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Dissolution de la CSI 93: "Les seuls responsables sont les autorités judiciaires" qui protègent ces policiers, dénonce l’avocat Yassine Bouzrou

Yassine Bouzrou, avocat d’un jeune dealer de Saint-Ouen qui assure avoir été frappé par des policiers de la CSI 93, réclame un dépaysement de l'affaire, estimant que "rien ne pourra se passer normalement" au TGI de Bobigny.

Article rédigé par franceinfo
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L'avocat Yassine Bouzrou, à Paris, le 3 mars 2020. (ALAIN JOCARD / AFP)

La compagnie de sécurisation et d'intervention (CSI) de Seine-Saint-Denis, dont plusieurs policiers sont visés par dix-sept enquêtes préliminaires pour violences, vols, falsifications de PV ou encore trafic de stupéfiants, sera partiellement dissoute. "Les seuls responsables sont les autorités judiciaires, le procureur de la République de Bobigny qui protège ces policiers", dénonce mercredi 1er juillet sur franceinfo Yassine Bouzrou, avocat d’un jeune dealer de Saint-Ouen, qui assure avoir été frappé par des policiers de la CSI lors de son interpellation en 2019. Il pointe du doigt particulièrement le procureur de la République de Bobigny qui, selon lui, "décide de requalifier les faits à la baisse, de minorer des faits extrêmement graves et surtout de refuser de désigner des juges d'instruction indépendants", ce qui "contribue à un sentiment d'impunité". Yassine Bouzrou réclame donc "un dépaysement" de l’affaire, "car rien ne pourra se passer normalement dans cette juridiction qu’est ce tribunal de grande instance de Bobigny".

franceinfo : la dissolution de cette unité serait-elle une bonne chose pour vous ?

Yassine Bouzrou : Oui, je constate que le préfet de police, Monsieur Lallement, réfléchit et peut-être pour la première fois prend une décision qui s'impose. C'est assez étonnant, on ne s'attendait pas à ce que Didier Lallement prenne une décision positive un jour dans sa carrière. Selon moi, les seuls responsables ici, ce sont les autorités judiciaires, le procureur de la République de Bobigny.

Au niveau judiciaire, nous avons un procureur à Bobigny qui protège ces policiers, qui refuse de les renvoyer devant des juridictions afin de les juger pour les crimes qu'ils commettent.

Yassine Bouzrou, avocat

à franceinfo

Je parle bien de crimes, de torture, d'extorsion, de faux en écriture publique et lorsque le procureur de Bobigny décide de requalifier les faits à la baisse, de minorer des faits extrêmement graves et surtout de refuser de désigner des juges d'instruction indépendants, malheureusement cela contribue à une certaine impunité, un sentiment d'impunité. Comment voulez-vous expliquer à des policiers que leur comportement doit changer si l'autorité judiciaire, si le parquet, qui n'est pas indépendant, les protège de la sorte ? C'est inadmissible.

Est-ce le cas de votre client, dont l’arrestation musclée remonte à l'été 2019 ?

Tout à fait. Mon client a été agressé sauvagement par plusieurs policiers de la CSI, ils ont pris un pistolet à impulsion électrique, ils ont envoyé une décharge électrique de plusieurs dizaines de milliers de volts dans les parties génitales de mon client. On parle de torture de plusieurs policiers et pour maquiller tout ça, ils ont rédigé des faux procès verbaux. Mon client reconnaît qu'il se livrait à un trafic de drogue, sauf que les policiers ne sont pas venus l'interpeller.

Ils lui ont sauté dessus, ils l'ont roué de coups sans sommation, sans brassard de police et ils sont tout simplement lynchés. Ils lui ont volé l'argent qu'il avait sur lui sans mentionner cet argent dans leur enquête et on appelle ça un vol à main armée, une agression sauvage de délinquant, mais absolument pas une interpellation d'un policier.

Yassine Bouzrou

On nous dit qu'un procès aura lieu, sauf que le procureur de Bobigny refuse de nous communiquer le dossier. Clairement, il viole la loi et ne la respecte pas. Nous refuserons de comparaître devant un tribunal correctionnel, car selon les dispositions en vigueur, les crimes en France doivent être jugés devant une cour d'assises. Nous refuserons cette mascarade judiciaire et nous exigerons que la loi s'applique de la même manière, policier ou non.

Êtes-vous surpris par cette affaire révélée, ces six policiers en garde à vue pour des soupçons de vols, violences et trafic de stupéfiants ?

Non. Cela fait plus d'un peu plus an qu'on entend parler de tout cela, il y aurait une quinzaine d'enquêtes, mais là encore, on a rien vu parce que le parquet dissimule les éléments d'enquête. Ça ne m'étonne pas, mais je doute fortement que des sanctions exemplaires ou logiques soient prises à Bobigny. C'est la raison pour laquelle je demanderai qu'une enquête soit ouverte en dehors de la Seine-Saint-Denis. On va demander un dépaysement, car rien ne pourra se passer normalement dans cette juridiction qu’est ce tribunal de grande instance de Bobigny. Lorsque des infractions sont commises, il appartient à l'autorité judiciaire de prendre les décisions qui s'imposent et de condamner.

Nous ne parlons pas de problème disciplinaire, nous parlons d'infractions pénales extrêmement graves, de crimes, donc il appartient en premier lieu à l'autorité judiciaire, au ministère public d'ouvrir des enquêtes et de les confier à des juges d'instruction.

Yassine Bouzrou

Selon moi, les seuls responsables de cette situation, ce sont les autorités judiciaires de Bobigny qui, juridiquement, protègent ces policiers en évitant que certains comparaissent devant des juridictions. Dans l'affaire de mon client, il y a plusieurs policiers qui ont torturé une personne et il n'y a qu'un seul policier qui est renvoyé devant un tribunal. Ce n'est pas normal dans un État de droit.

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