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Les producteurs de lait du Burkina Faso cherchent des idées en Auvergne

L'Afrique de l'Ouest aimerait augmenter son autonomie laitière, estimée à seulement 50% des besoins des pays de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cédéao).

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Pas de repas sans lait au Burkina Faso, consommé ici dans une calebasse (photo prise le 27 février 2017). (ANTOINE BOUREAU / PHOTONONSTOP)

"Chez nous les Peuls, un repas n'est pas complet s'il ne se termine pas avec du lait" : pour encourager la production de "lait local" au Burkina Faso, Moktar Diallo, gérant d'une mini-laiterie dans la capitale Ouagadougou, est venu chercher des idées dans les montagnes de l'Auvergne, en plein centre de la France. La région a accueilli de nombreux participants africains lors du Sommet de l'élevage en octobre 2019 près de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

Eleveurs ou ministres de l'Agriculture de pays sahéliens y ont multiplié les visites dans des fermes ou organismes agricoles, pour tenter de trouver les moyens d'augmenter la production laitière dans leur pays et de rendre l'Afrique de l'Ouest autonome dans ce domaine.

Sécheresse exceptionnelle en Auvergne

"En ville, notre lait est le plus souvent du lait en poudre importé" d'Europe ou d'ailleurs, explique Moktar Diallo à l'AFP dans la ferme de Pascale Chassard, productrice de fromages Saint-Nectaire à Saint-Diery dans le Puy-de-Dôme.

Pendant l'été 2019, la sécheresse a frappé dur dans ce coin du Massif Central. Les prairies d'ordinaire verdoyantes se sont transformées en paillasses poussiéreures. De quoi rapprocher les éleveurs locaux de leurs visiteurs africains : Moktar, Alimata Ouedraogo, responsable de la mini-laiterie La Vache enchantée à Ouagadougou, Fatimata Diallo, présidente de la laiterie coopérative Suudukosam (La Maison du lait) dans le Sahel.

La fabricante de fromages auvergnate leur explique la surveillance en continu de la qualité de l'herbe et des microbes du sol que ses vaches consomment, dans le but d'améliorer la qualité du lait et le goût des fromages. De son côté, Fatimata raconte son quotidien avec 13 producteurs, dont certains en brousse, qui lui rapportent chacun entre 2 et 10 litres de lait par jour. Outre des yaourts, elle fabrique du ghapal et des dégués, desserts à base de lait ou de yaourt mélangé avec de la farine de petit mil.

En Auvergne, "ce genre de dessert s'appelait une 'lissove' autrefois", sourit Pascale Chassard, une préparation à base de lactoserum (sous-produit du lait) et de farine de sarrazin.

Beaucoup de similitudes dans les pratiques

Historiquement, en zone de montagne, la fabrication même du fromage est venue du besoin de conserver le lait. Un autre rapprochement possible avec le Sahel, où réfrigérateurs et chambres froides manquent. "Le système des mini-laiteries au Burkina Faso ressemble à celui des fruitières de Comté, qui réunissent beaucoup d'éleveurs mettant en commun leur production de lait pour réaliser ensemble un seul fromage", remarque Pascale.

Cependant, au-delà de la maîtrise de la chaîne du froid et de l'amélioration de la collecte du lait, les éleveurs africains ont bien d'autres problèmes à régler comme augmenter la quantité de lait d'un cheptel insuffisamment productif, pas assez nourri et vulnérable aux changements climatiques. Comme gérer la commercialisation de la production et lutter contre la concurrence du lait en poudre réengraissé importé, beaucoup moins cher que le lait local.

Des bergers tués pendant la transhumance

Pour ne pas être dépendante de la grande distribution, Pascale leur raconte avoir développé la vente directe à la ferme, via internet et dans les marchés locaux. Même chose en amont. Le regard d'Alimata s'illumine lorsque la fromagère française lui explique que les producteurs de la région sont organisés en coopérative pour l'achat en commun des intrants nécessaires à la confection des fromages, comme les ferments lactiques, par exemple. "Nous manquons tellement souvent de ferments pour nos yaourts !, s'exclame-t-elle. Et nous dépendons d'un seul fournisseur qui les vend très cher." "Si vous vous groupez, ce sera plus facile", conseille Pascale.

Transhumance au Mali avec la traversée de la rivière Bani (photo prise le 11 mars 2018). (MICHEL RENAUDEAU / ONLY WORLD)

Mais au chapitre "transhumance des troupeaux", plus pratiquée au Sahel qu'en Auvergne, Fatimata ne trouve pas de réponse face à la violence quotidienne qui menace la pérennité de sa laiterie : "Nos bergers sont tués et les troupeaux disparaissent du jour au lendemain". La région du Sahel est en proie à une flambée de violence jihadiste, touchant Mali, Burkina Faso et Niger, ainsi qu'à des conflits intercommunautaires meurtriers.

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