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"Est-ce qu'on a quelque chose d'humain en commun ?" : le face-à-face poignant entre la mère de Clément Méric et le principal accusé

Esteban Morillo, principal suspect dans la mort du jeune homme de 18 ans, en 2013, a présenté jeudi ses excuses à la mère de la victime, lors du procès qui se tient à la cour d'assises de Paris. 

Article rédigé par Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le père et la mère de Clément Méric, Paul-Henri et Agnès Méric, dans la cour du palais de Justice de Paris, le 4 septembre 2018. (ERIC FEFERBERG / AFP)

"Excusez-moi, j'aime bien parler de Clément, mais c'est difficile." La voix douce mais tremblante d'Agnès Méric, professeure de droit retraitée, s'élève dans la salle d'audience de la cour d'assises de Paris. Cette Brestoise de 59 ans, pantalon rose et chemisier à fleurs, est venue défendre le "dernier de [ses] fils", Clément Méric, tué dans une rixe avec des skinheads d'extrême droite à Paris, en 2013. Elle s'exprime à l'issue d'une troisième journée d'audience éprouvante pour les parties civiles, qui ont dû supporter la vue d'une photo de la victime après autopsie. 

>> RECIT. "Il va y avoir du grabuge" : le 5 juin 2013, Clément Méric, militant antifasciste, est tué dans une rue de Paris

"C'était un jeune garçon gai, vif, espiègle", se remémore la mère du jeune homme. "Il avait une forme d'élégance, sourit-elle. Pas seulement physique, mais aussi morale et intellectuelle." Elle ne manque pas d'évoquer les "convictions" de son fils, qui venait d'intégrer Sciences Po, citant pêle-mêle son engagement contre le "racisme", le "sexisme" et l'"homophobie". Mais pour elle, Clément Méric, 18 ans au moment de sa mort, ne peut se résumer à son seul combat de gauche.

Clément a été beaucoup présenté au moment de sa mort comme un militant d'extrême gauche, ce qu'il était (…) Mais pour nous il n'était pas que ça, il était bien d'autres choses : un fils, un frère affectueux.

Agnès Méric, mère de Clément Méric

lors du procès des agresseurs présumés de son fils

Sa voix se raffermit, la parole est fluide. Elle parle aussi de son "admiration" face à la manière dont Clément Méric a traversé la maladie, une leucémie qui le frappe en 2011 et qui lui vaudra "six à sept semaines en chambre stérile" et "18 ponctions lombaires en tout". Elle et son mari ont bien cru qu'il allait y passer : "son organisme ne supportait pas le traitement". "La leucémie, c'est quelque chose qui l'a fait mûrir, il en est sorti grandi", explique-t-elle. 

"Je regrette tout ce que j'ai pu faire"

Qu'attend-elle de ce procès ? "Que les choses soient clarifiées et que sa mémoire soit respectée." La présidente lui propose de s'adresser aux accusés, assis à quelques pas d'elle. Mouvement de recul. Sa voix tremble de nouveau. Elle hésite. Agnès Méric désigne l'une des photos de son fils qui défile sur l'écran qui surplombe la salle. Celles-là, elle les a choisies. Il a 18 ans, mais ressemble à un enfant. Il est vivant, il sourit. 

Elle raconte à la cour son envie d'un dialogue avec Esteban Morillo, principal accusé, qui a reconnu avoir porté deux coups à Clément Méric. Elle lui dit regretter de n'avoir pu déceler dans son témoignage, la veille, "une prise de conscience de la gravité de ce qui s'est passé". 

Est-ce qu'on a quelque chose d'humain en commun ? Si on est humain, on doit se sentir concerné par quelque chose de si important, qui nous lie.

Agnès Méric, la mère de Clément Méric

lors du procès des agresseurs présumés de son fils

Esteban Morillo, engoncé dans son costume noir, coupe de cheveux sage, garde la tête baissée. Il essuie quelques larmes. 

- "Je regrette tout ce que j'ai pu faire... dit-il.

- Vous pensez que ça suffit, de regretter ?, l'interrompt la présidente.

- Je ne sais pas quoi dire, comment me faire pardonner. J'aurais voulu ne pas être là, j'aurais vraiment aimé ne pas être là. Je regrette tout ce que j'ai pu vous faire subir, je suis vraiment désolé." Il renifle. Elle est droite. Elle ne dit rien. Cosima Ouhioun, avocate des parents Méric, résume la pensée de la salle : "Votre dignité est assez incroyable."

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