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Laïcité à l'école : "Beaucoup d'atteintes ou de contestations ne sont pas signalées" au ministère, affirme un professeur d'histoire

Un hommage national à Samuel Paty est rendu ce vendredi , la veille de l'anniversaire de l'assassinat du professeur d'histoire dans les Yvelines, tué après avoir montré des caricatures de Mahomet lors d'un cours sur la laïcité.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Dans un collège alsacien, le 12 février 2021 (image d'illustration). (VANESSA MEYER / MAXPPP)

Iannis Roder, professeur d'histoire-géographie dans un collège à Saint-Denis et membre du Conseil des sages de la laïcité, a affirmé ce vendredi 15 octobre sur franceinfo que "beaucoup d'atteintes" à la laïcité ou "de contestations" dans les établissements scolaires "ne sont pas signalées" au ministère.  Elles sont réglées "à l'intérieur des établissements, voire à l'intérieur des classes", dit-il. Un hommage national à Samuel Paty est rendu ce vendredi dans toutes les écoles de France, à la veille de l'anniversaire de l'assassinat du professeur d'histoire à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), tué après avoir montré des caricatures de Mahomet lors d'un cours sur la laïcité.

>> DIRECT : Un hommage à Samuel Paty est rendu dans toutes les écoles de France

franceinfo : Dans quel état d'esprit étaient les professeurs de votre établissement ?

Iannis RoderUn état d'esprit partagé. Un sentiment de gravité et en même temps j'ai senti chez certains de mes collègues une certaine appréhension face aux questions qui ne manqueront pas d'arriver. Mais je suis aussi membre du Conseil des sages. Donc la direction de l'établissement m'a demandé justement de proposer des réponses aux questions qui peuvent émerger de la part de nos élèves. Nous avons préparé, nous avons travaillé et il nous reste à faire l'hommage. 

Vos élèves vous parlent de Samuel Paty ?

Non, pas du tout, mais c'est moi qui en parle à mes élèves. J'en ai fait l'expérience ne serait-ce qu'hier. Je travaillais sur la liberté d'expression et évidemment nécessairement, je suis arrivé avec mes élèves à l'assassinat de Samuel Paty. Certains avaient déjà oublié et d'autres m'ont dit "mais pourquoi on en parle encore ? Il y a des morts tous les jours". Il y a un problème chez certains élèves à comprendre la portée de l'évènement et le symbole que représente l'assassinat, au-delà de l'horreur, de Samuel Paty. Mes élèves sont dans l'immédiateté et dans le zapping permanent. Et justement, le rôle de l'école, c'est de prendre le temps. C'est ce que nous faisons avec nos élèves. 

Un an après, quelque chose a changé dans les classes ?

En réalité, je ne pense pas que des choses aient changé dans les classes. En revanche, ce que je crois voir et percevoir, mais ce n'est que mon avis, c'est une prise de conscience du monde enseignant de la gravité de la situation, de la profondeur de la question à laquelle nous sommes confrontés. Je l'ai vu changer, même dans l'attitude des enseignants qui aujourd'hui disent, "c'est compliqué", alors quand j'ai commencé à parler de ces questions, il y a maintenant vingt ans, à l'époque, c'était quelque chose qu'on mettait largement sous le tapis.


Il y a des enseignants qui n'osent plus aborder certains sujets. Pensez-vous qu'il y ait vraiment un avant et un après ?

Oui, il y a nécessairement un avant et un après. Et en même temps, je suis convaincu, malheureusement que l'assassinat de notre collègue ne représente pas une rupture, mais une étape dans la prise de conscience qui doit être générale de la situation qui est la nôtre aujourd'hui. Nous avions montré l'autocensure des enseignants dans un sondage que nous avions fait pour la Fondation Jean-Jaurès. 19% des enseignants s'autocensurent régulièrement. On a un vrai problème qui d'abord, à mon sens, peut être résolu grâce à la formation des enseignants. C'est tout l'intérêt des formations qui vont commencer la semaine prochaine, parce que 1 000 formateurs vont être formés sur une dizaine de jours sur la laïcité, les principes et les valeurs de la République, de manière à pouvoir essaimer après dans tous les établissements de France sur quatre ans. C'est un gros plan très ambitieux lancé par le ministère de manière à former tous les enseignants. J'ai bien vu, en discutant avec mes collègues, qu'il y avait effectivement une appréhension parce qu'il y a une sorte d'insécurité professionnelle chez certains qui ont peur, parce qu'ils ne se sentent pas assurés sur des bases assez solides.  

Et vous, vous avez peur ?

Non. Cela fait 22 ans que je suis dans mon établissement. J'en ai vu des vertes et des pas mûres, si je peux m'exprimer ainsi. J'ai une expérience. Non, je n'ai pas peur. Je suis convaincu qu'avec une bonne formation, qu'avec un savoir-faire avec les élèves, on peut aborder absolument toutes les questions. Je n'ai rien changé. Je continue à enseigner comme j'enseignais l'année dernière, il y a cinq ans, il y a dix ans. Évidemment, j'ai des évolutions comme tout le monde parce que je réfléchis à mes pratiques pédagogiques. Mais ma philosophie reste la même.

L'Éducation nationale dit de ne rien laisser passer. 547 signalements ont été effectués entre décembre 2020 et mars 2021 pour des atteintes à la laïcité. Vous êtes confronté à ce phénomène ?

Je n'ai pas l'impression d'y être confronté plus qu'avant. Quand j'étais jeune professeur, il y a donc longtemps, j'ai été confronté à de gros problèmes qui m'ont fait réfléchir sur mes pratiques et qui m'ont fait évoluer dans mes pratiques. J'avais plus de problèmes qu'aujourd'hui, mais je pense que c'est l'expérience qui joue. Maintenant, il faut faire attention avec les chiffres du ministère, non pas qu'ils ne soient pas exacts, mais ils ne disent pas tout. Et beaucoup d'atteintes ou de contestations sont réglées à l'intérieur des établissements, voire à l'intérieur des classes et ne sont pas signalés. Ce que nous propose le ministère n'est pas un outil statistique. C'est d'abord des remontées pour mieux gérer les questions quand elles se posent. Ce n'est pas un sondage. Il y a beaucoup de choses qui se passent dans les établissements qui restent invisibles parce qu'elles sont gérées localement. 

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