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Incendies : l’Algérie est "totalement débordée" mais refuse l’aide de certains voisins pour des raisons "très politiques", explique un politologue

Kader Abderrahim déplore l'impuissance des pouvoirs publics face aux incendies qui ravagent le pays dépuis le début de la semaine et ont déjà causé la mort de 41 civils et 28 militaires.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un homme et une femme observent un incendie à proximité, dans les collines boisées de Kabylie (Algérie), le 11 août 2021. (RYAD KRAMDI / AFP)

Le nord de l'Algérie est ravagé par des incendies qui ont fait au moins 69 morts. Le pays est "totalement" débordé, selon le politologue Kader Abderrahim. Egalement directeur de recherches à l’IPSE, l’Institut de prospective et de sécurité en Europe, et maître de conférences à Sciences-Po, il explique sur franceinfo jeudi 12 août que si l’Algérie accepte l’aide de pays comme la France, elle n’accepte pas, pour le moment, celle de pays voisins comme le Maroc, pour une question "très politique". Il estime par ailleurs que "l’isolement diplomatique" de l’Algérie n’a "pas permis au régime d’agir comme il le fallait" face à ces incendies.

franceinfo : La France envoie de l'aide. Le Maroc, voisin de l'Algérie, est prêt à le faire. Mais Alger n'a pas encore donné son feu vert. Pourquoi ?

Kader Abderrahim : La rivalité entre les deux pays est très ancienne, quasiment depuis l'indépendance. Ajoutez à cela les déclarations, il y a quelques semaines, de représentants du Maroc à l'ONU, pour faire un peu écho à la bataille que se livrent les deux pays à propos du Sahara, qui ont réclamé l'autodétermination pour les Kabyles. Donc il y a cette rivalité et une surenchère diplomatique, une surenchère de mots qui aujourd'hui obère les relations et l'intégration régionale, l'intégration maghrébine dans un contexte, on le voit aujourd'hui, qui est quand même tragique.

"Ajourd'hui l'Algérie est en faillite."

Kader Abderrahim

à franceinfo

La question est donc davantage politique avant d'être humanitaire, alors qu'il y a urgence ?

Oui, clairement. Elle est aujourd'hui très politique, très diplomatique. On voit bien que l'Algérie est totalement débordée à la fois par la tragédie des incendies de forêt auxquels nous assistons, impuissants, mais également débordée par la pandémie de Covid. Il en va de la gestion des incendies de forêt, comme de tout le reste dans ce pays. Sans mauvais jeu de mots, je dirais que c'est l'Algérie qui brûle, c’est métaphoriquement et peut-être philosophiquement, la situation réelle du pays qui se trouve dans une impasse sur le plan politique et qui se trouve également isolé, même s’il pourra sans doute bénéficier de la solidarité de ses voisins comme la France, l'Italie, l'Espagne, la Tunisie, bien qu'elle soit elle aussi dans une situation délicate, qui ont proposé de venir en aide à l'Algérie.

On entend la colère dans certaines zones comme la Kabylie, prise de court par ces feux où les secours ont tardé à intervenir. Selon vous, pouvoir algérien est-il coupable de négligence ?

Il est clair que l'isolement diplomatique et l'impasse politique n'ont pas permis au régime algérien de réagir comme il le fallait, ni d'anticiper. Parce que ça fait très longtemps que l'Algérie est concernée. Et ajoutez à cela ce qu'on appelle en Algérie, depuis maintenant des années, "la mafia du foncier", ces enjeux sur les terres, notamment les terres arables, qui constituent un enjeu extrêmement important dont on parle très peu, mais qui, dans les coulisses, constitue le véritable enjeu.

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