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François, alias "Jean-Paul IV", le pape qui exaspère déjà les tradis

Les premiers signaux envoyés par le pape François aux fidèles du monde entier vont à l'encontre des attentes des plus conservateurs.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le pape François célèbre une messe dans la chapelle Sixtine, au Vatican, le 14 mars 2013. (OSSERVATORE ROMANO / AFP)

"Il a l'air sympathique", "il a une bonne tête", "il est plus souriant que Benoît XVI" etc. Au lendemain de l'élection du pape François, le monde a découvert, étonné, la personnalité de Jorge Mario Bergoglio, ancien archevêque de Buenos Aires (Argentine), propulsé par les cardinaux à la tête de 1,2 milliard de catholiques. Parmi eux, certains attendent du pape qu'il modernise l'Eglise, d'autres déplorent son conservatisme sur certains sujets, ou alimentent la polémique sur son passé trouble sous la dictature argentine.

Sur les forums, les tradis, eux, s'agacent. Et pour cause, les premiers signaux envoyés par François aux fidèles du monde entier vont à l'encontre de leurs attentes. A plus d'un titre. 

Un désaccord visible à l'œil nu

Dès mercredi soir, le pape François a profité de sa première apparition publique au balcon de la basilique Saint-Pierre, au Vatican, pour envoyer un certain nombre de messages sur la façon dont il aborde son pontificat : "Croix pectorale moderne, pas d'étole en arrivant : le combat continue !!!", décrypte Benedictus sur un forum catholique traditionnel, tandis qu'Orignal flaire le pape "progresso" [pour progressiste].

Un choix vestimentaire lourd de sens pour ces militants d'un retour à l'avant Vatican II, le texte de rénovation de l'Eglise qui a enteriné, en 1965, des principes réformistes, tels l'abandon de la messe en latin ou la simplification de la liturgie. 

Pour Michael Brendan Dougherty, correspondant pour The American Conservative (en anglais) et auteur d'un éditorial publié par Slate, "il s'agit sans doute du pire choix possible, pour tous ceux qui voient dans la nouvelle liturgie une atteinte à la profondeur théologique et à la beauté rituelle de la messe tridentine." Autrement dit, François n'a que faire du retour aux sources qu'ils prônent. "Quelques petits accrocs dans la tradition liturgique opérés lors de l'annonce de son élection pourraient aussi annoncer un pontificat à la Jean-Paul II, fait d'indiscipline et de tâtonnements ; un reproche tacite fait à Benoît XVI", décrypte-t-il.

L'élection de "Jean-Paul IV"

Ainsi, parce qu'il s'inscrit dans la continuité de Jean-Paul II, puis de Benoît XVI, François est rebaptisé "Jean-Paul IV" par un autre internaute. Pas franchement un compliment : "On a vu apparaître 'Jean-Paul IV' en simple soutane blanche, pourtant entouré de cardinaux en mozette [courte pèlerine portée par certains ecclésiastiques]", relève-t-il. Et quand il s'incline, demandant à la foule sa bénédiction ? "C'est exactement comme si 'Jean-Paul IV' avait demandé au 'peuple de Dieu' son investiture avant de prendre l'étole pastorale symbole d'autorité, une fois l'investiture reçue. Voilà qui promet..." 

"La libération de la messe traditionnelle en latin, voulue par Benoît XVI, et les révisions faites à la nouvelle messe vernaculaire, n'ont absolument pas été appliquées dans le propre diocèse du cardinal Bergoglio", accuse à son tour Michael Brendan Dougherty.

"Ce n'est pas un pape qui va aller dans le sens des traditionalistes", confirme à francetv info Christine Pedotti, intellectuelle catholique, auteure de Faut-il faire Vatican III ?"Ils prônent l'idée que l'Eglise doit se refermer sur sa tradition la plus ancienne et ne pas se mêler à la vie des hommes et des femmes de ce temps pour se consacrer au seul culte de Dieu", indique-t-elle. "Ainsi, tout chez lui les horrifie : qu'il ne veuille pas porter les ors, l'hermine et le pourpre, ou qu'il veuille être au plus près des pauvres, allant à l'encontre de leur croyance selon laquelle il faut être soumis à son autorité."

Des prises de positions décriées

Si dans une volonté d'unifier les branches du catholicisme, Benoît XVI a tendu la main aux lefebvristes [catholiques autonomes et réunis au sein de la Fraternité Saint-Pie-X], rappelle Le Figaro.fr, les tradis ne semblent pas attendre grand chose de l'Argentin. Certains notent, "dans les positifs", qu'il est contre le mariage des homosexuels, mais s'exaspèrent de voir dans le passé du nouveau pape des exemples de sympathie à l'égard des autres religions. Une photo du Saint-Père "en train de se faire bénir par des pasteurs protestants" est publiée : "l'horreur", commente un autre. 

Quant aux  "sédévacantistes", un courant traditionaliste très minoritaire (lequel considère qu'aucun pape légitime n'a été élu depuis la disparition de Pie XII en 1958, explique Slate.fr), ils considèrent François comme un nouvel imposteur dans le siège de Saint-Pierre. "Habent 'papam' ! Ils ont un pape", ont titré certains blogs mercredi. 

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