Prise d'otages en Algérie : 30 otages et 11 islamistes tués, selon un bilan provisoire
Selon l'agence nationale algérienne APS, l'assaut aurait permis de ne contrôler qu'une partie du complexe d'In Amenas. Francetv info revient sur le déroulement de cette prise d'otages.
Plusieurs centaines de personnes captives de plusieurs nationalités, au moins une quarantaine de morts, dont au moins onze assaillants, deux jours d'incertitudes et plusieurs heures d'un assaut mené par l'armée algérienne : la prise d'otages revendiquée par le groupe jihadiste des "Signataires par le sang" sur un site gazier d'In Amenas, dans le sud-est de l'Algérie, demeure à plus d'un titre exceptionnelle.
A l'approche du dénouement de ce tragique évènement, dont le bilan faisant état de 30 otages et 11 assaillants tués est encore provisoire vendredi 18 janvier, francetv info revient sur son déroulement.
Acte 1 : une prise d'otages à l'aube sur un site gazier
Mercredi à l'aube, des hommes ont lancé une attaque contre un bus transportant vers l'aéroport des employés du complexe gazier d'In Amenas. Selon le quotidien algérien El Watan, qui cite des sources locales, il s'agissait d'"une colonne d'une dizaine de pick-up, transportant de nombreux hommes armés et enturbannés".
L'assaut a été repoussé par les unités qui escortaient le bus, mais il a fait deux morts (un Algérien et un Britannique), selon l'agence officielle algérienne APS, citant une source préfectorale. Après cette tentative, le ministère de l'Intérieur algérien a expliqué qu'"un groupe de terroristes fortement armés, arrivés à bord de trois véhicules, a investi mercredi à 5 heures la base-vie de Sonatrach à Tigantourine".
Un employé algérien du site, interrogé par RFI, a raconté avoir entendu des tirs dans la matinée. "Ça a duré plus de deux heures et demie, a-t-il raconté à la radio. C'étaient les terroristes qui envahissaient la base." Selon un autre témoignage, recueilli par Le Monde.fr, les assaillants portaient des "combinaisons militaires" "pour tromper les gens sur place". Ce dernier témoin a confirmé que les expatriés étaient particulièrement pris pour cible : "Après avoir pris contrôle de la base de vie, les terroristes ont fait une fouille de toutes les chambres à la recherche d'otages, mais surtout à la recherche d'expatriés."
Acte 2 : l'attaque est revendiquée
Quelques heures plus tard, l'attaque est revendiquée. "Nous appartenons à la brigade Khaled Aboul Abbas Mokhtar Belmokhtar", indiquent les terroristes. Ils se présentent alors comme la katiba des "Signataires par le sang", une brigade jihadiste commandée par Mokhtar Belmokhtar, alias "Le Borgne", ancien du Groupe islamique armé (GIA) puis du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) devenu en 2007 Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
En juin 2012, il a annoncé sa rupture avec Aqmi afin de créer le groupe armé des "Signataires par le sang". Mokhtar Belmokhtar, dont la vocation est d'aider à la consolidation du règne de la charia dans le nord du Mali, avait alors mis en garde contre toute opération étrangère dans la région.
Un porte-parole des assaillants a confirmé que cette opération intervenait "en réaction à l’ingérence flagrante de l’Algérie autorisant l’usage de son espace aérien par l’aviation française pour mener des raids contre le nord du Mali".
Acte 3 : l'armée algérienne est déployée
Dans la journée de mercredi, l'armée algérienne a pris position autour de cette vaste base. Selon un témoin, interrogé sur RFI, ce déploiement aurait interrompu le processus d'évacuation des otages algériens. "Quand [les preneurs d'otages] ont vu que l'armée algérienne avait pris position, ils ont changé de politique, a-t-il raconté. Ils ont séparé les otages, avec les expatriés d'une part, et les Algériens ont été emmenés dans le foyer."
Certains otages, "essentiellement des Algériens", ont cependant été relâchés "par petits groupes" dès mercredi après-midi, selon le site Tout sur l'Algérie.
Actes 4 : le flou sur le nombre d'otages et leur nationalité
Si les témoignages de rescapés indiquent que les expatriés étaient particulièrement visés par les terroristes, leur nombre et leur nationalité ont fait l'objet de nombreuses déclarations contradictoires. Les assaillants ont indiqué dès mercredi détenir 41 otages étrangers, "dont sept Américains, des Français, des Britanniques et des Japonais". En France, le Quai d'Orsay n'avait pas, à ce stade, confirmé la présence de ressortissants français.
Pour Pierre Servent, journaliste spécialisé dans les questions de sécurité, invité des "4 Vérités", jeudi sur France 2, l'objectif d'une telle opération de la part du groupe jihadiste était d'"internationaliser le conflit malien", en misant sur les retombées médiatiques du drame. Le même jour, en Algérie, les éditorialistes ont reproché au gouvernement algérien sa léthargie alors que le débat autour de la participation de l'Algérie à la guerre au Mali prend de l'ampleur.
Acte 5 : l'assaut est lancé
Sans doute de peur que les islamistes ne déplacent les otages, les forces d'intervention algériennes ont lancé l'assaut jeudi. L'initiative, jugée parfois précipitée par les pays dont des ressortissants figurent parmi les otages, est critiquée, notamment par le Japon, tandis que Washington demande des "éclaircissements". A Paris, François Hollande, qui a annoncé la présence de Français sur le site, a évoqué un dénouement dans "des conditions dramatiques".
Acte 6 : l'opération semble se prolonger
Selon Reuters, qui cite jeudi soir une source de sécurité algérienne, 30 otages auraient été tués dans l'assaut des forces algériennes, parmi lesquels figureraient au moins un Français, huit Algériens, deux Japonais et deux Britanniques. Mais la nationalité de 15 autres victimes demeure inconnue à cette heure, précise Reuters. Tokyo a par ailleurs annoncé que trois otages japonais avaient été libérés et 14 portés manquants.
Enfin, au moins 11 preneurs otages seraient morts. Un ressortissant français figurerait parmi eux, toujours selon la source de sécurité, ce qui porte à deux le nombre de Français tués connu pour l'instant. Dans ce groupe figureraient deux Algériens, dont le chef du commando jihadiste, Tahar ben Chened, de même que trois Egyptiens, deux Tunisiens, deux Libyens et un Malien, poursuit Reuters, alors que l'opération se prolonge dans la nuit.
Selon l'agence nationale algérienne APS, seul "le site de vie", où se trouve la majorité des otages, serait neutralisé. L'assaut n'aurait donc permis que de contrôler une partie du complexe d'In Amenas.
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