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La fin de la neutralité du net "briderait les capacités d'innovation de tout un tas d'acteurs sur le réseau"

Olivier Tesquet, journaliste à Télérama, spécialiste des cultures numériques, était l'invité de franceinfo jeudi pour analyser les conséquences de la fin de la neutralité du net qui pourrait être entérinée aux Etats-Unis.

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Un manifestant avec une pancarte "sauvez la neutralité du Net" à Boston, aux États-Unis, le 7 décembre 2017. (RYAN MCBRIDE / AFP)

La Commission fédérale américaine des communications (FCC) devrait mettre fin à la neutralité du net. Cette règle oblige les fournisseurs d'accès internet à traiter tous les services en ligne de la même manière. Si elle est abolie, elle autoriserait en théorie les fournisseurs à moduler la vitesse de débit internet à leur guise, ce qui fait craindre à certains un Internet à deux vitesses.

"Cette fin de la neutralité du net briderait les capacités d'innovation de tout un tas d'acteurs commerciaux, citoyens, institutionnels sur le réseau", a déclaré jeudi 14 décembre sur franceinfo Olivier Tesquet, journaliste à Télérama, spécialiste des cultures numériques. "Il y a une pression, un lobbying assez intense" des fournisseurs d'accès français pour mettre fin à cette neutralité du net, "il faut donc rester vigilant sur cette question", a-t-il prévenu.

franceinfo : est-ce la philosophie même d'internet qui est mise à mal ?

Olivier Tesquet : Oui absolument, on fait souvent l'analogie avec le réseau autoroutier. Aujourd'hui, les informations sur internet seraient comme des voitures qui circulent toutes à la même vitesse et selon les mêmes règles. La fin de cette neutralité du Net signifierait qu'on aurait d'un côté une voie rapide sur laquelle on aurait des contenus priorisés parce que les services qui l'empruntent auraient payé un coût supplémentaire, et de l'autre un trafic congestionné de petites voitures qui n'auraient pas les mêmes moyens que les grosses berlines. La fin de la neutralité du net signifie qu'en rehaussant de manière très sensible le prix du ticket d'entrée, tous les services qui n'auront pas les moyens de payer ce surcoût et de rivaliser avec de très gros opérateurs seront purement et simplement éliminés du jeu. Cette fin de la neutralité du net briderait les capacités d'innovation de tout un tas d'acteurs commerciaux, citoyens, institutionnels sur le réseau.

Pourrait-il y avoir plusieurs types d'abonnements ?

Oui, on pourrait tout à fait imaginer que des services particulièrement gourmands en bande passante soient surfacturés par les fournisseurs d'accès. On a de plus en plus de fournisseurs d'accès qui sont eux-mêmes des producteurs de contenus. Quand on a les tuyaux et les contenus qu'on met à l'intérieur de ces tuyaux, on peut imaginer que ces contenus-là seront priorisés et in fine l'internaute pourrait avoir accès à moins d'informations que la configuration actuelle. En France, s'agissant de la neutralité, on est plutôt dans une logique de sanctuarisation quand on entend le discours de l'Arcep [Autorité de régulations des communications électroniques et des Postes], mais les fournisseurs d'accès français mettent eux aussi la pression pour qu'on revienne sur certains fondamentaux. Je dirais qu'il faut rester vigilant sur cette question.

Pourrait-il y avoir un internet à deux ou plusieurs vitesses ?

On dit souvent un internet à deux vitesses, mais ce serait un internet à autant de vitesses qu'il y a d'opérateurs. Le danger est de revenir sur cette définition fondamentale sur laquelle tout le monde s'accorde, y compris le régulateur français [l'Arcep ] qui se désole un peu de la décision qui pourrait être prise aux Etats-Unis. Les fournisseurs d'accès réclament ce type de mesures depuis longtemps et en France ils ne disent pas autre chose. Quand vous écoutez Stéphane Richard [PDG d'Orange], il explique qu'avec les débits que réclament certains services émergents aujourd'hui, il faut donc penser à des "internets" à plusieurs vitesses avec des offres différenciées. Il y a une pression, un lobbying assez intense.

Neutralité du Net : "Il y a une pression, un lobbying assez intense."

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