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Le "oui mais non" des Français à la voiture électrique

Avec la subvention annoncée pour l'achat de voitures "propres", le gouvernement souhaite développer l'intérêt pour la filière électrique. Mais de nombreux préjugés persistent.

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un homme recharge des Twizy, les voitures électriques de Renault, le 3 avril 2012 à Valladolid (Espagne). (CESAR MANSO / AFP)

Jamais une voiture silencieuse n'avait fait autant de bruit. Depuis que le gouvernement a présenté son plan de soutien au secteur automobile, la voiture électrique revient sur le devant de la scène en France. Le bonus promis par l'Etat pousse de nombreux automobilistes à se poser la question d'investir dans l'électrique selon Europe 1. Mais le marché français est encore à la traîne. Seules 2 271 automobiles électriques ont été vendues dans l'Hexagone au premier semestre 2012. Car si la voiture électrique a bien quelques torts, en France elle subit aussi de nombreux préjugés.

"La voiture électrique, c'est une tortue avec des roues"

FAUX Pour soutenir l'idée que l'électrique vaut le thermique, les bolides électriques sont souvent mis en avant, comme le concept-car présenté par Metro, capable de passer de 0 à 100 km/h en 2,8 secondes, et d'atteindre les 305 km/h. Aujourd'hui, pour la voiture électrique de série, la vitesse maximale se situe entre 110 et 130 km/h. Suffisant pour rouler partout, y compris sur autoroute. Les amateurs d'excès de vitesse sont en revanche bridés par les limites du moteur électrique qui utilise plus son énergie pour l'autonomie que pour la vitesse.

Mate Rimac, constructeur de la Concept_One, voiture électrique capable d'atteindre les 305 km/h, à Francfort (Allemagne), le 14 septembre 2011. (THOMAS KIENZLE / AFP)

MAIS...Comme le décrit un automobiliste sur Automobile Propre.com, la voiture électrique classique est en fait plus conçue pour les zones urbaines et péri-urbaines, où elle exploite son pouvoir d'accélération, supérieur à celui des voitures thermiques classiques, comme le détaille le rapport du Centre d'analyse stratégique daté de juin 2011.

"Pfff, au bout de 100 kilomètres, c'est la panne"

FAUX Le manque d'autonomie est une des principales critiques qui visent le véhicule électrique. La peur de la panne est, selon Le Nouvel Observateur, un sentiment qui s'empare immédiatement du nouveau conducteur. Principal argument opposé : le déplacement de l'automobiliste français dépasse rarement les 30 km par jour en moyenne. Alors qu'une voiture électrique peut rouler jusqu'à 200 km sans recharge.

MAIS... Il est vrai que cette autonomie s'érode en fonction de la vitesse. Et qu'elle est franchement réduite (parfois de 25%) si on utilise la climatisation. Impossible donc de penser à partir sur l'autouroute des vacances en plein mois d'août à bord d'une voiture "propre".

Le vrai défi de la voiture électrique réside donc dans l'évolution des batteries. Encombrantes (entre 150 et 250 kilos dans le coffre) et trop rapidement déchargeables, les batteries lithium-ion (Li-ion) ne sont pas encore adaptées aux pratiques modernes. Mais selon Automobile Propre, les constructeurs mobilisent leurs équipes "recherche et développement" sur des batteries nouvelle génération. Et certains modèles comme la Furtive eGT, sortie en 2012 par la marque française Exagon Motors, annonce déjà une autonomie de 400 km. Ce pourrait même être 800 km pour la danoise QBeak, dévoilée par Futura-sciences.com.

"En plus, recharger la batterie est une grosse galère"

VRAI C'est l'un des constats du gouvernement : le réseau français de bornes de recharge pour voitures électriques est insuffisant, comme le montre la carte de France mobilité électrique.org. L'Etat va donc investir 50 millions d'euros pour augmenter ce réseau dans plusieurs grandes agglomérations. Mais l'autre gros problème est celui de la charge à domicile. Brancher la voiture à une prise de courant classique via un adaptateur fourni avec le véhicule n'est qu'une solution de dépannage. Pour des raisons de sécurité, il est conseillé d'installer une borne de chargement, de type "wallbox", comme l'explique le site de Renault. Un équipement coûteux qui nécessite avant tout d'avoir un garage privé et du temps, car la durée de chargement depuis une prise électrique peut dépasser les deux heures.

MAIS... Là encore, les techniques de charge évoluent. Volvo teste actuellement un système intelligent qui détermine et personnalise la charge de la voiture, faisant gagner du temps et de l'argent au conducteur comme le détaille voitureélectrique.net. Par ailleurs, le même site explique qu'un chercheur a réussi à réduire à 5 minutes le temps de chargement complet d'un véhicule, ouvrant la voie à la création de stations de recharge express. Enfin, certaines marques comme Renault ont misé sur un système baptisé Quick Drop, qui permet d'échanger sa batterie quand elle est vide, comme on va faire le plein d'essence avec une voiture thermique.

"De toute façon, ça marchera jamais, c'est beaucoup trop cher"

VRAI Le dernier coup de pouce gouvernemental vise à réduire le prix de vente de voitures électriques trop chères, comme le détaille Challenges. Jusqu'ici, acheter une petite citadine électrique revenait à payer aussi cher qu'une grande berline d'entrée de gamme. Avec les 7 000 euros de bonus à venir, les prix des électriques devraient connaître une baisse, accentuée par une nouvelle stratégie : déduire le prix de la batterie, soit à peu près 6 000 euros. Mais en fait, cette batterie est louée par le constructeur au client, comme le fait Renault, pour environ 80 euros par mois.

En revanche, l'argument du prix au kilomètre fait mouche. Pour 100 km parcouru, cela revient à un peu moins de deux euros d'électricité, soit sept fois moins cher que pour un véhicule essence.

MAIS... Aux Etats-Unis, le prix des voitures tout électrique a augmenté mais les chiffres de vente ont doublé au premier semestre 2012 avec plus de 42 000 véhicules achetés. En 2011 déjà, la croissance du secteur de la voiture électrique était de 18%. En mars, le président américain, Barack Obama, a lancé le "Grand challenge du véhicule électrique" comme le détaille le site de la Maison Blanche, avec pour objectif de devenir leader mondial du secteur d'ici 2020.

Au pays où l'automobile est reine, on croit à une transformation du marché et les constructeurs comme General Motors et Chevrolet ont investi dans l'électrique. Mais les modèles vendus s'adressent aux automobilistes fortunés qui en font leur voiture d'appoint. Et pour l'heure, si les prix sont élevés, c'est parce que les coûts de production le sont aussi. Aux Etats-Unis comme en France, les aides publiques aux fabriquants ne sont pas suffisantes pour entrainer une mutation industrielle rapide et profonde. En fait, comme le décrit un spécialiste énergétique pessimiste sur Slate, l'avenir de la voiture électrique, c'est peut-être la voiture sans conducteur.

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