: Infographie Fréquence, intensité... Quel est l'impact du réchauffement climatique sur les ouragans ?
Si les ouragans ne sont pas forcément plus nombreux ou intenses, ils causent de plus en plus de dégats, comme l'explique un climatologue du CNRS à franceinfo.
José, Katia et Irma sèment la terreur sur l'Atlantique. Ces trois ouragans étaient en activité au même moment dans les Antilles et le golfe du Mexique, jeudi 7 septembre. Parmi eux, Irma a été classé en catégorie 5, la plus élevée. Cette situation est-elle exceptionnelle ? Franceinfo vous explique comment le réchauffement climatique, et l'élévation de la température des océans de 0,6 °C depuis 1960, modifie ces phénomènes météorologiques dévastateurs.
Des ouragans pas forcément plus fréquents
Les ouragans sont-ils en train de déferler sur les océans à un rythme de plus en plus effréné ? "Non, on n’observe pas d’augmentation significative des ouragans dans le monde, assure à franceinfo Robert Vautard, climatologue au CNRS. L'observation climatique par satellite ne remonte qu'à quelques décennies. On constate des variations, mais on ne peut pas en tirer tout de suite des conclusions."
En effet, les données les plus fiables remontent à 1966. Date à laquelle le Centre américain des ouragans (NHC) a commencé à compiler des images satellites quotidiennes pour alimenter sa base de données. Cela permet de connaître le nombre et l’intensité des ouragans depuis 50 ans dans l'océan Atlantique.
Les quelques prévisions émises par le chercheur sont même surprenantes. "Sur le nombre de cyclones, on ne prévoit pas un changement important, peut-être même une diminution mais on parle d'un très petit nombre." Toutefois, la prudence est de mise puisque techniquement "les modèles de simulation de climats ne sont pas assez précis. On a encore des progrès à faire", souligne Robert Vautard.
Une hausse d'intensité sur le long terme
Irma bat des records : des rafales de vent à 360 km/h, vigilance violette de Météo France et puissance évaluée à 5 sur l'échelle Saffir-Simpson... "Des cyclones d'une intensité plus grande sont l'une des conséquences attendues du changement climatique", assure de son côté Valérie Masson-Delmotte, membre du Giec, groupe de référence au niveau mondial sur le climat. 'Plus la température de l'eau et le taux d'humidité sont élevés, plus le cyclone peut prendre de l'intensité. Or, ces deux éléments sont plus intenses du fait de l'augmentation de l'effet de serre, explique la climatologue. On considère qu'il y a 7% d'humidité en plus dans l'atmosphère par degré de réchauffement."
Toutefois, Robert Vautard se montre plus mesuré et estime qu'il est impossible de dire avec certitude qu'Irma est le signe avant-coureur d'une montée en puissance des ouragans. "Sur l'intensité, nous n'avons pas assez de recul, précise le chercheur du CNRS. On voit tout de même une hausse légère pour les cyclones en Atlantique, mais il est encore trop tôt pour conclure à une évolution climatique des cyclones de manière plus globale."
Attention aussi à ne pas surintépréter un phénomène exceptionnel comme Irma. "A chaque fois qu’on bat un record, on se demande si on peut parler de phénomène… mais malheureusement, parfois les situations exceptionnelles arrivent aussi", nuance le climatologue.
Des dégâts de plus en plus importants
Difficile de mesurer l'impact du réchauffement climatique sur le nombre ou la puissance des ouragans. Mais sur les dégâts, oui. "Plus l'atmosphère est chaude, plus les pluies sont intenses. Et c'est ce à quoi on assiste avec le réchauffement climatique", détaille Robert Vautard.
Même si la puissance du vent reste la même, les pluies, elles, seront plus intenses. Sans oublier le risque de submersion des côtes qui augmente avec la hausse du niveau de mer. "La conséquence la plus certaine du réchauffement climatique tient aux pluies et à la hausse du niveau de la mer, alerte le chercheur. Les dégâts seront donc plus importants même si le niveau de vent est de même intensité."
La hausse, variable selon les régions du globe, a été en moyenne de 20 cm au XXe siècle et pourrait atteindre jusqu'à un mètre à l'horizon 2100. Or, les cyclones produisent aussi une houle qui génère des "marées de tempête". Les deux effets conjugués contribueront à exposer davantage constructions et populations côtières.
S'il est encore impossible de mesurer les dégâts causés par l'ouragan Irma, "les 95% de l'île [de Saint-Martin] sont détruits", a déploré Daniel Gibbs, président de la collectivité de Saint-Martin, joint par Radio Caraïbes international. Venrdedi 8 septembre, le patron de la Caisse centrale de réassurance (CCR), réassureur public spécialisé dans les catastrophes naturelles en France, a affirmé que le coût des dégâts provoqués par l'ouragan Irma aux Antilles françaises devrait être "bien supérieur" à 200 millions d'euros. Quelques jours auparavant, c'est l'ouragan Harvey qui avait ravagé une partie du Texas. La facture pourrait s'élever au fil des mois à plus de 100 milliards de dollars, selon les élus américains.
Des ouragans qui se déplacent vers les pôles
Autre conséquence avérée du réchauffement climatique : le déplacement des phénomènes cycloniques. "Les résultats d’une étude récente montrent que les endroits où les cyclones sont les plus intenses se décalent vers les pôles. On parle de 50 à 100 km tous les dix ans. C’est assez lent mais non négligeable", estime Robert Vautard. Les ouragans devraient ainsi se déplacer au nord et au sud de leur zone d'activité représentée ci-dessous et toucher des zones qui n'étaient pas concernées jusqu'alors.
Des travaux montrent, selon Météo France, que "la latitude à laquelle les cyclones ont atteint leur intensité maximale a migré vers les pôles au cours des 35 dernières années dans les deux hémisphères". "Les régions un peu plus au nord pourraient voir plus d’impact de cyclone qu’aujourd’hui", conclut le climatologue du CNRS.
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