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"Normalement, je ne vote pas à gauche, mais je ne voulais pas que Ségolène passe"

Plongée chez les électeurs de la Rochelle et de l'Ile de Ré, appelés à choisir entre Olivier Falorni, dissident socialiste, et Ségolène Royal, candidate officielle du PS pour le second tour des législatives dimanche prochain.

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
A La Rochelle et sur l'Ile de Ré, deux socialistes, Ségolène Royal et Olivier Falorni, se disputent le siège de député de la 1re circonscription de Charente-Maritime. (SALOME LEGRAND / FTVI)

Derrière son comptoir où s'alignent les crèmes solaires dans l'attente des juillettistes, le pharmacien de Sainte-Marie-de-Ré ironise : "La nouveauté, c'est que l'île de Ré vote à gauche. Normalement c'est très à droite, là, ils n'ont pas le choix." Comme à La Rochelle, les Rétais voient s'affronter Ségolène Royal, investie par le PS et Olivier Falorni, dissident socialiste, au second tour des législatives.

"Ils ont soufflé sur les braises de la haine anti-Royal"

De quoi désespérer Sally Chadjaa, la candidate UMP éliminée dès le premier tour à 0,8 point près, soit 700 voix. "C'est vraiment une élection personne contre personne", analyse la discrète trentenaire, longs cheveux roux noués en queue de cheval. "Sarkozy a fait 28% dans cette circonscription, j'aurais dû récupérer environ 22%, mais les équipes de Falorni ont soufflé sur les braises de la haine anti-Royal. De mon côté aussi d'ailleurs, des gens comme Dominique Bussereau l'ont alimentée", regrette-t-elle, amère.

Sally Chadjaa, candidate de l'UMP dans la 1re circonscription de Charente-Maritime, éliminée dès le 1er tour, dans son QG à La Rochelle, le 13 juin 2012. (SALOME LEGRAND / FTVI)

Veste noire, fin pull rose pâle, dans son petit QG aux murs recouverts d'affiches de Nicolas Sarkozy, elle estime que 15 à 20% de ses électeurs potentiels ont voté pour Olivier Falorni, "enfin, contre Royal", dès le premier tour.

Comme Patrice, boucher chevalin en tablier à peine tâché, qui s'envoie le pastis de la mi-journée avec un ami près du vieux port de La Rochelle. "Normalement, je ne vote pas à gauche, mais là, je ne voulais pas que Ségolène passe", lance-t-il sans avancer plus d'arguments. "Bien sûr", il votera Falorni aussi au second tour.

"On veut quelqu'un de chez nous, pas des Johnny Halliday de la politique !"

Tout comme Xavier, le charcutier de la Halle centrale, tout sourire derrière les jambons suspendus et les kilomètres de saucissons en tous genres. "Je vais voter contre Royal", assène-t-il, grands yeux bleus rieurs, avant de s'expliquer: "Pour moi, la normalité s'est transformée en royauté, je ne veux pas du mélange exécutif-parlementaire avec un perchoir (la présidence de l'Assemblée nationale) trop proche de l'Elysée !" Et puis, "si on peut la déstabiliser dans la région", il n'est pas contre.

Debout très droit sous sa bâche en plastique rouge, Alain, le primeur, vote dans la circonscription voisine. Mais il donne de la voix sur le marché depuis 42 ans, alors "j'vais vous dire, s'il y en a un qui est légitime, c'est Falorni." Ce n'est pas lui qui le dit, ce sont ses clients. "Ségo, elle est pas de chez nous. Si elle est élue on ne la reverra pas, si elle n'est pas élue, on ne la reverra plus", sourit-il derrière sa moustache grisonnante.

"C'est le ressenti des Rochelais, on veut quelqu'un de chez nous, pas des Johnny Halliday de la politique !" Sur le marché, la rumeur dit même qu'Olivier Falorni aurait refusé un secrétariat d'Etat pour rester au service du territoire où il est né, et ça "si c'est pas une preuve…"

"Le moins pire, pour les électeurs de droite, c'est Falorni"

Entre son ordinateur portable, un pot de Nutella et un thé à la menthe, Sally Chadjaa, la candidate UMP malheureuse, peine à expliquer toute cette haine à l'encontre de la présidente de la région Poitou-Charentes : "Certes, madame Royal décide seule, a un comportement pas très démocratique mais c'est avant tout un combat politique et là, on ne sait rien de ce qu'ils pensent l'un et l'autre de l'écotaxe au péage de l'île de Ré, du devenir de l'aéroport de la Rochelle…"

Elle n'a donné aucune consigne de vote. Et indiqué qu'elle mettrait un bulletin blanc dans l'urne, à titre personnel. Mais, elle en est certaine, "ceux qui n'iront pas à la plage dimanche feront le choix le moins pire et, pour les électeurs de droite, c'est Falorni". "Mathématiquement, il ne peut pas gagner sans mes 19,47%", souligne-t-elle, le nez rivé sur la page "résultats" du quotidien régional Sud Ouest, titré : "Incroyable duel à gauche".

"L'une n'a dit ni bonjour ni merci, l'autre a été charmant"

Il n'y a guère que les électeurs de gauche pour hésiter. "Je crois que j'aurais voté Falorni mais c'est difficile", concède une passante, légère doudoune beige mi-saison, collier de perles et brushing orange flamboyant, franchement soulagée de voter dans la circonscription voisine.

Au café "Chai Pépette", à Sainte-Marie-de-Ré, la jeune serveuse résume les échanges entendus derrière son comptoir : "C'est compliqué, entre l'ex du président, ex-candidate à la présidentielle qui pourrait peser et obtenir des trucs pour La Rochelle, et celui qui connaît le coin comme sa poche." Elle préférerait ne pas se mouiller, mais "les deux sont venus ici, l'une n'a dit ni bonjour ni merci ni au revoir, l'autre a été charmant toute la soirée", finit-elle par raconter.

Olivier Falorni (avec le micro), candidat socialiste dissident, en réunion publique à St-Martin-de-Ré avec plusieurs maires de l'Ile de Ré, le 13 juin 2012. (SALOME LEGRAND / FTVI)

A quelques kilomètres de piste cyclable de là, Olivier Falorni tient meeting. Parmi la petite centaine de personnes massée dans la cour pavée de l'hôtel de Clerjottes, quelques militants UMP. Aux côtés du dissident, plusieurs maires de l'île, classés à droite, venus le soutenir. Le candidat charge : ses opposants "veulent proposer aux Rochelais un choix unique, étouffer la démocratie." Et rassure : "Dimanche, il n'y aura pas de vigiles à l'entrée des bureaux de vote pour vérifier si vous êtes socialistes ou non, ou si vous votez Ségolène Royal." "Il a une bonne tête", remarque un retraité UMP. "De toute façon, elle veut aussi le Sénat, elle ne pourra pas tout faire", réplique sa voisine qui confond la Chambre haute et le perchoir - la présidence de l'Assemblée nationale que Royal a déclaré convoiter après son élection.

Ségolène Royal et ses soutiens de "la gauche unie" en meeting salle de l'Oratoire à La Rochelle, le 13 juin 2012.  (SALOME LEGRAND / FVTI)

Ces soutiens UMP sont devenus l'unique angle d'attaque de Ségolène Royal et de ses alliés réunis en meeting salle de l'Oratoire, qui répètent à l'envi : "Ce n'est pas le candidat de la gauche !" Et rabâchent le sondage Ifop pour Sud Ouest, France Bleu et France 3 Poitou-Charentes qui les a assommés un peu plus tôt : "83% des électeurs de Nicolas Sarkozy se reportent sur Falorni, 55% de ceux de Le Pen aussi, c'est le candidat de la droite !" "Falorni égale Sarkozy", s'égosille même la présidente de région, donnée 16 points derrière le dissident.

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