Taxis contre VTC : le gouvernement a-t-il choisi son camp ?
Délai de quinze minutes pour que le client soit pris en charge, suspension des immatriculations de VTC pendant deux mois : le gouvernement ne cesse de céder aux revendications des taxis face aux véhicules de tourisme avec chauffeur.
Le conflit qui oppose les 55 000 taxis français aux 6 500 entreprises de VTC exploitant 12 400 véhicules de tourisme avec chauffeurs vire au bras de fer entre le gouvernement et les chauffeurs de taxis. A chaque fois, le même scénario se répète : les syndicats de taxis mobilisent leurs troupes, organisent des blocages et des opérations escargots pour exiger du gouvernement une mesure contre les VTC, qu'ils accusent de concurrence déloyale. Et ils obtiennent satisfaction. Le gouvernement aurait-il choisi son camp ? Retour sur deux épisodes révélateurs.
Episode 1 : le délai de prise en charge de 15 minutes
La grève des taxis. Début janvier, les taxis font grève dans plusieurs villes de France pour protester contre "la concurrence déloyale" des VTC, autorisés depuis 2009. Les syndicats de taxis réclament un délai de réservation de 30 minutes au moins, un montant minimum de courses de 60 euros et l'interdiction des applications de réservation de VTC sur smartphone.
La mesure du gouvernement. Leur mobilisation paie. Le gouvernement agit par décret. A partir du 1er janvier, il impose un délai obligatoire de 15 minutes entre la réservation de la course et la prise en charge du client par le VTC, soit le double du délai moyen de prise en charge par un taxi.
La réaction des VTC. Les VTC, s'estimant lésés par cette mesure qu'ils jugent trop favorable aux taxis, saisissent aussitôt le Conseil d'Etat, en référé. Allocab, Le Cab, Chauffeur-privé et SnapCar demandent la suspension immédiate du délai. Ils affirment qu'elle porte atteinte à la liberté d'entreprendre.
Début février, le Conseil d'Etat tranche en faveur des VTC. Mercredi 6 février, le juge des référés suspend le délai de 15 minutes. Il invoque "une atteinte à la liberté du commerce" et "une atteinte grave et immédiate aux intérêts économiques".
Episode 2 : la suspension des immatriculations de VTC
La grève des taxis. Lundi 10 février, l'intersyndicale des chauffeurs de taxis mobilise de nouveau. Selon les syndicats, entre 5 000 et 6 000 taxis, sur les 20 000 que compte Paris, entravent la circulation en région parisienne et la desserte des aéroports d'Orly et de Roissy.
Dans la foulée, CFDT, CGT, FO, CST, FTI et SDCTP appellent les taxis, mardi soir, à une grève illimitée et encouragent des actions "en tous lieux et à tous moments". Dans la nuit de mercredi à jeudi, plusieurs centaines de taxis se regroupent en deux points de Paris, près du Champ-de-Mars et de la Porte Maillot.
Les syndicats de taxis exigent cette fois la suspension des immatriculations de VTC, le temps de la mission de concertation confiée mardi par le gouvernement au député PS Thomas Thévenoud. L'intersyndicale est reçue mercredi soir et jeudi matin par le médiateur.
La mesure du gouvernement. Le Premier ministre promet, jeudi matin, qu'il prendra "une décision" à l'issue de ce round de médiation. Chose promise, chose due. Jeudi après-midi, Jean-Marc Ayrault annonce la suspension de l'examen des demandes d'immatriculations des VTC, jusqu'à la fin de la médiation. Mieux, cette mesure s'accompagne d'un durcissement des contrôles portant "notamment sur l'utilisation des couloirs de bus à Paris, sur le non-stationnement des VTC aux abords des gares et des aéroports, et sur le respect du principe de la réservation préalable par les VTC".
Réaction immédiate des taxis : l'intersyndicale "met fin au mouvement" de grève. Les syndicats de taxis réclament toujours un délai de réservation de 30 minutes au moins, un montant minimum de courses de 60 euros et l'interdiction des applications de réservation de VTC sur smartphone.
La réaction des VTC. Cette fois, les VTC jouent l'apaisement. "Le report des immatriculations par le gouvernement est une bonne chose, si tant est qu'il soit temporaire", réagit le cofondateur de Chauffeur-Privé Yan Hascoet. "C'est une excellente chose, je suis pour l'apaisement", confirme Yanis Kiansky, cofondateur de la société Allocab.
"Le gouvernement a déclaré qu'il voulait apaiser les tensions et s'est donné deux mois pour le faire, il faut lui donner sa chance", appuie Benjamin Cardoso, directeur de la société de VTC Le Cab, leader du secteur en France. "Le gouvernement abandonne un peu de lest", analyse Patrice Spinosi, avocat de la société Allocab, sur BFMTV. Selon lui, cette suspension "n'a pas une grande conséquence". Et il conclut : "On verra bien ce à quoi aboutira cette médiation."
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