celui-ci a cessé de borner plusieurs heures après le signalement de sa disparition, à 2 km du domicile.
Selon les informations de franceinfo, un seul témoignage, celui d'une voisine âgée, pris "avec prudence" par les enquêteurs, corroborerait ces éléments. Selon cette femme, l'infirmière serait partie à pied avec ses deux chiens entre 23 heures et 4 heures du matin.
Quelles investigations ont été menées ?
Depuis la disparition de la jeune femme, de nombreux moyens ont été engagés pour la retrouver, en vain. Les gendarmes locaux ont rapidement reçu l'assistance de leurs collègues de la section de recherches de Toulouse, puis d'une équipe pluridisciplinaire du pôle judiciaire de la gendarmerie, à Pontoise (Oise), avec notamment l'intervention d'experts de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale.
Dès le 16 décembre, les gendarmes ont mené une opération de ratissage sur un terrain situé en contrebas de la maison des Jubillar, de l'autre côté de la rue, à la recherche d'un éventuel objet (comme un bijou) qui pourrait constituer un indice. Les enquêteurs ont sondé lacs et rivières jusqu'à plusieurs dizaines de kilomètres du domicile, notamment avec des drones et des plongeurs. Ils ont mené des battues dans les champs et les bois autour du village, aidés par des volontaires venus de tout le département.
La maison, placée sous scellé, a été perquisitionnée trois fois et passée au Bluestar, un produit permettant de révéler des taches de sang invisibles à l'œil nu. Le 5 janvier, les enquêteurs ont convoqué Cédric Jubillar, désormais installé dans sa famille avec ses enfants, pour effectuer leurs fouilles au domicile des époux. "Mon client a été convoqué par la gendarmerie, mais ce n'est pas pour être auditionné" dans le cadre d'une garde à vue, avait précisé son avocat, Jean-Baptiste Alary. Cette fois, des spécialistes de l'identification criminelle sont venus avec des chiens et des outils de haute technologie afin de scanner les murs et les sols en profondeur. Les alentours boisés de la maison ont de nouveau été inspectés.
De nombreux objets ont été saisis, dont le téléphone du mari.
Quelles pistes ont été écartées ?
La piste d'un accident est de moins en moins probable au vu de l'importance des recherches menées. Lors de la battue citoyenne, divers objets, dont un couteau et un téléphone, ont été retrouvés. Selon les informations de France 3 Occitanie, leur lien avec l'affaire a été écarté. Lors de la perquisition du 24 décembre dans la maison, "aucune découverte intéressante n'a été faite", a précisé la procureure adjointe de Toulouse, Alix Cabot-Chaumeton. Les éléments saisis le 5 janvier, eux, sont toujours en cours d'expertise.
Deux pistes explorées par les enquêteurs ont par ailleurs été refermées. Plusieurs témoignages avaient signalé la présence d'un camping-car devant le boulodrome, non loin de la maison du couple. Ce véhicule s'est ensuite volatilisé pendant "une période qui pouvait coïncider avec la disparition" de Delphine Jubillar, indique La Dépêche du Midi, selon laquelle "des vérifications ont été réalisées et le propriétaire de ce véhicule, qui dit résider en Aveyron, n'a rien à voir avec cette affaire". L'homme, qui jouait régulièrement à la pétanque avec Cédric Jubillar, a pour sa part démenti sur les réseaux sociaux avoir un quelconque lien avec la disparition et dit se tenir à l'entière disposition des gendarmes, précise le quotidien.
Pendant leurs investigations, les gendarmes ont aussi découvert que l'infirmière avait rencontré un homme sur internet et entretenait une relation avec lui. Mais selon France 3 Occitanie, l'individu a été mis hors de cause.
Quelles pistes sont encore étudiées ?
La piste criminelle reste privilégiée par les enquêteurs. Pour le procureur de Toulouse, Dominique Alzeari, "rien n'indique" que la disparition de cette mère de famille "ait pu être volontaire". Pour ses proches, "l'hypothèse d'un départ volontaire ou qu'elle ait mis fin à ses jours est du domaine de l'invraisemblable", affirme l'avocat Philippe Pressecq auprès de France 3 Occitanie.
Delphine Jubillar était très proche de ses enfants, comme en témoignent les nombreuses photos postées sur son compte Facebook. Au moment de sa disparition, leurs cadeaux de Noël étaient déjà achetés.
D'après une collègue de la clinique Claude-Bernard à Albi, citée par le Journal du dimanche, la jeune femme avait peur du noir. Pourquoi, alors, partir en pleine nuit ? Selon une voisine interrogée par France bleu Occitanie, la trentenaire n'avait pas pour habitude de sortir les chiens. "Quand il y avait Cédric, il y avait les chiens. Mais Delphine ne passait jamais toute seule avec les chiens. Là-dessus, je suis formelle", témoigne-t-elle.
L'hypothèse d'une mauvaise rencontre cette nuit-là, si Delphine Jubillar est bien sortie de chez elle, reste explorée par les enquêteurs. Selon Le Parisien (article pour les abonnés), le Service central de renseignement criminel de la gendarmerie passe au crible les délinquants sexuels fichés de la région tarnaise. Certains ont déjà été entendus. Sans succès pour l'instant.
La piste menant au mari, qui s'est constitué partie civile, fait partie de celles encore étudiées par la justice. Il reste le dernier à avoir vu Delphine Jubillar. De plus, le couple avait des ennuis financiers. L'activité de Cédric Jubillar, peintre plaquiste, a périclité pendant le premier confinement. L'état délabré de la maison atteste de leurs difficultés.
Cette piste "est celle qui est privilégiée aujourd'hui parce que chronologiquement, c'est la première à exploiter, mais ça ne veut pas dire que c'est la plus plausible", estime son avocat, qui demande le respect de "la présomption d'innocence" et fustige les comparaisons avec l'affaire Jonathann Daval, condamné fin novembre à 25 ans de réclusion pour le meurtre de sa femme. "Il est temps de cesser de faire d'un dossier le miroir de l'autre, chaque situation est unique. Je souhaite qu'on soit cartésien", plaide Jean-Baptiste Alary. Lors des battues, auxquelles il a participé, Cédric Jubillar avait lancé : "Je suis perdu, je veux qu'on la retrouve."
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