Canicule : quels sont les risques de la chaleur pour la santé (et comment s'en prémunir) ?
La France connaît une vague de chaleur particulièrement précoce cette semaine. Alors que les températures flirtent avec les 40 °C, les risques de problèmes de santé parfois graves et mortels augmentent.
Si vous habitez dans l'hexagone, la température risque de mettre votre organisme à rude épreuve dans les prochains jours. Une vague de chaleur particulièrement précoce, favorisée par le réchauffement climatique causé par l'activité humaine, déferle sur le territoire depuis mercredi 15 juin et doit durer jusqu'au week-end. Météo France a placé 23 départements en vigilance orange "canicule" mercredi.
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Dès les premières hausses du mercure, le corps cherche à conserver une température centrale stable, autour de 37 °C, à la manière d'un thermostat. Quand la chaleur extérieure s'approche des 40 °C, comme c'est déjà le cas dans plusieurs régions de France, le risque que l'organisme s'emballe s'accroît. Chez les populations les plus fragiles bien sûr, mais aussi chez les personnes en bonne santé. Franceinfo se penche en détail sur les conséquences sanitaires d'une telle hausse des températures.
Les plus fragiles ne sont pas les seuls concernés
Pour réguler sa propre chaleur, le corps humain met en place des mécanismes qui lui demandent non seulement de l'énergie, mais aussi de grandes facultés d'adaptation. C'est la raison pour laquelle les personnes âgées ou affectées de pathologies chroniques, les enfants, les nourrissons ou encore les femmes enceintes figurent parmi les personnes plus fragiles face à ces événements.
Chez les personnes âgées, le nombre des glandes sudoripares – qui produisent la sueur – diminue avec l'âge, affectant la capacité du corps à se rafraîchir. Nos aînés sont aussi moins sensibles à la sensation de soif et peuvent donc ne pas se rendre compte qu'ils manquent d'eau. Quant aux nourrissons, ils se déshydratent plus vite, car l'eau représente, à la naissance, 80% de leur masse corporelle, contre 60% chez les adultes.
A ces critères de vulnérabilité physique s'ajoutent des risques liés aux circonstances, à l'activité, voire au statut social. "Les personnes qui travaillent en extérieur, ou celles qui travaillent ou vivent dans des bâtiments avec une mauvaise isolation thermique, présentent un risque plus important de souffrir de conséquences d'une vague de chaleur. D'autant plus si elles sont isolées", explique Alicia Pillot, médecin généraliste dans l'Isère et membre de l'Association santé environnement France et de l'Alliance santé planétaire. "D'où l'importance d'être attentif aux personnes fragiles et/ou isolées autour de nous. Et, si l'on est concerné soi-même, de demander de l'aide."
Car la chaleur tue, et pas seulement des personnes âgées. Dans son bulletin annuel publié à l'issue de l'été 2019 – au cours duquel deux canicules étendues et intenses ont frappé la France –, Santé publique France établit un lien entre la surmortalité et les fortes chaleurs. L'organisme relève que, "si la classe d’âge des plus de 75 ans est la plus touchée, les tranches d’âges 15-44 ans et 65-74 ans le sont également." Cette année-là, "12 accidents du travail mortels en lien possible avec la chaleur ont été notifiés par l’inspection médicale du travail, dont cinq survenus durant les vagues de chaleur", poursuit le rapport.
Au total, entre 2014 et 2019, Santé publique France a attribué 5 700 décès à des vagues de chaleur en France métropolitaine. Auxquels s'ajoutent 5 200 passages aux urgences pour des coups de chaud, dont 1 500 enfants, et 5 900 pour déshydratation, dont 3 500 personnes âgées.
La chaleur favorise des pathologies très variées
Le coup de chaleur "est celui qu'on redoute le plus", explique Alicia Pillot. "Il s'agit d'un dépassement des capacités de régulation de la température du corps, qui passe par la déshydratation – avec la perte de l'eau et des sels minéraux par la transpiration – et une augmentation de la température excessive", explique la médecin généraliste.
Il se manifeste principalement "sous la forme d'un épuisement par la chaleur, avec des nausées, des maux de tête, des vertiges, de la fatigue", liste-t-elle. En cas de survenue de ces symptômes, "il faut vraiment se rafraîchir, se réhydrater et demander de l'aide si besoin, avertir son entourage ou consulter son médecin. Car des symptômes de ce type peuvent se dégrader assez vite chez des personnes fragiles." Dans la forme la plus grave du coup de chaleur, qui touche surtout les plus vulnérables, "on a une fièvre à plus de 40 °C et des troubles neurologiques graves, comme des hallucinations, des convulsions ou le coma", avertit Alicia Pillot.
Les risques cardio-vasculaires augmentent également en période de forte chaleur, y compris dans la population générale, explique la médecin. Elle cite par exemple les accidents vasculaires cérébraux et les maladies thromboemboliques, telles que les phlébites et les embolies pulmonaires. "Du fait de la déshydratation, le sang va être plus concentré et va plus facilement former des caillots", explique-t-elle.
Enfin, la chaleur expose celles et ceux qui souffrent d'une maladie chronique à "une décompensation". Maladies cardio-vasculaires, problèmes rénaux, diabète, maladies neurologiques et psychiatriques... "Toutes sont beaucoup plus à risque de se compliquer ou de connaître des événements aigus", prévient Alicia Pillot. La déshydratation affecte aussi les reins, ce qui fait courir un risque accru de coliques néphrétiques.
Des facteurs environnementaux aggravent les risques
"Les épisodes de chaleur créent un énorme stress sur le corps", explique Alicia Pillot. Or, "plus les épisodes se répètent, se rapprochent ou durent longtemps, plus on risque d'épuiser les fonctions du corps", résume-t-elle. Stress du corps, mais aussi de l'esprit. "On observe davantage de décompensations de maladies psychiatriques ou de tentatives de suicides, et plus de risque d'agressivité, notamment chez les personnes déjà fragiles", relève la soignante.
Par ailleurs, la chaleur s'accompagne souvent d'épisodes de pollution en milieu urbain. Les habitants courent alors un risque accru "de crise d'asthme ou de décompensation de maladies respiratoires chroniques, comme les bronchites", prévient Alicia Pillot. Plus les températures extrêmes "s'accumulent et s'aggravent", plus elles s'accompagnent "de symptômes allergiques qui peuvent être extrêmement gênants, comme des rhinites et des conjonctivites."
Les vagues de chaleur posent aussi des défis collectifs. Les conséquences de la canicule sur la santé risquent d'accroitre la pression sur le système hospitalier, où les soignants alertent sur leurs difficultés depuis plusieurs mois, en particulier aux urgences. Dans ce contexte, "la prévention et la solidarité sont essentielles", insiste la médecin généraliste, pour "ne pas arriver à une situation qui nécessite des soins importants."
Enfin, le réchauffement climatique et l'avenir qu'il réserve aux jeunes générations inquiètent Alicia Pillot. La température moyenne a déjà augmenté de 1,1 °C par rapport à l'ère pré-industrielle. Compte tenu du retard pris dans les politiques de transition écologique, les modèles scientifiques nous placent "sur une trajectoire de +2,5 °C ou +3 °C d'ici à 2100", craint-elle. "A ce stade, les effets des canicules seront sans commune mesure".
Des conseils peuvent aider à se protéger
Deux principes sont essentiels : s'hydrater et rester au frais. Les autorités sanitaires recommandent d'éviter de sortir aux heures les plus chaudes, de baisser autant que possible la température de son logement, ou de passer plusieurs heures par jour dans un lieu frais (cinéma, bibliothèque municipale, supermarché, musée...).
Il est aussi préconisé de boire régulièrement de l'eau, sans attendre d'avoir soif, et de se rafraîchir. "Il faut se mouiller, tout simplement", résume Alicia Pillot. "Même par-dessus les vêtements. Le faire plusieurs fois par jour en ne se séchant pas, c'est vraiment efficace". "Il ne faut pas oublier de manger non plus", avertit la médecin généraliste. "Si on a du mal, on peut privilégier des aliments riches en eau : des fruits et légumes frais, des soupes froides, des compotes... Et manger plus souvent, quitte à manger de moins grosses quantités."
Pour les parents de nourrissons, il faut être attentif aux symptômes de la déshydratation : une perte de poids, une somnolence ou de l'apathie, une sécheresse des muqueuses, des yeux enclavés ou cernés, les fontanelles enfoncées ou encore le fait que le bébé urine moins que d'habitude. "Pour les enfants au biberon, on conseille de proposer de l'eau entre les biberons de lait, que l'on continue de donner au rythme habituel", détaille Alicia Pillot. Ceux qui sont allaités n'ont pas besoin d'eau supplémentaire si "on leur propose bien les tétées à la demande". Elle conseille en revanche aux mamans qui allaitent de "boire beaucoup d'eau et se reposer".
Enfin, la médecin conseille de donner régulièrement des nouvelles à des proches, et de solliciter de l'aide si besoin – notamment auprès de la mairie pour les personnes isolées. En cas de questions ou si des symptômes surviennent, la ligne téléphonique gratuite Canicule info service est accessible au 0800 06 66 66.
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