Nouvelle-Calédonie : "C’est globalement tendu sur la zone de Saint-Louis", témoigne la présidente de la province Sud

"Les habitants qui habitent derrière la tribu, 15 000 personnes, sont pris en otage depuis quatre mois parce que la route est bloquée", déplore Sonia Backès, jeudi sur franceinfo.
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Des gendarmes bloquent une route à Mont-Dore, dans la province Sud de Nouvelle-Calédonie, le 19 septembre 2024. (DELPHINE MAYEUR / AFP)

"C'est globalement tendu sur la zone de Saint-Louis, mais relativement calme sur le reste de la Nouvelle-Calédonie", a témoigné jeudi 19 septembre sur franceinfo Sonia Backès, présidente de la province Sud de Nouvelle-Calédonie. Une tentative d'interpellation par les forces de l'ordre a mal tourné dans la nuit de mercredi à jeudi. Deux hommes de la tribu kanake de Saint-Louis, âgés d'une trentaine d'années, ont été tués par les tirs d'un membre du GIGN (Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale), portant à treize le nombre de décès depuis le début des troubles en Nouvelle-Calédonie. Les deux individus étaient soupçonnés d'être les auteurs de tirs contre des gendarmes et de car-jacking.

"Malheureusement, ils ne se sont pas rendus. Il y a eu une tentative d'interpellation qui a mal tourné aujourd'hui et c'est regrettable", a réagi Sonia Backès. L'approche du 24 septembre, date à laquelle l'Union calédonienne, l'une des composantes du FLNKS, a prévu de déclarer de façon unilatérale l'indépendance de l'archipel, "génère beaucoup d'inquiétudes auprès de la population", explique la présidente de la province Sud. Les autorités craignent un regain de tensions. Le couvre-feu en vigueur va être renforcé du 21 au 24 septembre. L'interdiction de circuler sera avancée à 18 heures au lieu de 22 heures.

franceinfo : Quelle est la situation en Nouvelle-Calédonie ?

Sonia Backès : C'est globalement tendu sur la zone de Saint-Louis, mais relativement calme sur le reste de la Nouvelle-Calédonie. Cette zone de Saint-Louis est bloquée depuis quatre mois. Les habitants qui habitent derrière la tribu, 15 000 personnes, sont pris en otage depuis quatre mois parce que la route est bloquée. Il y a eu 56 car-jackings, 300 tirs sur les forces de l'ordre. Clairement, on a dans la tribu des gens très armés, avec la volonté de s'attaquer aux forces de l'ordre. 

 

Vous appréhendez la nuit qui arrive ? 

Oui ! On voit les messages qui arrivent sur les réseaux sociaux, la mobilisation d'un certain nombre de jeunes dans les quartiers qui ont déjà fait l'objet d'exactions importantes au début du mois de mai. Malheureusement, les forces de l'ordre ont essayé de traiter avec les autorités coutumières pour que les personnes qui ont tiré sur des gendarmes ou effectué des car-jackings se rendent. Malheureusement, elles ne se sont pas rendues. Il y a eu une tentative d'interpellation qui a mal tourné aujourd'hui et c'est regrettable. 

 

Cela fait quatre mois que l'État a envoyé des forces de l'ordre pour ramener le calme. Pourquoi cela ne marche pas ?

Globalement, la présence des forces de l'ordre maintient une situation de sécurité partout sur le territoire calédonien. La situation de Saint-Louis a toujours été très difficile. Ça fait 40 ans que cette situation est compliquée parce que la tribu tient la route un peu stratégique qui permet d'accéder d'une part aux logements de 15 000 personnes, d'autre part à une usine de nickel. Cette route stratégique est systématiquement prise en otage par un certain nombre d'individus très armés, très violents. C'est une situation qui est explosive depuis très longtemps. 

Le couvre-feu va être renforcé du 21 au 24 septembre prochain. Le 24 septembre est la date symbolique qui marque la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France. Craignez-vous des émeutes plus importantes ? 

Oui, c'est une date symbolique parce qu'au tout début des émeutes, le président de l'Union calédonienne, qui est l'un des partis majeurs du FLNKS, a annoncé qu'à cette date-là, il annoncerait de manière unilatérale l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie et donc la baisse du drapeau français avec une mobilisation importante du camp indépendantiste. C'est une date qui génère beaucoup d'inquiétudes auprès de la population. Tout le monde se prépare à cette date-là. Ces deux décès à Saint-Louis accélèrent sans doute la situation de tension qu'on attendait pour ce week-end, puisque c'est à partir de samedi que le couvre-feu est décalé à 18 heures alors qu'il est aujourd'hui à 22 heures. La crainte, c'est que les tensions commencent un peu plus tôt que prévu. 

 

Qu'attendez-vous du prochain gouvernement ?

On a une triple difficulté. Une difficulté sécuritaire : il va falloir effectivement maintenir la sécurité partout sur le territoire calédonien. Aujourd'hui, on a beaucoup de forces de l'ordre. On craint que lorsque des forces de l'ordre devront se déplacer, on voit bien ce qui se passe en Martinique, la situation redevienne dangereuse pour les Calédoniens. Un enjeu aussi économique absolument majeur. On est en train d'attaquer une forme d'effondrement. Les entreprises qui n'avaient pas encore licencié, celles qui n'avaient pas été brûlées ou pillées, licencient en masse par centaines. 

"On a un chômage de masse qui est aujourd'hui ingérable et des entreprises qui continuent de fermer. Le remboursement par les assurances tarde. On a des sociétés d'assurance qui ne jouent vraiment pas le jeu depuis quatre mois."

Sonia Backès, présidente de la province Sud de Nouvelle-Calédonie

sur franceinfo

Les entreprises ne sont pas remboursées et ne peuvent pas reconstruire. On a un enjeu économique à la fois fondamental et très, très, très urgent comme on ne l'a jamais vu. Une fois que l'économie sera complètement effondrée, ce sera très difficile de reconstruire. Puis un troisième enjeu est politique puisqu'évidemment la Nouvelle-Calédonie ne pourra être stabilisée seulement avec la présence de forces de l'ordre. Ça n'a pas de sens. Quand on aura trouvé une solution politique, l'enjeu pour le nouveau gouvernement, même si le président de la République a répété qu'il souhaitait gérer lui-même ce dossier, c'est de recréer le dialogue, c'est de rétablir des conditions de sécurité et de tranquillité, de paix en Nouvelle-Calédonie.

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