"Urgence attentat" : pourquoi la menace venue d'Asie centrale et du Caucase se renforce en France

"L'État islamique est capable désormais d'enclencher des attentats à distance", selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Des menaces, après l'attentat de Moscou, particulièrement prises en sérieux en France, qui a rehaussé son niveau de menace Vigipirate à son niveau le plus élevé.
Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié Mis à jour
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Face à la menace terroriste en France, le plan Vigipirate a été relevé à son niveau maximal depuis le 24 mars 2024. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS)

Les soldats de la force Sentinelle sont revenus en nombre et plus visibles dans les gares, devant les lieux de culte et les grands magasins. 4 000 militaires supplémentaires de l'opération Sentinelle sont déployés en France depuis que Vigipirate a été relevé à son niveau maximal, dimanche 24 mars. C’est la conséquence de l’attentat de Moscou, survenu pourtant à 2 500 kilomètres de la France et revendiqué, malgré les doutes du Kremlin, par le groupe Etat islamique au Khorasan.

Si la France réagit de la sorte, c’est que le groupe terroriste accusé d’avoir agi en Russie est surveillé de très près en France, et en Europe, depuis plusieurs mois.

Cette branche de Daech est, selon une source bien informée, l’une des organisations terroristes islamistes les plus craintes en France. Selon le ministre de l’Intérieur interrogé sur France 2, "Daech est désormais capable d’enclencher des attentats à distance", c'est-à-dire des attentats projetés depuis le Caucase ou l’Asie centrale et commis par des personnes se trouvant déjà en France, ou qui se déplacent sur place.

Ce groupe terroriste, qui est la branche afghane de l’État islamique, est d'autant plus complexe que ses contours sont flous : ses limites géographiques ne sont pas établies avec précision. C’est pourquoi, toujours selon cette source, il vaut mieux parler d’une sorte d’agrégat de plusieurs mouvances russophones de l’organisation islamiste. Sa zone d’action se situe dans le Caucase et en Asie centrale.

Une importante diaspora du Caucase et d'Asie centrale

Selon un bon connaisseur de cette mouvance terroriste, cette menace d’attentats projetés en France et en Europe, comme c'était le cas depuis la Syrie en 2015, est rendue possible par le fait que cette communauté est éclatée partout dans le monde, spécialement en Europe. De nombreuses personnes ont en effet quitté la Tchétchénie, l’Ingouchie, l’Afghanistan, ou encore le Tadjikistan au gré des guerres et des violences qu’elles subissaient. Parmi elles se trouvent des personnes très sensibles à la propagande de Daech, en particulier celles qui ont été libérées par les talibans, lorsque ces derniers ont repris le contrôle de l’Afghanistan. L’instabilité de cette zone joue en faveur de Daech, pointe cette source.

D’après nos informations, cette propagande se renouvelle et est aujourd’hui produite massivement dans les langues parlées dans le Caucase et en Asie Centrale. Une façon pour Daech de toucher plus facilement de nouvelles proies, pour que celles-ci commettent des actions violentes. Ce scenario est celui qui le plus craint par les autorités françaises.

Des attentats déjà commis par des personnes originaires de cette zone

Cette menace n’est pas juste théorique puisque, selon le gouvernement, plusieurs projets d’attentats de cette mouvance ont été déjoués ces derniers mois en France et ailleurs en Europe. La justice enquête actuellement sur l’un de ces projets avortés : en novembre 2022, sept personnes ont été arrêtées à Strasbourg. Le parquet antiterroriste veut savoir si parmi ces individus, deux hommes, un Tadjik de 22 ans et un Russe de 19 ans, avaient des liens avec Daech au Khorasan. Dans ce dossier, une information judiciaire est ouverte depuis novembre 2022, ces deux hommes sont mis en examen des chefs "d’association de malfaiteurs terroristes en vue de préparer des crimes d’atteinte aux personnes". Sollicité, le parquet antiterroriste confirme, au vu des investigations, que ce groupe préparait une action violente.

Parmi les derniers attentats commis en France, la plupart ont été le fait de personnes originaires de cette zone, sans que les liens avec Daech au Khorasan ne soient pour l’instant établis. Il s’agit du terroriste, de nationalité tchétchène qui a tué le professeur d’histoire Samuel Paty dans les Yvelines en 2020. Et, plus récemment, de ce jeune homme de 21 ans, d’origine ingouche qui a tué un autre professeur à Arras, Dominique Bernard.

Pour faire le point sur l’état de la menace terroriste en France, Gérald Darmanin demande aux préfets de lui dresser une liste de personnes très surveillées avant une réunion en visioconférence jeudi depuis la DGSI, la Direction générale de la sécurité intérieure. D’après le ministre de l’Intérieur, interrogé lundi soir sur France 2, les auteurs des huit derniers attentats déjoués en France appartenaient à Daech. Selon Gérald Darmanin, deux attentats ont été déjoués en France le 10 janvier et le 5 mars dernier.

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