Témoignages En Nouvelle-Calédonie, regain de tension à l'approche de la date anniversaire du rattachement de l'archipel à la France

Deux jeunes kanaks sont morts dans la tribu de Saint-Louis, dans la nuit de mercredi à jeudi.
Article rédigé par Agathe Mahuet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des CRS postés devant des militants indépendantistes, le 11 juillet 2024 à Nouméa (Nouvelle-Calédonie). (DELPHINE MAYEUR / AFP)

En Nouvelle-Calédonie, un regain de tension au sud de Nouméa, avec la mort de deux jeunes Kanaks, de 29 et 30 ans, dans la nuit de mercredi à jeudi 19 septembre. Cela s'est passé dans la tribu de Saint-Louis, un fief indépendantiste, sous contrôle permanent des forces de l'ordre depuis deux mois. Les deux hommes ont été mortellement blessés lors d'une intervention du GIGN.

Des opérations, devenues "régulières" ces dernières semaines, raconte Louis, un trentenaire kanak, présent tôt jeudi matin devant ce qu'il appelle "le verrou de Saint-Louis" : 150 gendarmes, déployés en contrôle permanent à l'entrée de la tribu, où la tension du printemps n'est jamais redescendue. Treize personnes sont recherchées - les deux victimes de la nuit en faisaient partie - soupçonnées de plus de 300 tirs sur les forces de l'ordre, sur la route longeant cette zone.

"Ce ne sont pas des jeunes délinquants"

Mais Louis, qui est membre de la CCAT (la Cellule de coordination indépendantiste, née il y a un an), refuse d'accabler les jeunes Kanaks : "Ce ne sont pas des jeunes délinquants. Ce ne sont pas les jeunes de Saint-Louis qui bloquent Saint-Louis en ce moment. Ce sont les forces de l'ordre. Les jeunes sont traqués jour et nuit dans la tribu par les forces de l'ordre." Dans une tentative de médiation, Louis explique avoir discuté début septembre avec ces jeunes indépendantistes, cachés parmi les familles de Saint-Louis pour échapper aux gendarmes : "On a expliqué aux jeunes qu'ils devaient se rendre. Mais d'abord, il fallait lever le verrou. C'était ça la condition qui n'a pas été respectée."

Un discours irrecevable pour Raphaël Romano, installé en Nouvelle-Calédonie depuis vingt ans, militant du rapprochement entre tous les Calédoniens. Il a même créé l'association Un cœur, une voix, pour l'élargissement du corps électoral : "Je suis pour le vivre-ensemble et je l'ai toujours été. Ceux qu'il faut condamner, ce sont les criminels et c'est une poignée de jeunes délinquants. Lorsque les forces de l'ordre tentent d'interpeller des personnes recherchées, elles ne se rendent pas, et les responsables politiques indépendantistes qui auraient la possibilité de leur demander de se rendre ne le font pas. C'est terrible."

"La mayonnaise est en train de remonter"

D'après Louis, le militant kanak, le problème initial n'a pas changé : "Ce qui a mené à une escalade de violence du 13 mai jusqu'à aujourd'hui, ce n'est qu'un seul sujet, c'est le sujet du corps électoral."

"Retirez ce texte et on fera revenir la vie normale."

Louis, militant kanak

à franceinfo

Si le calme était largement revenu à Nouméa, ces dernières semaines, les habitants de la région confirment ce regain de tension. Comme Tristan, qui vit dans l'est de la capitale, à quelques kilomètres seulement de Saint-Louis : "Depuis ce matin, on ressent par la présence de la police, de la gendarmerie un peu partout que ça repart suite aux événements de Saint-Louis. Il y a eu quelques départs de feu dans Nouméa et aux alentours. J'ai vu pas mal de gens faire le plein de courses, de nouveau, cet après-midi. Donc là, on a un peu tous les ingrédients pour nous dire que la mayonnaise est en train de remonter."

Les autorités s'y attendaient, à l'approche du 24 septembre, date anniversaire du rattachement de la Nouvelle-Calédonie à la France. Dès demain d'ailleurs, le couvre-feu (toujours en vigueur depuis les émeutes de mai), débutera plus tôt : à 19h, sur tout le territoire.

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