La Corée du Nord, ce monde merveilleux et belliqueux
Le Conseil de sécurité de l'ONU, réuni en urgence à huis clos a "condamné" le lancement d'une fusée par la Corée du Nord. Francetv info tente de décrypter la propagande d'un des derniers pays totalitaires au monde.
ASIE-PACIFIQUE - La Corée du Nord a réussi à lancer une fusée dans l'espace, mercredi 12 décembre. Comme il l'a déjà fait cette année, le pays mène ses essais balistiques, se moquant des avertissements des Etats-Unis et de ses alliés, notamment du Japon.
Ce succès inquiète la communauté internationale. Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni mercredi après-midi, et a "condamné" le lancement de la fusée "qui constitue une violation des résolutions 1718 et 1874". Ce succès va également permettre à Kim Jong-un, le dirigeant nord-coréen, de bomber le torse et peut-être de gagner ses galons de leader. Francetv info tente de décrypter la propagande d'un des derniers pays totalitaires au monde.
Un culte de la personnalité poussé à l'extrême
La communication nord-coréenne adopte une "grammaire visuelle fantasque et hors du temps lorsqu'elle est vue de l'Occident", commente le blog du Monde, Big Browser. Il en va de même pour ses dirigeants, autour desquels est développée toute une mythologie très fleurie.
Kim Jong-il, une naissance saluée par un arc-en-ciel
Ainsi, l'ancien leader nord-coréen et père de l'actuel chef de l'Etat, mort le 17 décembre 2011, aurait été salué dès sa naissance par une étoile et un arc-en-ciel. Il est présenté comme un homme capable d'exploits incroyables, dont Le Nouvel Observateur fait la liste. Ce golfeur hors pair aurait par exemple réussi à faire cinq trous en un seul coup...
Kim Jong-un, "un génie des génies" militaires...
Depuis la mort de son père, Kim Jong-un est au cœur d'une intense campagne de propagande orchestrée par les médias officiels, les seuls autorisés à émettre. Le même procédé que celui utilisé pour son père lors de la mort de son grand-père, Kim Il-sung.
Kim Jong-il était l'"enfant général", "ayant grandi dans des vêtements imprégnés de l'odeur de la poudre", Kim Jong-un devient le "génie des génies" en matière de stratégie militaire. La télévision d'Etat soutient qu'il a rédigé sa première thèse dans ce domaine à l'âge de 16 ans.
... qui a pris un côté people
Mais les Nord-Coréens croient-ils encore les messages déversés par les médias officiels ? "Il y a une aura charismatique qui s'est perdue de transmission en transmission", répond à francetv info l'historien Pierre Rigoulot, spécialiste de l'histoire du communisme. Il souligne que Kim Jong-un a modifié de "très petites choses" dans la façon dont le chef de l'Etat se montre. Selon lui, le dirigeant a adopté un "côté people".
En effet, le leader s'est notamment montré avec son épouse "comme un chef d'Etat occidental", en train de regarder un spectacle avec des personnages de Disney ou dans un parc d'attraction. Pierre Rigoulot rappelle que Kim Jong-un a 28 ans, qu'il a fait une partie de ses études en Suisse et qu'il a conscience de devoir changer l'image du pays.
Un message militaire plein d'aplomb
La Corée du Nord dispose d'une armée pléthorique : 1,2 million d'hommes sur une population totale de 24 millions d'habitants, ce qui en fait l'un des effectifs les plus importants de la planète.
Une armée conséquente, que le régime n'hésite pas à mettre en scène, et face à laquelle Kim Jong-un tient, depuis son arrivée, une position ferme. Le jour de l'annonce de la mort de Kim Jong-il, le régime a annoncé le test de deux missiles à courte portée.
En mars, l'armée a fait une démonstration de force. Un mois plus tard, lors d'une immense parade militaire, le dirigeant promet "la victoire finale" :
De quelle victoire s'agit-il ? "On aimerait le savoir, répond Pierre Rigoulot. Il fait peut-être référence à son grand-père qui rêvait d'une Corée prospère, sans ennemi. Il y a un aspect économique dans cette déclaration."
Pourtant, deux jours avant ces propos, Pyongyang avait essuyé un revers cinglant en lançant une fusée qui s'était ensuite désintégrée. Mais si le régime a reconnu un "échec", il ne s'est pas laissé décourager.
Après avoir reçu, en juin, des véhicules lance-missiles livrés par la Chine, comme le rapportait RFI, Pyongyang s'est vanté en octobre de pouvoir frapper les Etats-Unis. Sûr de lui, le régime s'est dit prêt à affronter n'importe quel ennemi, "capacité nucléaire contre capacité nucléaire, missile contre missile". Des menaces balayées par les spécialistes qui évoquaient un énième coup de "bluff". Mais le succès du dernier tir a fait un peu taire les sceptiques. Kim Jong-un va pouvoir plastronner.
Pas de quoi pourtant soulever les foules et acquérir une crédibilité forte, selon Pierre Rigoulot. "Certes, il y a une progression mais ils ont encore du chemin à faire pour envoyer une fusée sur Washington [la capitale américaine]". Il explique également qu'"il y a trente ans, la population dans son ensemble y croyait. Aujourd'hui, ce n'est pas tout à fait pareil : elle a un écho de ce qui se passe à l'extérieur, et il est difficile de faire croire que c'est le paradis dans le pays".
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