Disparues de Perpignan : les secrets de Francisco Benitez
Des traces de sang ont été découvertes par les enquêteurs dans ce fait divers devenu au fil des jours "l'affaire Benitez". Francetv info écrit le récit de l'enquête.
Du sang dans le congélateur. En infime quantité, mais du sang tout de même. Un ADN, celui d’Allison Benitez, 19 ans. Elle et sa mère, Marie-Josée, ont disparu depuis le 14 juillet à Perpignan. Jusqu'au 26 août, les enquêteurs n’avaient aucun élément matériel sur lequel s’appuyer, mais une conviction : "Ce n'est pas une disparition. C'est une affaire criminelle", affirmait fin juillet une source au cœur de l’enquête. Depuis, Francisco Benitez, père d'Allison et époux de Marie-Josée, qui s'est suicidé le 5 août, est dans le viseur.
Il aura fallu plus d’un mois pour établir l’existence de ces résidus sanguins, tant l’appartement de la rue Richepin, occupé par les Benitez, avait été nettoyé de fond en comble, à la javel. La lumière ultraviolette, censée révéler les traces invisibles de sang, n’avait rien donné.
A la caserne perpignanaise où Francisco Benitez travaillait, et où il s’est donné la mort, il y avait aussi du sang. En très petite quantité, et cette fois dans un lave-linge. Les enquêteurs supposent que le légionnaire s’en est servi pour nettoyer des vêtements tachés de sang. "Ces traces ne font que confirmer ce que nous pensions déjà. Nous cherchions du sang, nous avons eu raison de persévérer", confiait à francetv info une source proche de l’enquête.
Les deux visages de Francisco Benitez
Mais sans cadavre, pas de preuve du crime. Les policiers de la PJ de Perpignan et de la SRPJ de Montpellier n’en restent pas moins persuadés qu’Allison et sa mère sont mortes. "C'est leurs corps qu'il faut désormais rechercher", répètent-ils depuis près de trois semaines. Loin d’être des "preuves irréfutables", ces nouveaux éléments apportent tout au plus un éclairage – macabre – sur la façon dont Francisco Benitez a pu procéder.
De lui, les enquêteurs dressent un portrait peu reluisant, malgré sa bonne réputation auprès de ses collègues et de ses rares amis. "Paco" est "un manipulateur-séducteur" qui "embobine tout le monde", disent les policiers. Une personnalité trouble qui cherche en permanence à éviter les conflits, mais ne sait jamais maîtriser ses colères. Un père aimant, dévoué, mais capable de mentir sans vergogne pour cacher "sa double, voire sa triple vie". Un profil en partie établi grâce au témoignage de sa maîtresse, une Espagnole établie à Gerone et à qui il a passé son dernier coup de fil avant de se suicider.
Des explications confuses
Le 25 juillet, quand l’adjudant-chef Benitez se présente au commissariat de Perpignan avec Lydia Barbet, la fille de Marie-Josée Benitez née d’une précédente union, il est affirmatif. Sa femme et sa fille de 19 ans ont quitté le domicile familial dix jours plus tôt, et depuis, pas de nouvelles. Elles ont fait leurs valises et décidé de s’installer à Toulouse, dit-il. Ses explications sont "confuses", juge l’un des enquêteurs. Mais, Lydia, elle, peut en témoigner. Elle a reçu un texto de sa mère, le 14 juillet à 17h17 : "C'est une décision difficile, mais je pars avec Allison à Toulouse."
Premier doute, l’hypothèse d’un départ volontaire ne colle pas : les passeports des deux femmes, leurs effets personnels, y compris le deuxième portable de la jeune fille, sont toujours dans l’appartement. L’analyse approfondie des téléphones de la famille Benitez va aussi remettre en question cette version. Les portables ont été déconnectés mais n’ont jamais quitté Perpignan, ni l’appartement de la rue Richepin. Pour les enquêteurs, c’est Francisco qui a rédigé le dernier texto envoyé par Marie-Josée à Lydia. Cette dernière ne reconnaît d'ailleurs pas le phrasé de sa mère.
Selon nos sources, Francisco Benitez aurait maintenu en activité les portables des deux jeunes femmes pour "faire croire qu’elles les utilisaient". Il aurait aussi continué d’appeler les téléphones de sa fille et de sa femme pour "faire croire qu’il s’inquiétait pour elles", disent les enquêteurs.
Une première disparition mystérieuse en 2004
Un deuxième élément sème le doute lorsque les policiers découvrent, un peu par hasard, que le légionnaire de 50 ans avait déjà été entendu dans une autre affaire de disparition. Simone De Oliveira Alves s'est volatilisée le 29 novembre 2004. Cette mère de quatre enfants était à l’époque la maîtresse de Benitez, en poste à la Légion de Nîmes. Avant de disparaître, Simone a envoyé un dernier texto à sa famille pour dire qu’elle partait, ce que son entourage n’a jamais cru. Francisco Benitez est le dernier à l’avoir vue vivante. Il évoque, là encore, un départ volontaire.
Dans l’esprit des enquêteurs, c’est le déclic. Deux disparitions, à presque dix ans d’intervalle, et un scénario qui se répète. Ils arrivent à rassembler assez d’éléments pour établir que, ce soir de novembre 2004, Simone, qui venait de découvrir que son amant était marié et père d’une adolescente, voulait le quitter et tout raconter à sa femme. Les enquêteurs pensent "qu'il ne l'a pas supporté". Là encore, ils supposent que le dernier texto de Simone a été rédigé par Francisco Benitez. Le corps de la femme n’a jamais été retrouvé.
D'autres crimes à découvrir ?
Pour les policiers, il s’agit désormais de remonter la vie du légionnaire, d’affectations en affectations, pour vérifier si des disparitions supplémentaires n’émaillent pas son parcours. L’une de nos sources confie qu’il ne serait pas surpris "d'en trouver d'autres". Les enquêteurs vont en tout cas déposer une commission rogatoire internationale pour pouvoir enquêter sur son passé en Espagne, dont il est parti à 26 ans pour rentrer dans la Légion étrangère. Le suicide du père de famille et la mise en scène de ses adieux dans une vidéo envoyée à Paris-Match a achevé de convaincre les enquêteurs. Pour eux, l’opération est "trop grossière pour être sincère".
Entre la disparition des deux femmes et le suicide de Francisco Benitez, trois semaines se sont écoulées. Une fenêtre assez large, estiment les policiers, pour disposer des corps et effacer toutes les traces. Encore faudra-t-il le prouver.
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