Législatives : combat fratricide pour Christian Vanneste dans le Nord
Privé de l'investiture UMP pour ses dérapages sur l'homosexualité, le député sortant affronte celui qu'il considère comme son "fils spirituel" dans la 10e circonscription. Reportage.
En piste pour un quatrième mandat de député dans sa 10e circonscription du Nord, Christian Vanneste arpente, lundi 28 mai, la braderie d'Halluin, à l'extrême nord de la métropole lilloise. Il y parle de l'insécurité, de ces petits délinquants qui jouent avec la frontière pour échapper à la police et qui exercent "une pression insupportable sur les petits commerces". L'homme se montre fidèle à ses valeurs de droite conservatrice, sur un terrain où Nicolas Sarkozy a obtenu 53,19% des voix au second tour de la présidentielle.
Cette année, la joute législative aura forcément une saveur amère pour Christian Vanneste. Après un nouveau dérapage sur l'homosexualité, l'UMP a décidé de lui retirer l'investiture et de l'accorder à un jeune élu de Tourcoing, Gérald Darmanin, un de ses anciens très proches collaborateurs. "C'est moi qui l'ai installé en 2008 à la tête de l'opposition à Tourcoing. C'était mon fils spirituel, la personne en qui j'avais le plus confiance", livre Christian Vanneste d'une voix chevrotante avant de se ressaisir : "Allez, il ne faut pas faire trop d'affectif en politique, il paraît que c'est mauvais."
"A 65 ans, n'a-t-il pas fait son temps ?"
Gérald Darmanin, lui, ne donne pas dans l'émotion. A 29 ans, il a déjà tout d'un professionnel de la politique : les mandats (conseiller municipal et régional), l'expérience parisienne (dernier poste en date : directeur de cabinet de l'ancien ministre des Sports David Douillet), le réseau (il envoie aux électeurs des lettres de soutien de Xavier Bertrand et François Fillon), et une parfaite maîtrise de la langue de bois. "Moi, un ancien collaborateur de Monsieur Vanneste ? Trouvez-moi les fiches de paie !", sourit-il froidement devant sa permanence pendant que ses équipes s'affairent à imprimer les documents de campagne.
Grâce à son jeune âge et à son discours millimétré, le candidat constitue l'antiportrait de Christian Vanneste. "Il a pu être un bon député, mais à 65 ans, n'a-t-il pas fait son temps ?", questionne Gérald Darmanin, qui s'évertue à expliquer que la droite n'est pas divisée, lui seul étant "le candidat officiel de l'UMP". Dans le local, Salim, un militant de 57 ans, se dit "bien plus à l'aise avec Darmanin qu'avec Vanneste, qui s'est beaucoup trop droitisé".
"Un petit apparatchik carriériste parisien"
Christian Vanneste, lui, n'en finit pas de ruminer les raisons qui ont poussé l'UMP à le priver d'investiture. "Je n'ai dit que la vérité sur la déportation des homosexuels. Quand Serge Klarsfeld a dit que j'avais raison, tout le monde a bien vu que ceux qui m'ont attaqué n'étaient que des ignares. Est-il normal que le grand parti de la droite refuse le débat sur une question éthique comme l'homosexualité ?", s'émeut-il, glissant au passage qu'il a porté plainte pour diffamation contre Eva Joly, qui l'aurait traité de "négationniste".
Dans son combat contre celui qu'il a surnommé un temps "le petit apparatchik carriériste parisien", Christian Vanneste peut compter sur l'appui des maires divers droite de quatre communes de la circonscription : Roncq, Bousbecque, Neuville-en-Ferrain et Linselles. Mais aussi sur le représentant local du Nouveau Centre (désavoué depuis par Paris), et sur l'ancien frontiste Christian Baeckeroot, candidat FN à toutes les élections législatives dans cette circonscription de 1988 à 2007.
Duel, triangulaire, quadrangulaire ?
Entre Christian Vanneste et Gérald Darmanin, le leadership à droite s'annonce plus qu'incertain. Entre les deux tours, l'un s'effacera-t-il au profit de l'autre ? Le député sortant esquisse un possible rapprochement : "Pourquoi voudriez-vous que je fasse un cadeau à la gauche ?" Pour le candidat UMP, en revanche, la question n'est pas d'actualité. Lui pense que le second tour offrira un duel classique UMP-PS, "car les gens voteront en fonction des étiquettes".
En fait, bien malin qui peut prévoir la configuration du second tour. "Avec les candidats FN et PS, il y a quatre gros candidats. Ça peut faire une quadrangulaire, relève un bon connaisseur de la circonscription. En tout cas, il y aura une triangulaire, c'est sûr." Reste à savoir avec qui, et dans quel ordre. Jean-Richard Sulzer, le "monsieur économie" du Front national et conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais, promet d'être un candidat coriace. L'an dernier, il a réuni 26% des voix aux élections cantonales de Tourcoing-Nord. De quoi lui donner confiance et "la certitude d'être au second tour".
Le morcellement de la droite pourrait profiter à la candidate socialiste, Zina Dahmani, en cas de triangulaire avec le FN. Au cours d'un porte-à-porte dans un quartier populaire, l'adjointe au maire de Tourcoing dit garder un œil très distant sur ses concurrents : "Ce qui se passe à droite est désolant. Je trace mon sillon et je ne m'en occupe pas."
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