Comment Abdelhamid Abaaoud a échappé au moins trois fois à la traque des services secrets
Plusieurs tentatives, y compris militaires, ont échoué pour empêcher le terroriste de commettre des attentats en Europe, affirme "Le Parisien" vendredi.
C'est une traque secrète à laquelle il aura échappé pendant deux ans, jusqu'aux sanglants attentats de Paris, le 13 novembre 2015. Six mois après les attaques qui ont fait 130 morts et plus de 400 blessés dans la capitale, Le Parisien raconte comment les services secrets ont cherché, en vain, à arrêter Abdelhamid Abaaoud. Le jihadiste aurait aussi été une cible des frappes militaires françaises en Syrie.
Car Abdelhamid Abaaoud, affirme le journal, avait été identifié plus tôt comme "l'une des principales menaces visant l'Europe, alors qu'il était parti rejoindre les combattants de l'Etat islamique en Syrie. Et de préciser : "De Raqqa, en Syrie, à Paris, la traque de ce chef opérationnel de Daech a mobilisé les services secrets d'une dizaine de pays européens, avec l'appui de la CIA américaine et, ponctuellement, du Mossad israélien."
A Bruxelles, en 2014
Dès 2013, le petit délinquant de Molenbeek, dans l'agglomération de Bruxelles, rejoint les troupes jihadistes en Syrie. En janvier 2014, bien qu'il soit repéré, il effectue, sans être inquiété par les autorités, un aller-retour entre le pays en guerre et la capitale belge pour "enlever" son petit frère Younes, qui sera qualifié de "plus jeune jihadiste étranger" par la propagande de l'Etat islamique.
En mars 2014, DGSE et DGSI (les services secrets extérieurs et intérieurs français) le repèrent sur une vidéo. Il parade, hilare, en traînant des cadavres derrière un pick-up. Quelques semaines plus tard, ils établissent que le jeune homme de 28 ans était en relation téléphonique, via un numéro turc, avec Mehdi Nemmouche, qui a assassiné quatre personnes le 24 mai dans le Musée juif de Bruxelles. A leurs yeux, Abaaoud change de dimension comme danger potentiel.
A Athènes, en janvier 2015
En janvier 2015, la sûreté de l'Etat belge constate qu'un groupe terroriste, en train de se constituer, est piloté par un certain Omar (en fait, Abaaoud), "installé à l'étranger et qui répond sur des numéros turcs, puis grecs", selon Le Parisien. La cellule terroriste s'agrandit avec le retour de deux jihadistes de Syrie, qui sont cernés le 15 janvier "dans un appartement de Verviers, puis tués" lors de l'assaut par les forces d'intervention belges. Un attentat "imminent" aurait été déjoué.
VIDEO. Verviers : Deux jihadistes trouvent la mort au cours d'une opération antiterroriste
Abaaoud, lui, est planqué à Athènes. Une équipe de la DGSE manque de peu de l'arrêter, tout comme la police grecque. Pour les services secrets, le simple recruteur fomente désormais "des attaques d'ampleur" et représente "une menace pour l'Europe", écrit Le Parisien.
La montée en puissance d'Abaaoud, "adoubé responsable des opérations extérieures de l'organisation", est attestée à l'été 2015. Comme l'avait révélé Le Monde, un Parisien de 30 ans interpellé à Paris, à son retour de Syrie, Reda H., raconte le 13 août aux enquêteurs "avoir été missionné à Raqqa par un certain Abou Omar" (le pseudonyme d’Abdelhamid Abaaoud), pour commettre un massacre lors d’un "concert de rock". "Il m'a juste dit de choisir une cible facile, un concert par exemple, là où il y a du monde. Il m'a précisé que le mieux, après, c'était d'attendre les forces d'intervention sur place et de mourir en combattant avec des otages." L'exact scénario de l'attaque du Bataclan.
A Deir ez-Zor, en Syrie, en septembre 2015
Le danger est jugé tel, selon les sources du quotidien, qu'il entraîne une modification de la stratégie militaire française en Syrie, où le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Laurent Fabius, s'oppose à des frappes contre l'Etat islamique en Syrie permettant de "remettre en selle Assad".
François Hollande, qui l'avait suivi jusque-là, décide d'agir de manière autonome en Syrie, indépendamment de la coalition occidentale, pour poursuivre ses propres objectifs. Le 27 septembre, rapporte Le Parisien, il fait bombarder "le camp d'entraînement d'Abaaoud à Deir ez-Zor, sur l'Euphrate, et à Raqqa, son port d'attache". Y avait-il un vrai risque pour Abaaoud ? "Nous n'avons cependant jamais disposé de ses coordonnées GPS précises, seule condition pour le cibler", nuance une source gouvernementale. Quoi qu'il en soit, Deir ez-Zor était connu par ailleurs comme point de chute des jihadistes français, selon ce reportage de France 2.
Syrie : Deir Ezzor, le point de chute des radicalisés français
On connaît la suite : en septembre, le terroriste se trouve en Grèce et revient apparemment sans problème dans l'espace Schengen. Il conduit les attaques de Paris, qui font 130 morts et est abattu cinq jours plus tard lors de l'assaut contre l'appartement de Saint-Denis où il s'était réfugié.
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