Crise en Nouvelle-Calédonie : qui est Christian Tein, le chef indépendantiste placé en détention provisoire dans l'Hexagone ?

Le porte-parole de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), soupçonnée d'avoir orchestré les troubles contre la réforme électorale dans le territoire ultramarin, doit être incarcéré à Mulhouse, selon son avocat.
Article rédigé par franceinfo
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Christian Tein, responsable de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), assiste à la première assemblée générale de l'organisation à Bourail, en Nouvelle-Calédonie, le 14 juin 2024. (DELPHINE MAYEUR / AFP)

Il va dormir derrière les barreaux, à 17 000 km de son archipel. Christian Tein, chef de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) en Nouvelle-Calédonie, s'est envolé dans la nuit du samedi 22 au dimanche 23 juin pour l'Hexagone, où il doit être placé en détention provisoire, tout comme six autres militants. Ils font partie des 11 personnes interpellées lors d'un coup de filet visant le collectif indépendantiste kanak, soupçonné d'avoir orchestré les émeutes contre la réforme électorale dans l'archipel du Pacifique, qui ont fait neuf morts, dont deux gendarmes.

"L'ensemble des responsables, des militants et sympathisants de l'Union calédonienne ont appris avec stupeur la déportation en métropole dans la nuit des responsables et militants de la CCAT, dont notre commissaire général Bichou Tein [Christian Tein] ainsi que deux mamans d'enfants en bas âge", s'est insurgé l'Union calédonienne (UC), parti politique impliqué dans la création de la CCAT en novembre 2023.

Une "stupeur totale" pour son avocat

Christian Tein, habitant de la tribu kanak Saint-Louis au sein de la commune du Mont-Dore et originaire de l'île Ouen, doit être incarcéré à Mulhouse (Haut-Rhin) selon son avocat, Pierre Ortet, qui a fait part à franceinfo de sa "stupeur totale". "Je peux vous assurer qu'on ne nous a jamais avisés du départ de mon client en métropole. On l'a appris au terme de l'audience devant le juge des libertés et de la détention, qui s'est tenue à huis clos", explique son conseil, annonçant avoir fait appel de cette décision.

"Il est très attaché à son territoire et on n'imaginait pas une seule seconde qu'on pouvait l’envoyer à l'autre bout du monde."

Pierre Ortet, avocat de Christian Tein

à franceinfo

Selon le procureur de Nouméa, Yves Dupas, le leader indépendantiste de 56 ans s'est lui-même présenté à la gendarmerie, mercredi matin, pour être conduit devant les enquêteurs "dans le but de s'expliquer sur les faits reprochés". Après quasiment 96 heures de garde à vue, il est entré dans le bureau des juges samedi et en est ressorti à peine une demi-heure plus tard, après que sa mise en examen lui a été signifiée.

L'enquête avait été ouverte pour des faits d'association de malfaiteurs, vols avec armes en bande organisée, complicité par instigation de meurtres ou tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique. Le collectif indépendantiste, qui a toujours démenti être à l'origine des troubles, avait été qualifiée d'"organisation mafieuse" commettant des "pillages et des meurtres" par le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin.

Le visage du collectif des actions de terrain

Lors de la création de la CCAT, qui regroupe les principales formations indépendantistes en Nouvelle-Calédonie, Christian Tein, commissaire général de l'UC, avait expliqué l'objectif de ce regroupement, comme le rapportait La 1ère : "L'idée est de dire que ce beau pays, il faut continuer à le construire ensemble." Le collectif entendait peser dans les négociations autour "du document martyr", la feuille de route de l'exécutif pour la réforme institutionnelle de l'archipel, dont faisait partie le projet de dégel du corps électoral tant contesté. Principal porte-voix de la cellule de coordination, il en est devenu le principal visage.

Mi-mai, le leader avait appelé les manifestants au calme, sur Nouvelle-Calédonie La 1ère et sur l'antenne de Radio Djiido, proche des indépendantistes. Il avait notamment demandé aux jeunes "de lever le pied, de rester là où ils sont, sur les bords [des routes], organisés, structurés." "La CCAT n'a jamais appelé à piller les magasins", ajoutait-il, appelant les parents à "ne pas laisser [les enfants] partir dans tous les sens. Il faut contrôler le travail pour lequel on s'est engagés."

"Ce qu'on souhaite aujourd'hui, c'est qu'une médiation soit faite", déclarait-il encore sur franceinfo le 19 mai. Pour la conduire, Christian Tein avait suggéré le nom de l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, "qui peut être à l'écoute des Calédoniens"

Une rencontre avec Emmanuel Macron fin mai

Christian Tein avait rencontré Emmanuel Macron lors de la venue du chef de l'Etat dans l'archipel fin mai. Dans une vidéo diffusée sur Facebook le 24 mai et relayée par La 1ère, il évoquait les sujets abordés avec le chef de l'Etat. Il avait en particulier mentionné le "mécontentement sur la manière dont ce sujet [du corps électoral] a été traité par son cabinet et surtout le ministre de l'Intérieur, monsieur Darmanin." L'indépendantiste, assigné à résidence avec l'obligation de pointer au commissariat, avait aussi plaidé pour la levée de ces assignations des responsables de la CCAT : "On ne peut pas aller expliquer les enjeux, apaiser les choses, si on n'a pas levé ces obstacles."

"On maintient toute la résistance dans les quartiers. Mais c'est une résistance où on fait attention à nos vies, on fait attention à nos enfants."

Christian Tein

dans une vidéo diffusée sur Facebook fin mai

Comme l'analyse La 1ère, l'arrestation et le transfert vers l'Hexagone de plusieurs représentants de la CCAT, dont Christian Tein, pourrait marquer un tournant, après plus d'un mois de barrages et de violences en Nouvelle-Calédonie. La nuit de samedi à dimanche a été agitée dans certains quartiers de l'agglomération nouméenne et plusieurs troubles à la circulation et actes de vandalisme ont été signalés dimanche matin.

Dans un communiqué, la CCAT fait savoir que ses membres s'attendaient à ces interpellations et "appelle l'ensemble des militants indépendantistes à ne pas répondre à cette nouvelle provocation, à démontrer [leur] détermination et à ne pas tomber dans cette manœuvre coloniale d'un autre temps". Samedi, le couvre-feu instauré depuis le 14 mai a été prolongé jusqu'au 1er juillet, a précisé l'AFP.

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