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Procès de l'attentat de Magnanville : la perpétuité requise à l'encontre de Mohamed Lamine Aberouz, le seul accusé

Les avocates générales ont cherché à démontrer la culpabilité de l'accusé, un ami du terroriste qui a assassiné le policier Jean-Baptiste Salvaing et sa compagne Jessica Schneider en juin 2016.
Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les avocates générales, le 6 octobre 2023, au procès de l'attentat de Magnanville, qui se tient devant la cour d'assises spéciale de Paris. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)

"Il est dans une dynamique de violence évidente." Au procès de l'attentat de Magnanville, les avocates générales ont requis, mardi 10 octobre, la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans à l'encontre du seul accusé, Mohamed Lamine Aberouz, jugé devant la cour d'assises spéciale de Paris depuis quinze jours. Il lui est reproché d'être le complice de l'attentat perpétré, le 13 juin 2016, par Larossi Abballa, qui a assassiné Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, un couple de policiers à leur domicile de Magnanville (Yvelines). Le terroriste a été tué par les policiers lors de l'assaut mené par le Raid pour libérer l'enfant du couple, retenu en otage.

Les premiers mots de ce réquisitoire à deux voix étaient adressés aux forces de l'ordre, cibles de l'attentat. "Nous sommes tous Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider", a lancé la première représentante du ministère public. "Etre policier, c'est un engagement. C'est une vocation, avant d'être un métier. Et c'est souvent un sacerdoce", a déclamé la magistrate devant une salle comble où se trouvait, au premier rang, le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux. "A partir du 13 juin 2016, le policier est une cible partout, tout le temps, même sans l'uniforme. Le traumatisme engendré est incommensurable", a-t-elle poursuivi. Pour y faire face, l'avocate générale ne voit qu'une issue, autant dans le temps de l'enquête qu'à l'audience : "Rechercher la vérité."

"Evidemment qu'il est coupable !"

Ainsi, pendant environ deux heures et demie, les deux représentantes du ministère public, qui souhaitent conserver l'anonymat, se sont évertuées à démontrer la culpabilité de Mohamed Lamine Aberouz, dont l'ADN a été retrouvé sur l'ordinateur portable de Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider. Selon elles, il était aux côtés de Larossi Abballa le soir du 13 juin 2016, quand le couple de policiers a été assassiné. L'accusé, qui vient d'avoir 30 ans, comparaît pour complicité d'assassinat sur personne dépositaire de l'autorité publique, complicité de séquestration de mineur et association de malfaiteurs terroriste criminelle, au nom de l'organisation Etat islamique. "Nous vous demandons d'entrer en voie de condamnation de ces chefs", requièrent les avocates générales à l'intention de la cour d'assises spéciale de Paris, qui estiment qu'il était "associé" à ce "projet criminel".

La deuxième magistrate à requérir a mis l'accent sur la proximité, en particulier sur le plan religieux, de l'accusé avec Larossi Abballa : "Il le structure idéologiquement." Cette avocate générale a souligné que Mohamed Lamine Aberouz était, en 2016, "totalement acquis aux convictions du groupe Etat islamique". L'avocate, qui dodeline du corps et agite ses mains devant elle, revient ensuite sur la trace ADN retrouvée, qu'elle qualifie de "pure".

"C'est aussi l'ADN qui signe, de manière irrévocable, la complicité de Mohamed Lamine Aberouz dans les crimes commis par Larossi Abballa."

Une avocate générale

devant la cour d'assises spéciale de Paris

L'accusation ne croit pas à l'hypothèse d'un transfert, soutenue par la défense, qui affirme, pour sa part, qu'elle proviendrait de la voiture de Larossi Abballa. "Lorsqu'on réunit toutes les pièces du puzzle, l'adhésion de Mohamed Lamine Aberouz aux thèses de l'Etat islamique ; la proximité avec Larossi Abballa ; l'influence sur Larossi Abballa ; la méthodologie et la connaissance de Mohamed Lamine Aberouz qu'on retrouve dans sa vidéo de revendication ; l'ADN découvert sur la scène de crime ; la possibilité d'une fuite aisée ; l'absence d'alibi ; la destruction de preuves immédiatement après l'attentat ; les propos évolutifs et incohérences dans les déclarations… Evidemment qu'il est coupable !", s'est exclamée, ensuite, la magistrate.

"Un réquisitoire totalement aveugle"

Durant tout le réquisitoire, Mohamed Lamine Aberouz est resté tête baissée dans le box des accusés. "Vous avez devant vous une personne qui n'a fait aucun début de réflexion sur la gravité des faits", a pointé l'une des deux avocates générales.

"Au-delà de la prison physique dans laquelle il se trouve, il s'est lui-même placé dans une prison morale de laquelle il ne sortira pas."

Une avocate générale

devant la cour d'assises spéciale de Paris

Au terme de son réquisitoire, la magistrate s'est tournée vers la famille des deux policiers assassinés lors de cet attentat pour les saluer. L'accusé s'est pour sa part entretenu pendant plusieurs minutes, avec calme, avec l'un de ses deux avocats, Vincent Brengarth. Ce dernier a ensuite estimé, devant quelques journalistes, que ce réquisitoire était "totalement aveugle".

"On a l'impression qu'il n'y a pas eu d'audience. Sauf que l'audience a permis de voir que la thèse de l'ADN avait été invalidée", a assuré Vincent Brengarth. "Il n'y a pas aujourd'hui de démonstration d'une complicité de la part de Mohamed Lamine Aberouz. Et c'est ce que je vais démontrer tout à l'heure", a ajouté l'avocat, qui a plaidé l'acquittement mardi après-midi, avant les derniers mots de l'accusé mercredi matin et le verdict dans la foulée.

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