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14-Juillet : pourquoi des municipalités annulent ou maintiennent leurs festivités après les émeutes qui ont secoué le pays

Encore sous le choc des violences urbaines de la fin juin, ou redoutant de nouvelles tensions, des élus ont décidé de renoncer aux événements prévus pour la fête nationale, à commencer par le traditionnel feu d'artifice. D'autres, à l'inverse, entendent s'en tenir à leur programme.
Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Visuel diffusé sur les réseaux sociaux par la mairie de Claye-Souilly pour l'annulation du feu d'artifice du 13 juillet 2023. (VILLE DE CLAYE-SOUILLY)

A Montargis, fête nationale ou pas, on n'a "pas envie d'aller faire la bamboche". Deux semaines après que des émeutiers ont incendié bâtiments, véhicules et poubelles dans cette sous-préfecture du Loiret, en réaction à la mort du jeune Nahel à Nanterre (Hauts-de-Seine), la ville est encore "groggy", selon son maire, Benoît Digeon. Les bals prévus dans la commune, jeudi 13 juillet, ont été annulés, tout comme le feu d'artifice qui devait illuminer l'ancien château royal. "Quand on a un deuil dans la famille, on ne va pas en boîte de nuit le lendemain", défend l'élu Les Républicains de 70 ans, auprès de franceinfo.

Pour le maire, la décision relevait de l'évidence, "par respect pour ceux qui sont dans la souffrance". "J'ai une dame de 87 ans qui a tout perdu dans le feu de son appartement", insiste-t-il. Les restaurants et les bars de Montargis sont priés de ne pas faire jouer d'orchestre en extérieur et les habitants sont conviés à une simple cérémonie républicaine, jeudi soir, "avec un hommage particulier pour les forces de sécurité et de secours". Ambiance fleurs et couronnes, plutôt que bouquet final.

A travers la France, d'autres municipalités marquées par les violences urbaines ont choisi de faire de même. "Les élus et habitants que j'ai croisés sur le terrain sont effectivement assez inquiets dans la perspective de la fête nationale", a reconnu Elisabeth Borne, samedi, dans un entretien au Parisien. "Les moyens seront massifs pour protéger les Français pendant ces deux jours sensibles", a promis la Première ministre, sans réussir à rassurer tous les édiles.

"Malheureusement, on a déjà eu notre feu d'artifice"

Si la grande majorité des villes ont décidé de maintenir l'événement, le traditionnel feu d'artifice du 13 juillet ne retentira pas non plus au-dessus de la Marne, au sud du bois parisien de Vincennes. "Les années précédentes, on avait déjà des individus tentés de créer des troubles à l'issue de l'événement", rembobine Hervé Gicquel, maire LR de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), l'une des trois communes organisatrices. "Là, on sort d'un contexte très troublé et le rassemblement d'une foule compacte sur un même site aurait nécessité des conditions de sécurité drastiques", précise-t-il.

"On n'a pas voulu remobiliser les forces de sécurité publique, qui ont été très sollicitées ces dernières semaines."

Hervé Gicquel, maire de Charenton-le-Pont

à franceinfo

Le calme a beau être revenu, la prudence l'emporte. "Il faut malheureusement s'attendre à une résurgence des violences urbaines le 14 juillet", a prévenu le syndicat Unité-SGP Police FO, le 5 juillet, rappelant que les cérémonies de la fête nationale font traditionnellement partie "des deux nuits les plus compliquées" de l'année, avec le réveillon du Nouvel An.

A Savigny-sur-Orge (Essonne), l'annulation du feu d'artifice a été actée après "des avis défavorables de la police nationale, de l'état-major et des pompiers", assure la municipalité. Durant les émeutes, la mairie a été la cible de cocktails molotov et une maison de quartier a été partiellement incendiée. Depuis, la commune ne se sent "pas à l'abri" de nouveaux débordements. "On pourrait prendre le risque [de maintenir l'événement] mais, si ça ne se passe pas bien, c'est le maire qu'on viendra chercher", estime l'édile LR, Alexis Teillet, 32 ans.

A Montargis, ce sera seulement partie remise. Le maire, Benoît Digeon, s'est entretenu avec l'artificier qui devait assurer le spectacle et lui a promis que l'événement était simplement reporté. "On fera ça quelques jours avant Noël, annonce-t-il. Le prestataire pourra faire son chiffre d'affaires et la ville aura droit à sa petite fête. Mais, cet été, avec tout ce qu'il s'est passé, on a malheureusement déjà eu notre feu d'artifice."

La crainte d'un "afflux de spectateurs" des alentours

Le principe de précaution a même atteint des villes épargnées par les émeutes. "Il n'y a pas eu de problèmes dans la commune", reconnaît ainsi la mairie de Claye-Souilly (Seine-et-Marne), qui a renoncé à sa retraite aux flambeaux et à son feu du 13 juillet. "Le nombre de festivités qui sont supprimées dans notre secteur nous laisse craindre un afflux supplémentaire de spectateurs extérieurs à la ville, incompatible avec une sécurisation optimale", explique le maire centriste, Jean-Luc Servières, sur sa page Facebook. "Claye-Souilly a été épargnée et nous faisons au mieux en espérant que cela perdure", poursuit-il.

L'annonce a été diversement appréciée. Sur la page municipale, certains internautes saluent une volonté de "ne pas jouer avec le feu", d'autres y voient une démonstration que "les émeutiers et voyous ont gagné". Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, avait estimé, le 6 juillet sur LCI, qu'il était "hors de question" de considérer que le 14-Juillet, "le jour où l'on célèbre la France", doive "s'effacer derrière quelques milliers d'émeutiers".

A Jouy-le-Moutier (Val-d'Oise), le contexte sécuritaire n'a finalement été que la goutte d'eau qui a éteint la mèche. Comme de nombreuses communes, cette ville avait dû renoncer à son terrain de tir habituel, en raison des risques d'incendie liés à la sécheresse et à la proximité de zones boisées. C'est d'ailleurs ce critère climatique qui explique la plupart des annulations de feux d'artifice, cette année encore, dans l'Hexagone. En quête d'un nouveau lieu plus dégagé, "nous y étions presque, jusqu'à ce que surviennent les derniers événements", qui ont rendu "inconcevable de tenir un feu d'artifice", résume sur Facebook le maire divers gauche, Hervé Florczak.

"Faire confiance à sa population"

Malgré les récentes émeutes, l'heure sera malgré tout globalement à la fête, jeudi et vendredi, à travers la France. A Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), on espère même faire oublier le couac de l'an passé, quand un début d'incendie dans les roseaux avait perturbé le feu d'artifice du 14-Juillet au bord de la Moselle. "Les roseaux sont bien plus verts cette année", se réjouit le maire LR, Henry Lemoine. Malgré les dégradations subies sur "une quinzaine de vitrines" lors des émeutes, l'élu n'a "pas vraiment envisagé d'annuler". Aucune alerte venue des services du renseignement territorial, aucun appel à commettre des exactions sur les réseaux sociaux... Tout au plus a-t-il demandé un léger renforcement du dispositif de sécurité.

"On ne peut pas pénaliser tout le monde pour une vingtaine de jeunes qui ont essayé de mettre la ville à sac."

Henry Lemoine, maire de Pont-à-Mousson

à franceinfo

A Pont-Sainte-Maxence (Oise), le maire dit aussi "faire confiance à (sa) population" pour que les festivités du 13 juillet restent "un moment très familial". Quelques tirs de mortiers ont bien retenti fin juin, avec à la clé un couvre-feu d'une semaine imposé aux mineurs, mais Arnaud Dumontier veut croire que le feu d'artifice 2023 se passera de nouveau dans "d'excellentes conditions""Si on a une alerte avant, j'annulerai, mais ce n'est pas le cas jusqu'ici", assure-t-il. A Denain (Nord), la mairie a coupé la poire en deux et opté pour un feu d'artifice tiré "avant qu'il ne fasse nuit noire".

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