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"Gentil et doux" ou "instable et violent" : Nordahl Lelandais, une personnalité aux multiples facettes

Dépeint par ses proches comme "serviable", Nordahl Lelandais, qui vient d'avouer avoir tué Maëlys, se révèle aussi être un personnage impulsif, selon les nombreux témoignages de ceux qui ont croisé sa route.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Nordahl Lelandais sur une photo publiée sur son compte Facebook. (FACEBOOK)

"J’ai l’impression d’avoir eu une aventure avec Dr. Jekyll et Mr. Hyde", confie au Monde une ex-petite amie de Nordahl Lelandais. Qui se cache réellement derrère le responsable de la mort de la petite Maëlys ? L'homme a avoué, mercredi 14 février, avoir tué "involontairement", selon ses mots, la petite Maëlys. Après six mois de contradictions, de mensonges et de silence, il a enfin accepté de collaborer avec la justice.

Mais les zones d'ombre persistent. Mis en cause dans la disparition de Maëlys et dans celle d'Arthur Noyer, et cité dans plusieurs autres affaires, cet homme de 34 ans continue d'intriguer. Plongée dans le parcours trouble de celui qui est considéré par les enquêteurs comme un potentiel tueur en série.

Un traumatisme inexpliqué au collège

Né le 18 février 1983 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), Nordahl Lelandais déménage à 6 ans en Savoie avec ses parents, sa grande sœur et son grand frère. La famille s'installe dans une maison à Domessin, à 5 kilomètres de la salle des fêtes de Pont-de-Beauvoisin, lieu où il rencontrera vingt-huit années plus tard la petite Maëlys. Dans sa jeunesse, Nordahl Lelandais parcourt la campagne sur sa mobylette. Damien, un "bon copain d'adolescence", le décrit à franceinfo comme un garçon "gentil, timide et doux. Tout comme Anita, une autre amie : "Je l'ai connu avec ma sœur, nous sortions souvent avec lui, il était très gentil, je m'en souviens encore aujourd'hui et il n'a jamais eu de gestes déplacés... J'ai du mal à croire tout ça..."

"C'était quelqu'un de doux, de compréhensif, qui me faisait rire, une belle personne qui rigole, qui est toujours avenant, confirme Nadine, sa première petite amie, dans l'émission "Sept à Huit" sur TF1. Après, c'est quelqu'un qui a du tempérament, qui ne va pas se laisser faire, qui a un fort caractère. Mais pas quelqu'un d'agressif, de méchant." D'autres témoignages, notamment dans Society, évoquent déjà un garçon "solitaire" et "maltraité". Le magazine mentionne également une relation "tumultueuse" avec son père.

Une part de l'insouciance du jeune Nordahl semble s'être envolée lors d'un événement qui reste encore mystérieux aujourd'hui pour ses proches. Une cassure qu'évoque à demi-mot sa mère dans Le Monde : "Il voulait faire sport-études (…), mais il n’a fait qu’une année. Il s’est passé quelque chose, mais il n’a jamais voulu m’en parler." Celle qui se présente comme sa petite amie du moment évoque au quotidien l'hypothèse d'attouchements sexuels : "J’en ai parlé une fois à sa mère, elle m’a dit qu’elle s’était posée la question. Elle avait mis Nordahl en sport-études. Au départ, cela se passait bien, mais après, il pleurait et ne voulait plus y aller."

Par la suite, le directeur de l’établissement a été renvoyé pour avoir commis des attouchements sur des élèves.

La petite amie de Nordahl Lelandais

au Monde

"Il a fait des bêtises"

"Nono", comme l'appelle son entourage, arrête ses études sans pousser jusqu'au bac et s'engage dans l'armée à 19 ans. Passionné par les molosses, il est affecté comme maître-chien au 132e bataillon cynophile de l’armée de terre basé à Suippes, dans la Marne. Il s’agit d’un bataillon d’infanterie spécialisé dans la détection d’armes, la recherche d’explosifs ou de stupéfiants. Pendant cette période, Nordahl Lelandais ne se contente pas uniquement de chercher la drogue, il la trouve parfois. Selon Paris-Match, il est interpellé dans une zone militaire par deux fois pour "usage de stupéfiants et autres infractions à la législation des stupéfiants".

Ses écarts de conduite ne passent pas. Après deux missions en Guyane et l'obtention d'un certificat technique élémentaire de maître-chien, l'aventure militaire du caporal Lelandais prend fin prématurément en avril 2005, selon France 3. Il est réformé "P4", ce qui correspond à des troubles psychologiques incompatibles avec l'exercice militaire. Nordahl Lelandais retourne à la vie civile et s'enfonce dans la délinquance. "Quand il était jeune, il a fait des bêtises, de petites bêtises", reconnaît sa mère sur France 2. Certaines sont plus conséquentes. En octobre 2008, il incendie un snack-bar, avec deux autres copains. Il écope d'un an de prison ferme en avril 2009, mais bénéficie d'un aménagement de peine.

"Nono le Pyro" ou "Nono le Barjo"

Sous bracelet électronique, Nordahl Lelandais tente de se refaire en lançant sa société d'élevage canin. Elle est enregistrée en février 2010 et domiciliée à Chambéry. Mais l'expérience périclite et le jeune homme enchaîne des petits boulots en intérim, dont une mission de cariste dans l'usine des sirops Routin, institution locale. Ses amis de l'époque parlent d'un homme "sympathique et fêtard", mais il laisse aussi quelques mauvais souvenirs sur son passage. "Il était chauffeur chez nous, il y a cinq ans. Au départ, ça s'est bien passé. Puis il est devenu ingérable, il me faisait peur", raconte l'un de ses anciens employeurs au Parisien.

Quand j'ai voulu mettre fin à notre collaboration, il a menacé de mettre le feu à mon entreprise.

Un ancien employeur

au "Parisien"

Loin du garçon "sensible" ou "serviable" dépeint par ses proches, loin aussi du calme déconcertant qu'il a affiché pendant six mois face aux enquêteurs, plusieurs témoignages dépeignent un personnage nerveux, impulsif, instable. En février 2017, celui que ses amis appellent désormais "Nono le Pyro" ou "Nono le Barjo" saisit un couteau et crève le pneu d'un automobiliste au cours d'une altercation, détaille Le Monde. L'épisode lui vaut une nouvelle condamnation de quatre mois avec sursis.

Des écarts peut-être à mettre en rapport avec les stupéfiants. S'il a arrêté le cannabis, selon Le Monde, il s'est mis à la cocaïne. Consommateur occasionnel, il se transforme en fournisseur. "Il était connu pour ça ici", affirme à Society un commerçant de Pont-de-Beauvoisin. Le soir du mariage, il a d'ailleurs fourni de la poudre blanche à plusieurs invités.

Pour canaliser ses pulsions, le jeune homme fréquente les salles de musculation et enfile de temps en temps les gants de boxe. Sur son compte Facebook, outre son amour pour ses deux bergers malinois, il poste des vidéos de bagarres ou de courses de voitures ou encore des photos de boxe thaïlandaise. Au début de l'année 2017, Nordahl Lelandais est contraint de ralentir ses activités sportives en raison d'une double hernie discale, comme l'explique son ancien avocat à Paris Match.

"Il était un peu marginal"

A 34 ans, en arrêt-maladie, il retourne chez ses parents. "Il n'avait pas la vie classique d'un jeune de son âge, il était un peu marginal et a connu beaucoup d'échecs", souligne à franceinfo un enquêteur. Dans les environs, il a l'image d'un "mec bizarre mais cool", témoigne un habitant du coin à Society : "Cool parce que bon délire, et bizarre parce qu'un peu dérangé. Fou-fou, quoi."

Un des patrons d'une sandwicherie de Pont-de-Beauvoisin, où Nordahl avait ses habitudes, complète "C'était un mec assez solitaire, avec des périodes, précise-t-il dans le magazine. Parfois, il était là plusieurs fois par semaine, puis il disparaissait pendant un mois ou deux." Paule, patronne d'un troquet de Saint-Jean-d'Avelanne, où le trentenaire venait souvent, se souvient d'un garçon dans sa bulle : "Il commandait un café ou un diabolo-menthe, achetait deux Cash [des jeux à gratter] et s'installait en terrasse. Il ne traînait pas avec les gens du coin."

Il pouvait vendre sa voiture pour une moto au début de l'été, puis faire l'inverse en septembre. La seule constante, c'était son manque d'argent.

Un restaurateur de Pont-de-Beauvoisin

à "Society"

Un rapport trouble à la sexualité

Un restaurateur de Pont-de-Beauvoisin le décrit aussi comme un célibataire chronique, trop "instable, immature et vagabond" pour se fixer dans une relation et fonder une famille. Ce caractère sauvage cachait aussi une double vie. L'enquête a révélé que le jeune homme fréquentait de manière assidue des sites de rencontres homosexuelles. Comme le rapporte Le Monde, les enquêteurs ont d'ailleurs entendu l'un de ses partenaires sexuels, rencontré sur internet et devenu au fil du temps son "régulier" : "On s’est vu plusieurs fois, ce n’était que pour les relations sexuelles."

Je ne le connais pas plus que ça, mais il n’avait rien de malsain. II était toujours bienveillant avec moi. Je pense que c’est un mec un peu perdu.

Un partenaire sexuel de Nordahl Lelandais

au Monde

Une bienveillance qu'il n'avait pas forcément avec les filles qu'il fréquentait, comme l'ont révélé plusieurs de ses ex-petites amies. "Il a eu un comportement violent, intimidant et menaçant avec les femmes qu'il a fréquentées, confirme une source proche de l'enquête à franceinfo. Il les obligeait à faire certaines choses et les filmait sans leur consentement." 

Plusieurs conquêtes décrivent également une tendance à la mythomanie chez ce coureur de jupons. Céline, restée un an et demi avec lui, parle au Monde d'un "menteur pathologique" : "Qu’il ait pu mentir lors de ses interrogatoires ne me choque pas, ni qu’il ait pu s’enferrer dans ses mensonges. Cela fait complètement partie de sa personnalité." Malgré ses aveux dans l'affaire Maëlys, Nordahl Lelandais n'a sans doute pas encore livré toute sa vérité.

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