Corruption, négligence, lenteur… Au Kenya, les autorités pointées du doigt après l'attaque de Garissa
Les reproches contre l'exécutif kenyan ne cessent de s'accumuler après l'attaque de l'université de Garissa, qui a fait 148 morts.
"Une négligence qui frise l'acte criminel." Le quotidien kenyan Daily Nation (en anglais) ne mâche pas ses mots. Quelques jours après l'attaque de l'université de Garissa par les shebabs somaliens, le journal – comme beaucoup de familles de victimes – charge violemment les autorités du pays, dans un éditorial publié samedi 4 avril.
Lenteur des forces d'intervention, corruption de la police, incapacité à lutter contre la radicalisation des locaux... Les griefs contre le gouvernement sont nombreux. Francetv info revient sur les faiblesses des autorités kenyanes, mises en évidence par l'attentat qui a fait 148 morts.
Plusieurs heures avant l'arrivée des forces spéciales
Premier reproche fait aux autorités, la lenteur de leur réaction lors de l'attaque de l'université de Garissa, jeudi 2 avril. Il a ainsi fallu près de sept heures avant que l'équipe d'intervention spéciale contre le terrorisme ne se rende sur place ! "Les hommes armés qui ont tué des dizaines d'étudiants avec un plaisir évident ont pu prendre tout leur temps", déplore le Daily Nation, qui pointe du doigt une "incompétence bureaucratique" ayant ralenti les forces d'intervention.
Selon le quotidien, l'inspecteur général et le ministère de l'Intérieur n'auraient en outre pas prévu assez de transports pour secourir les étudiants durant l'attaque. "La responsabilité ultime revient au président Kenyatta, qui avait juré de protéger les vies des Kenyans et a nommé ces responsables", enfonce le Daily Nation.
Les risques d'attentats sous-estimés par les autorités
Les autorités auraient par ailleurs ignoré la menace constituée par les islamistes shebabs. La semaine précédant le drame, plusieurs facultés du pays avaient mis en garde les étudiants chrétiens contre une possible attaque des islamistes somaliens, rapporte le magazine Time (en anglais). Le Royaume-Uni et l'Australie avaient même déconseillé à leurs ressortissants de se rendre au Kenya, par crainte d'un acte terroriste. Réponse du président Uhuru Kenyatta ? "Le Kenya est aussi sûr que n'importe quel autre pays dans le monde." Une affirmation lancée mercredi 1er avril, la veille de l'attentat, rappelle Le Parisien.
La déclaration semble d'autant plus malheureuse que la menace terroriste n'est pas qu'extérieure. Le premier assaillant identifié par le ministère de l'Intérieur était un jeune Kenyan d'origine somalienne, diplômé de la faculté de droit de Nairobi. Son père avait signalé sa disparition en 2013, soupçonnant le jeune homme "de s'être rendu en Somalie".
Les autorités peinent depuis plusieurs années à endiguer la radicalisation des Kenyans, qui représenteraient la majorité des combattants étrangers parmi les shebabs, rapporte le Huffington Post (en anglais). Selon un ancien chef de la police, cité par le site américain, des centaines de jeunes iraient ainsi s'entraîner aux côtés des islamistes somaliens, avant de repasser la frontière.
La corruption faciliterait la progression des islamistes
Une frontière facile à franchir. "Il est évident que la police kenyane est l'institution la plus corrompue de ce pays, estime Abdullahi B. Halakhe, un chercheur d'Amnesty international installé à Nairobi, dans les pages de Time. Les gens qui veulent traverser la frontière payent moins de 200 dollars et ils peuvent le faire." "Cette corruption ancrée dans le système de sécurité permet aux shebabs de se déplacer librement à travers le pays et de perpétrer de tels actes facilement", insiste l'activiste kenyan Boniface Mwangi, dans un message posté sur Facebook (en anglais), vendredi 3 avril.
Dans son discours en hommage aux victimes de l'attaque, samedi 4 avril, le président Uhuru Kenyatta a lui aussi condamné "la pire et la plus criminelle des corruptions, lorsque les Kenyans financent, cachent et recrutent pour le compte des shebabs". Il a en outre promis une réponse "sévère" à l'attaque de l'université de Garissa, note CNN (en anglais). Une promesse qui ne suffira sans doute pas à faire oublier son attitude ambiguë. Le chef d'Etat, qui n'a annoncé aucune mesure pour renforcer la sécurité du pays après l'attentat, ne s'est toujours pas rendu sur les lieux du drame.
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