JO de Paris 2024 : comment la qualité de l'eau de la Seine a perturbé le triathlon depuis un an

L'épreuve masculine du triathlon prévue mardi a été reportée à mercredi pour "raisons sanitaires". Un coup dur pour les organisateurs, après des mois de travaux pour faire nager les sportifs dans le fleuve.
Article rédigé par franceinfo
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Des personnes participent à la baignade dans la Seine avec Anne Hidalgo, maire de Paris, le 17 juillet 2024, dans le centre de la capitale. (VICTORIA VALDIVIA / HANS LUCAS / AFP)

Le pari était-il trop risqué ? Alors que les organisateurs ne cessaient de répéter leur "confiance" dans la possibilité de faire nager les athlètes des Jeux olympiques dans la Seine, l'épreuve masculine du triathlon, prévue mardi 30 juillet, a finalement été reportée au lendemain en raison d'une eau encore trop polluée. Un coup dur pour les équipes de Paris 2024, qui travaillent depuis des mois, de concert avec les autorités, pour rendre le fleuve de nouveau baignable, un peu plus d'un siècle après l'interdiction prise par un arrêté préfectoral. 

Coup dur aussi pour la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, contrainte d'annuler une prise de parole programmée mardi à l'issue de la course. L'élue avait prévu de souligner la réussite du plan baignade, lancé par les pouvoirs publics en 2016 dans la perspective des JO et au-delà.

Depuis l'organisation des épreuves tests, en août 2023, jusqu'à ce report du triathlon, franceinfo vous raconte en sept actes ce feuilleton à rebondissements de la baignabilité de la Seine. 

1 En août 2023, la Seine accueille ses premiers nageurs (et ses premières annulations)

Le 17 août 2023, à moins d'un an du début des JO, sous le soleil parisien, la Britannique Beth Potter remporte le test event de triathlon. Le lendemain, la course hommes est remportée par un autre Britannique, Alex Yee. Il s'en est fallu de peu pour que la Seine accueille enfin ses premiers nageurs. Au début du mois, les orages et les fortes pluies avaient d'abord entraîné l'annulation d'une manche de Coupe du monde de natation en eau libre. Les 19 et 20 août, ce sont cette fois les épreuves de nage du paratriathlon et du relais mixte qui sont supprimées, à cause d'un nouvel épisode de pollution du fleuve. Les fortes intempéries du milieu de l'été, ainsi que le dysfonctionnement d'une vanne des égouts parisiens, sont désignés par les autorités comme les sources de ces pics de pollution

2 En janvier 2024, franceinfo révèle que les normes sanitaires pour la baignade sont loin d'être atteintes

Pour savoir à quel point l'eau de la Seine a été polluée à l'été 2023, franceinfo passe en revue les résultats des analyses municipales et les conclusions des autorités sanitaires. Verdict : entre le 19 juillet et le 30 septembre, la qualité de la Seine a été mauvaise 47 jours sur 70. Les mesures réalisées lors des compétitions de triathlon en août montrent que les nageurs ont été autorisés à se baigner malgré des normes dépassées, notamment celles de concentration en E. coli et entérocoques. Présentes en grand nombre dans les matières fécales, ces bactéries rendent la baignade dangereuse si elles sont repérées en trop grande quantité dans l'eau, avec le risque d'attraper des gastro-entérites ainsi que des maladies de la peau. Les organisateurs se défendent alors en expliquant que les résultats étaient arrivés trop tard pour annuler les test events.

3 En avril, une étude d'une ONG confirme la pollution des eaux de la Seine

A près de 100 jours du début des Jeux, une nouvelle étude plombe l'ambiance. Des prélèvements réalisés par l'ONG Surfrider Fondation au niveau du pont de l'Alma et du pont Alexandre-III depuis septembre 2023 confirment la présence de bactéries à des niveaux qui dépassent les normes fixées par la Fédération internationale de natation. Selon cette étude, les seuils de qualité de l'eau se dégradent particulièrement après des épisodes pluvieux de très forte intensité, qui font saturer les égouts et poussent à des rejets d'eaux usées dans la Seine.

La préfecture d'Ile-de-France fait alors valoir que les travaux ne sont pas terminés et que toutes les péniches du fleuve doivent encore être raccordées au réseau d'assainissement d'ici les JO pour rendre la Seine baignable. "Je ne suis pas du tout inquiet, nous serons au rendez-vous de cet été 2024", assure Pierre Rabadan, l'adjoint à la maire de Paris chargé du dossier. 

4 Début mai, le bassin d’Austerlitz, "star" du plan baignade, est inauguré

A trois mois du début de la compétition, le bassin de stockage des eaux usées et pluviales d'Austerlitz est inauguré. Cette cathédrale souterraine, dont la construction a coûté la vie à un ouvrier en 2023, est la "star" du plan baignade de la Seine. "En gros, c'est une salle d'attente pour les eaux de pluie, pour éviter la saturation des égouts en attendant que ces eaux soient traitées puis rejetées", expose un responsable des travaux dans le documentaire Au cœur des Jeux. "On peut aujourd'hui stocker 100 000 m3 de plus à Paris", ajoute-t-il. En cas de gros orage, ce dispositif ne suffira pas, préviennent toutefois les autorités.

5 Fin juin, la Seine n'est toujours pas prête

Début juin, par souci de transparence, la Ville de Paris lance des analyses quotidiennes des eaux de la Seine, confiées à un laboratoire indépendant. A la fin du mois, les relevés montrent des concentrations en bactéries fécales en forte hausse par rapport aux deux semaines précédentes. Les autorités pointent les "pluies", un débit "six fois plus" élevé que d'ordinaire, un "faible ensoleillement" et "des températures en dessous des normes de saison". De quoi reporter une des répétitions de la cérémonie d'ouverture, ainsi que le plongeon historique d'Anne Hidalgo dans la Seine. 

6 Mi-juillet, Amélie Oudéa-Castéra et Anne Hidalgo se jettent à l'eau

Le 16 juillet, à dix jours de la cérémonie d'ouverture, enfin une bonne nouvelle : la Seine est désormais baignable, selon des relevés datés du 4 juillet de l'ONG Surfrider Foundation. Pour la première fois, les concentrations en bactéries Escherichia coli et entérocoques sont inférieures aux seuils préconisés par les autorités de santé et les fédérations sportives. Sans attendre cette annonce, trois jours plus tôt, la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques avait plongé dans le fleuve, en compagnie du porte-drapeau de l'équipe de France paralympique, le paratriathlète Alexis Hanquinquant. 

Le 17 juillet, Anne Hidalgo tient sa promesse et s'immerge à son tour dans la Seine, accompagnée du patron de Paris 2024, Tony Estanguet, et du préfet d'Ile-de-France, Marc Guillaume. "La baignade dans la Seine, certains en ont rêvé, beaucoup en ont douté, et nous, nous l'avons fait !", se réjouit l'élue. Mais, quelques jours plus tard, franceinfo révèle que les seuils de concentration en bactéries ont été dépassés le jour de la baignade de la maire de Paris.

7 Fin juillet, les entraînements de triathlon sont annulés et l'épreuve masculine reportée

Le jour et le lendemain de la cérémonie d'ouverture, des trombes d'eau tombent sur la capitale, n'augurant rien de bon pour la suite. Comme redouté, la Seine est trop polluée pour accueillir les athlètes. Dimanche 28 et lundi 29 juillet, les entraînements sont annulés. Mardi, la tendance se confirme : l'épreuve masculine ne peut se tenir et est reportée au lendemain pour "raisons sanitaires". "On l'a appris à 4 heures du matin, les athlètes étaient déjà au petit-déjeuner et bien lancés dans l'avant course", raconte à franceinfo Benjamin Maze, le directeur technique national de l'équipe de France.

Le feu vert sera-t-il finalement donné mercredi ? Rien n'est moins sûr, car des orages et des pluies sur plusieurs heures sont prévus mardi soir par Météo-France. Si la Seine n'a pas retrouvé les critères de baignabilité d'ici à la fin de la semaine, le triathlon aura lieu vendredi, mais sans natation, aucun lieu de repli n'ayant été prévu. La course sera alors transformée en duathlon.

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