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"On a embarqué sans connaître notre destination" : un humanitaire français raconte son évacuation de Kaboul par les forces américaines

Avant que Paris ne déploie des renforts militaires pour faciliter le départ de ses ressortissants, quelques-uns d'entre eux ont été évacués par les forces américaines. Un responsable français d'une ONG en Afghanistan raconte son évacuation.

Article rédigé par Louisa Benchabane
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des soldats américains montent la garde à l'aéroport de Kaboul (Afghanistan), le 16 août 2021. (WAKIL KOHSAR / AFP)

De ses dernières heures à Kaboul, Pierre-Nicolas Van Aertryck garde l'image des longues rues embouteillées causées par les départs précipités à l'annonce de la conquête de la capitale par les talibans. Le responsable des ressources humaines d'une ONG en Afghanistan était parmi les derniers ressortissants étrangers à quitter ses bureaux. "C'était dur de laisser derrière nous nos projets, partir dans la précipitation sans avoir le temps de dire au revoir à nos collègues afghans. On était tristes de laisser les équipes avec lesquelles nous travaillons derrière nous, mais aussi les bénéficiaires de nos soins", raconte à franceinfo Pierre-Nicolas Van Aertryck.

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Après la prise de Kaboul par les talibans, dimanche 15 août, l'évacuation des Français vivant en Afghanistan s'est organisée dans l'urgence. L'ambassade française a signalé aux expatriés la nécessité de quitter les lieux et a transféré des membres de son personnel diplomatique à l'aéroport pour organiser les évacuations. Avant que Paris ne déploie des renforts militaires aux Émirats arabes unis pour faciliter le départ de ses ressortissants, certains d'entre eux ont été évacués par les forces américaines.

"Nous nous sommes rendus avec deux collègues à l'ambassade de France, à la demande des responsables, relate Pierre-Nicolas Van Aertryck. Les expatriés ont plié bagage en une heure, emportant le strict nécessaire. "On avait déjà nos sacs d'urgence, qui étaient prêts pour ce genre de situation." Sur la route, malgré les embouteillages, le Français n'a pas été témoin des scènes de panique observées quelques heures plus tard, et qu'il ne découvrira qu'une fois hors du pays. 

"On était dans une bulle"

Une fois arrivés à l'ambassade française, les trois expatriés ont attendu quelques heures, avant d'être conduits à l'ambassade des Etats-Unis, puis d'être transportés en hélicoptère vers l'aéroport de Kaboul. "Nous n'avons pas vu toutes les scènes de cohue à l'aéroport. On était comme dans une bulle."

La nuit tombée, les trois hommes sont priés d'embarquer rapidement à bord d'un avion-cargo américain. "Je ne me suis même pas posé la question de savoir où l'avion allait. On a embarqué dans le premier vol, sans connaître notre destination. Tout ce qui comptait, c'était de quitter le pays, la destination était secondaire", confie-t-il. À bord de l'avion-cargo "bondé", il est entouré principalement de militaires américains. Le voyage se fait assis à même le sol, pendant plusieurs heures. 

"Pendant le vol, on a su qu'on se dirigeait vers Doha, où nous sommes en ce moment, sur une base militaire américaine. On ne sait pas quand on pourra quitter les lieux, mais l'idée est de prendre un nouveau vol, sûrement vers le Koweït pour ensuite pouvoir être libres de voyager."

Pierre-Nicolas Van Aertryck

franceinfo

"Très concrètement, l'idée est de se stabiliser pour faciliter la vie de l'ONG qui s'inquiète pour notre sécurité, on va sûrement retrouver nos pays respectifs et voir comment la situation évolue. On verra ensuite s'il est possible de retourner" en Afghanistan, assure-t-il.

Un possible retour ?

"Les talibans n'ont pas montré d'hostilité à l'égard des ONG qui apportent des soins sur place, ils savent que l'on garde notre indépendance dans les conflits", explique le Français. D'autant que l'organisation est présente depuis quarante ans dans le pays et a déjà travaillé du temps où le mouvement islamiste fondamentaliste gouvernait déjà le pays.

En Afghanistan, 38% de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon l'ONG Oxfam. En 2020, sur 38 millions d'habitants, 10 millions de personnes ont un accès limité ou nul aux soins de santé primaires. Par ailleurs, 5,5 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire sévère, ont un accès limité ou nul aux soins de santé primaires et 5,5 millions sont en situation d’insécurité alimentaire. "Les gens sont désespérés, le pays est à bout à cause de la sécheresse, du Covid-19 et d'un système de santé quasi-inexistant, estime Pierre-Nicolas Van Aertryck. On espère qu'on pourra continuer d'apporter notre soutien indépendamment de tout conflit. Les prochaines semaines nous le diront."

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