Canicule : "La probabilité des vagues de chaleur a été multipliée à cause du changement climatique", explique le climatologue Jean-Noël Thépaut
Les vagues de chaleur vont encore s'accentuer, mardi 18 juillet, dans certaines parties de l'hémisphère nord. Des températures dépassent déjà les 40°C en Italie, frôlant même les 48°C en Sardaigne, des régions d'Espagne se situent à 15°C au-dessus des normales saisonnières, tandis que des records pour un mois de juillet sont attendus aux Etats-Unis et déjà tombés en Chine. Pour franceinfo, Jean-Noël Thépaut, directeur de Copernicus, le service européen consacré au changement climatique, analyse ce phénomène
Franceinfo : Qu'observe-t-on, en ce moment, au niveau des températures dans l'hémisphère nord ?
Jean-Noël Thépaut : Cette zone est plus chaude en moyenne globale puisque l'on atteint des températures de plus de 23°C. Il y a plusieurs endroits où l'on voit également des vagues de chaleur : au niveau du sud des Etats-Unis, de la Méditerranée et de l'Afrique du Nord, mais aussi de la Chine où l'on a battu des records récemment. On voit déjà l'empreinte du changement climatique. On ne parle plus du futur, on est dedans.
Que se passe-t-il exactement en Europe ?
Il y a un phénomène météorologique, tout d'abord. Un anticyclone s'est mis en place et se déplace légèrement dans l'Est avec des pressions très, très fortes. On appelle ça un dôme de chaleur. C'est comme une cloche sous laquelle les températures augmentent jour après et jour et il y a peu d'échanges avec la circulation générale autour. Cela se traduit par un fort ensoleillement et une forte pression. Cela dure plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Le côté extraordinaire, c'est que les extrêmes que l'on voit commencent à battre des records. Ce dôme se greffe sur un climat qui est en train de changer.
Quelles sont les explications de ces vagues de chaleur ?
Il n'y a pas forcément de corrélation entre les différentes vagues. Elles peuvent se produire n'importe où et de manière décorrélée. Par contre, avec cette température qui est plus élevée que durant les décennies passées, chaque extrême est plus extrême qu'avant. Les études portant sur l'attribution d'un événement extrême au changement climatique ou à la variabilité naturelle montrent que la probabilité des vagues de chaleur, comme celle que l'on a connue au printemps, a été multipliée à cause du changement climatique.
Est-ce que le phénomène d'El Niño aggrave ces vagues de chaleur ?
El Niño, c'est un phénomène océanique de grande échelle qui fait partie de la variabilité naturelle du système Terre. Ce qui se passe, c'est que l'on a un réchauffement des eaux océaniques tropicales dans l'est du Pacifique. Le phénomène El Niño a tendance à augmenter la température de 0,1 ou 0,2°C sur toute la planète. La causalité ou la corrélation entre El Niño et le changement climatique n’est pas bien établie. Par contre, cela rend les choses encore un peu plus spectaculaires.
Il est un petit peu tôt pour dire qu'El Niño a un impact sur ce que l'on voit cet été au niveau de la Méditerranée. En général, l'impact est relativement limité au niveau de l'Europe. Le pic d'El Niño devrait se produire à la fin de l'année : 2024 risque de voir encore des records s'établir puisqu'on aura une planète réchauffée de manière naturelle de 0,2°C par rapport à la température déjà augmentée avec le réchauffement climatique.
On a tous en mémoire l'été dernier marqué par des fortes chaleurs, des incendies et la sécheresse. Est-ce que l'on s'oriente vers un été similaire ?
Les jours et les semaines qui viennent vont faire de juillet un mois très chaud, c'est quasiment certain. Avec El Niño, les études montrent qu'il y a 80% de chances que l'année 2023 soit la plus chaude. Il y a une tendance à l'assèchement des sols, ce qui signifie aussi moins d'évaporation qui refroidit. Maintenant, c'est difficile de s'engager et de dire que l'été 2023 sera de même nature que l'été 2022.
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