Les nouvelles règles de Meta autorisant à traiter les personnes LGBT de "malades mentaux" sont-elles applicables en France ?

Ces modifications des principes de modération ont été mises en place début janvier aux Etats-Unis, mais ne sont conformes ni au droit français, ni au droit européen.
Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le 7 janvier 2025, le géant des réseaux sociaux Meta, dirigé par Mark Zuckerberg, a modifié ses politiques de modération de contenus. (DREW ANGERER / AFP)

"Dégoûtante !" La nouvelle politique de modération sur les plateformes de Meta, annoncée mardi 7 janvier par Mark Zuckerberg, patron du groupe, a suscité l'indignation sur les réseaux sociaux. "Les nouvelles directives de Meta ne permettent pas de traiter les personnes de malades mentales – à moins qu'elles ne soient LGBT+", a déploré mercredi le compte collectif LGBWithTheT, sur X. Des échanges sur une messagerie interne du groupe, consultés par 404 media, témoignent aussi de la colère d'une partie des employés de Meta qui racontent "le choc et l'incrédulité".

Cette nouvelle règle est en effet écrite noir sur blanc. Franceinfo a consulté vendredi la page des normes communautaires de Meta, à savoir "ce qui est et n'est pas autorisé sur Facebook, Instagram, Messenger et Threads". Dans la sous-catégorie "conduite haineuse", il est explicitement mentionné que le groupe autorise "les allégations de maladie mentale ou d'anormalité lorsqu'elles sont fondées sur le genre ou l'orientation sexuelle, compte tenu du discours politique et religieux sur le transgendérisme et l'homosexualité et de l'utilisation courante et non sérieuse de mots tels que 'bizarre'".

Qualifier de "bizarre" ou "malade mentale" une personne en raison de son orientation sexuelle ou son identité de genre sera donc toléré par l'équipe de modération de Meta. Il s'agit d'une exception à la règle, qui interdit d'insulter des personnes en invoquant leurs facultés mentales, en raison de leur race, origine ethnique ou nationale, handicap, appartenance religieuse, caste, maladie grave... ce que Meta considère comme des "caractéristiques protégées" (CP). Selon un document interne de formation de Meta, cité par le média The Intercept, dire que "les homosexuels sont des pécheurs", que les "gays sont des monstres", que "les personnes transgenres sont immorales" serait aussi toléré, mais il resterait interdit de dire que "les lesbiennes sont tellement stupides"

"C'est un très mauvais signal et cela risque d'aggraver les choses. Ce n'est pas comme si Meta s'était déjà montré très efficace" en matière de modération des propos haineux, réagit auprès de franceinfo Maud Royer, présidente de l'association féministe Toutes des femmes. "Meta emploie [dans sa nouvelle politique] le terme de 'transgendérisme', qui n'est pas le terme utilisé par les communautés trans et la médecine [transidentité]. Il est l'équivalent de 'l'idéologie transgenre' en France. Ce n'est pas un terme neutre", souligne l'activiste.

Des propos illégaux au regard des droits européen et français

La nouvelle politique de modération de Meta s'applique-t-elle à la France ? Le groupe écrit sur son site que ses "normes communautaires s'appliquent à tous, partout dans le monde et à tous les types de contenus". Il est toutefois précisé que les utilisateurs "résidant dans un pays de l'Union européenne" peuvent demander la suppression légale d'un contenu à Facebook ou à Instagram, s'ils considèrent qu'il enfreint les lois sur les discours haineux en vigueur dans leur pays.

Si cette nouvelle politique était appliquée telle quelle en France, celle-ci constituerait "une violation du droit européen et du droit français", estime Valère Ndior, en vertu du règlement européen sur les services numériques, ou Digital Services Act (DSA), et de l'article 225-1 du Code pénal qui "prohibe les comportements discriminatoires basés sur le genre, l'ethnicité et l'orientation sexuelle". En effet, le DSA, qui fixe depuis 2024 les obligations des plateformes en matière de modération de contenus, leur interdit de "faire preuve de négligence ou de défaillance sur les contenus illicites" au regard du droit national, rappelle le professeur de droit.

Un virage conservateur

Ce changement de politique de modération est l'un des nombreux gestes de Mark Zuckerberg pour s'attirer les faveurs de Donald Trump, élu président des Etats-Unis en novembre. Le revirement conservateur de Meta prévoit également l'arrêt de ses opérations de fact-checking aux Etats-Unis et leur remplacement par des notes de contexte, semblables à celles utilisées sur le réseau social X.

Dans une vidéo publiée mardi, le patron du géant de la tech a affirmé vouloir "mettre fin à un certain nombre de limites concernant des sujets, tels que l'immigration et le genre, qui ne sont plus dans les discours dominants". Pour lui, le dernier scrutin a été un "point de bascule culturel" donnant "la priorité à la liberté d'expression".

"Il y a fréquemment eu des modifications de politiques de modération chez Meta, une à deux fois par an. Il s'agissait d'accéder à des demandes de régulation par différents pays pour établir une meilleure protection des publics aux 'caractéristiques protégées"", explique à franceinfo Valère Ndior, professeur de droit public à l'Université de Bretagne occidentale. "C'est à mon sens la première fois qu'on voit un retour en arrière, un recul en la matière", constate-t-il.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.