Après l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray : "Chaque catholique peut aller voir son voisin musulman et échanger avec lui"
Le porte-parole de la Conférence des évêques de France estime qu'"il ne faut pas céder à l'abandon, sinon les terroristes auront gagné", en réponse aux personnes qui, touchées dans leur foi, auraient des désirs de vengeance.
#JesuisCatholique. A peine connu, l'assassinat du père Hammel dans une église de Saint-Etienne-du-Rouvray, mardi 26 juillet, a suscité ce hashtag de la part de milliers d'internautes pour réagir à cet acte terroriste qui touchait l'Eglise catholique française. Et outre les intentions de prières, les hommages au prêtre tué et les messages de paix, des tweets haineux et islamophobes ou des appels à la vengeance ont rapidement tourné sur les réseaux sociaux. Comment réagir à une attaque aussi violente ? Quel message l'Eglise peut-elle envoyer à ses fidèles après ces événements ?
Francetv info a interrogé le porte-parole de la Conférence des évêques de France, Vincent Neymon.
Francetv info : Que conseillez-vous aux fidèles qui réagissent violemment et avec colère à l'attaque de Saint-Etienne-du-Rouvray ?
Vincent Neymon : Il est sûr qu'il y a des cris de colère, des appels à la vengeance, dans les réactions à l'attentat, nous ne pouvons pas nier ces sentiments. Mais nous devons, à tout prix, trouver les moyens de dépasser cette peur qui nous envahit et ne pas céder à ces émotions. Nous ne sommes pas angéliques, tout le monde est évidemment sidéré, mais il faut se concentrer sur les valeurs chrétiennes : faire attention à l'autre, prêcher l'amour du prochain et la solidarité.
Changeons de posture et d'attitude : allons vers l'autre, cherchons à construire quelque chose avec lui. On nous dit que cette guerre contre le terrorisme va être longue, profitons de la durée pour installer en profondeur une nouvelle énergie, basée sur le dialogue et la recherche de la paix.
Nous devons également prendre conscience que rien ne peut éviter 100% des attentats : il ne faut pas confondre sécurité et paix. La première peut créer des divisions, des clivages. La seconde est basée sur la confiance. La société de demain doit être fondée sur la solidarité et la confiance.
Mais, très concrètement, comment adopter cette attitude ?
J'avancerais deux choses : commençons par tourner nos regards vers Cracovie et les JMJ, où des millions de jeunes sont rassemblés pour partager leur vision du monde et d'eux-mêmes. Ils sont là pour construire ensemble la société de demain et, pour que celle-ci soit pacifiste, suivons leur exemple.
Autre possibilité : nous devons nous engager dans un dialogue constructif avec tout le monde, nos proches, nos voisins, les autres religions aussi, afin de pouvoir agir ensemble. Une des clés de ce dialogue est qu'il doit également venir des responsables politiques ou religieux, comme on l'a vu mercredi matin à l'Elysée, mais aussi par les collectifs et les individus. Chaque catholique peut simplement aller voir son voisin musulman par exemple, et échanger avec lui. C'est un travail qui se construit à toutes les échelles. Des exemples d'initiatives très concrètes prouvent que ce dialogue est possible : l'association Coexister par exemple, dont la devise "Diversité de convictions, unité dans l’action" reflète bien la recherche de dialogue entre religions.
Et puisque ce sont des symboles qui sont attaqués, un prêtre assassiné pendant son prêche, nous pouvons répondre en utilisant de la même façon des symboles. La journée de vendredi 29 juillet par exemple, pendant laquelle l'Eglise catholique appelle à prier et à jeûner, ou bien fréquenter les messes en l'honneur du père Jacques Hamel.
Que répondez-vous à ces fidèles qui lancent des propos islamophobes ?
Nous leur disons que l'on peut comprendre la colère mais, en tant que catholiques, nous ne pouvons pas répondre par la haine. La seule voie est le dialogue et non l'exclusion. Ces fidèles se disent qu'ils seraient mieux entre eux, qu'il y aurait moins de conflits. Mais rappelons ce que dit le pape François : "Si on construit des murs, on se divise, alors que si on jette des ponts, on se rencontre."
Et quelle message l'Eglise a-t-elle pour les musulmans victimes de ces attaques ?
Aux musulmans atteints par ces offenses, nous voulons rappeler que beaucoup de catholiques ne pensent pas ainsi. Ceux qui émergent, notamment via les réseaux sociaux, sont parfois dans des réactions extrêmes. Mais la majorité des catholiques, peut-être plus silencieuse, est dans une optique de dialogue.
Comment jugez-vous la réaction des responsables politiques ?
Le premier moyen d'obtenir la cohésion sociale est de respecter le deuil. Certains commentateurs et politiques s'engouffrent dans les débats sur les failles de sécurité, les responsabilités. Ce n'est pas du tout, à mon avis, l'option à prendre. Les politiques et médias sont aussi responsables du dialogue et doivent montrer l'exemple.
Au contraire, nous avons été frappés et émus de l'appel à l'unité des dirigeants religieux. Ils ont pris la parole ensemble, et incité à l'union, pas à l'uniformité entre religions mais à une reconnaissance mutuelle. Ils étaient très dignes, c'est peut-être ce qui a manqué jusque-là, en particulier après l'attaque de Nice.
Et vous, comment tenez-vous bon face à une attaque si personnelle ?
Il ne faut pas se méprendre, nous sommes aussi extrêmement touchés, mais à l'image des paroles du maire de Saint-Etienne-du-Rouvray, Hubert Wulfranc : "Nous resterons debout." Malgré l'envie de s'arrêter, de pleurer, de faire notre deuil, il ne faut pas céder à l'abandon, sinon les terroristes auront gagné. Faisons comme les jeunes des JMJ, rassemblons-nous. Se serrer les coudes facilite notre capacité à rebondir, l'esprit de groupe et l'entraide sont essentiels.
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