"Vous ? C'est même pas la peine !" : à la barre, Jawad Bendaoud charge les avocats des victimes
Dans une ambiance tendue et surréaliste, les parties civiles ont tenté d'interroger le logeur présumé de deux jihadistes du 13-Novembre.
Coups de colère entrecoupés de sketches façon stand-up : les parties civiles ont interrogé Jawad Bendaoud, vendredi 26 janvier, devant le tribunal correctionnel de Paris, sans vraiment obtenir de réponses du "logeur de Daech", dans une ambiance encore plus tendue que la veille. Voici les principaux moments de cette journée audience.
Une suspension d'audience après de vifs échanges : "Moi je vais venir vous voir à votre cabinet"
Moins d'une heure après la reprise du procès, la présidente de la 16e chambre a dû suspendre l'audience après des échanges très vifs entre le prévenu, jugé pour "recel de malfaiteurs terroristes", et un avocat de la partie civile, Me Georges Holleaux.
"Vous êtes un voleur de mobylette !", a crié Jawad Bendaoud à Me Georges Holleaux. "Vous essayez de faire quoi là ?", a-t-il poursuivi, très énervé. "Attention à ce que vous dites. (...) Moi je vais venir vous voir à votre cabinet", a menacé Jawad Bendaoud. "C'est un malade cet homme-là", a-t-il aussi dit. "Monsieur Bendaoud, taisez-vous !", est intervenue la présidente Isabelle Prévost-Desprez.
Ces échanges ont donné le ton de la suite de l'audience, au troisième jour du procès du logeur présumé de deux jihadistes du 13-Novembre. Le procès a pris parfois des allures de one-man-show, totalement décalé face à la gravité du sujet.
Un étrange droit au silence : "Retourne à ta place, je ne parle pas avec toi"
A la reprise de l'audience, Jawad Bendaoud a présenté ses excuses. "Ca fait quatorze mois que je ne suis pas sorti de ma cellule", a-t-il tenté de justifier. "A ma place, il y a des gens, ils se seraient coupé les testicules." Énervé par Me Holleaux et ses confrères, Jawad Bendaoud a demandé plusieurs fois le droit au silence en se bouchant ostensiblement les oreilles... Et avant de se lancer dans de longues logorrhées. Ses avocats, Xavier Nogueras et Marie-Pompéi Cullin, ont tenté de le calmer plusieurs fois, mais rarement avec succès.
#Jawad : ...
— Vincent Vantighem (@vvantighem) 26 janvier 2018
« Y’a des gens à ma place, ils se seraient coupés les testicules, ils les auraient mis dans une boite. Et ils auraient donné la boite. Tiens, voilà mes testicules ! »
Un avocat se lève. "Monsieur Reinhart ? C'est même pas la peine", lui lance le prévenu, rechignant à répondre à ses questions, comme à celles d'autres avocats qui le "provoquent sur BFM". Le détenu explique qu'il regarde sans cesse les chaînes d'information depuis sa prison. "Je ne peux pas parler avec des gens qui me lynchent à la télé". "Exercez votre droit au silence. En vrai, monsieur Bendaoud", le prie la présidente. En vain.
"Vous êtes atteint psychologiquement", "Comment vous avez le culot de porter cette robe ?", "Retourne à ta place, je ne parle pas avec toi", lâche encore le prévenu aux avocats. "Donc nous écouterons les plaidoiries [de la partie civile], sans avoir les réponses de monsieur. Bendaoud", a déploré la présidente.
Le 13 novembre ? "Je n'ai aucune information sur les attentats"
Sur le fond, il a répété qu'il ne savait pas qu'il logeait des jihadistes. Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attentats ? Jawad Bendaoud "le trouve louche mais pas terroriste." "Je n'ai aucune information sur les attentats" après le 13 novembre, affirme-t-il, sans convaincre le procureur. "Il y a des attentats à côté de chez vous et vous ne faites pas des démarches pour savoir si des amis ont été touchés? (...) Cette explication est inaudible", a déclaré le représentant du parquet. "Il faut vraiment avoir de la glace dans les veines pour accueillir un mec qui a tué 130 personnes", se défend le prévenu.
#Jawad : ...
— Vincent Vantighem (@vvantighem) 26 janvier 2018
- Vous ne connaissiez pas le Bataclan, ni les terrasses mais le stade de France, vous connaissez ?
- Oui, sur mon Facebook, il y a une vidéo de moi en tribune quand la France marque contre l’Australie et je gueule ‘Fuck les kangourous’.
"Je n’avais aucune information, j’avais des soucis. Monsieur, je vais pas vous raconter que j’ai vu les attentats alors que je n’ai rien vu" #Jawad au procureur. #Jawad affirme que le 13/11/2015 quand il a entendu parler d’attentats à la télé, il pensait que c’était à l’étranger
— Aurélie Sarrot (@aureliesarrot) 26 janvier 2018
Jawad Bendaoud a reconnu avoir loué son squat à des mafieux d'Europe de l'Est, sans demander ce qu'ils faisaient vraiment. "Pour les terroristes, vous ne vous posez pas plus de questions", lui reproche un avocat.
Jeudi, son complice présumé Mohamed Soumah avait présenté ses condoléances et ses excuses aux victimes, mais Jawad Bendaoud ne lui a pas emboité le pas. "Moi, ça me choque de voir des gens blessés venir et (...) dire que je suis le responsable. Madame, vous savez ce que c'est de vivre avec un mort sur la conscience [celle de son meilleur ami dans une rixe] ? Vous pensez que je veux en rajouter 130 ?", questionne le prévenu.
Son avenir en suspens : "J'avais un projet de point de vente de cocaïne"
Soudainement, Jawad Bendaoud s'inquiète pour son avenir. "Je suis fini, que je mente ou pas. Qui va m'embaucher dehors ? J'avais un projet de point de vente de cocaïne. Qui va s'associer avec moi ?", s'inquiète-t-il.
#Jawad : « Ma réputation, elle est morte. Même si je sors de prison, qui va m’embaucher? J’avais un projet d’un nouveau point de deal de cocaïne, mais là, qui va vouloir s’associer avec moi? »
— Cindy Hubert (@Cindy_Hubert) 26 janvier 2018
Le procès doit se poursuivre jusqu'au 14 février. Jawad Bendaoud, délinquant multirécidiviste, encourt 6 ans de prison.
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