Une journaliste condamnée à 15 ans de prison en Egypte : RSF fait état d'un "environnement de travail insoutenable" pour la profession
Si la Constitution de 2014 garantit la liberté de la presse en Egypte, le pays compte une vingtaine de reporters derrière les barreaux.
Le dernier procès contre un(e) journaliste remonte au 28 juin. La justice égyptienne "a condamné la journaliste Alia Awad à 15 ans de prison, à l’issue d'un procès de masse débuté en 2015, pour avoir filmé des manifestants accusés de terrorisme", a déclaré Reporters sans frontières (RSF). "L'Egypte est l'une des plus grandes prisons au monde pour les journalistes. Les espoirs de liberté portés lors de la révolution de 2011 semblent désormais bien lointains", décrit l'ONG qui appelle à la libération immédiate de la journaliste, emprisonnée depuis 2017.
#Egypte : la justice a condamné la journaliste Alia Awad à 15 ans de prison à l’issue d’un procès de masse débuté en 2015, pour avoir filmé des manifestants accusés de terrorisme. RSF appelle à sa libération immédiate.https://t.co/ljF1dgSqZl pic.twitter.com/YD4V0KPmRJ
— RSF (@RSF_inter) June 29, 2022
"Les marionnettes du président"
Dans un nouveau rapport intitulé "Les marionnettes du président Al-Sissi", RSF fait état d'un "environnement de travail insoutenable" pour les journalistes qui sont exposés à "des campagnes de haine, de dénigrement et de diffamation", explique dans un communiqué sa responsable pour le Moyen-Orient, Sabrina Bennoui. Les présentateurs des chaînes de télévision pro-gouvernementales et les journaux étatiques en Egypte sont "en campagne contre le journalisme".
"Ces attaques sont commanditées par l'Etat avec la complicité des présentateurs vedettes et de médias de masse."
Sabrina Bennoui, responsable RSF pour le Moyen-Orientdans un communiqué
Si la Constitution de 2014 garantit la liberté de la presse en Egypte, le pays compte une vingtaine de reporters derrière les barreaux et se retrouve en 168e position sur 180 dans le classement de la liberté de la presse de 2022 de RSF.
Service de sécurité
Selon l'ONG, les services de sécurité égyptiens représentent "le deuxième acteur dans le paysage médiatique" grâce à une holding qui regroupe "environ 17%" des médias du pays de 103 millions d'habitants. Toujours selon RSF, cette infrastructure médiatique est mobilisée pour mener de façon "coordonnée" des campagnes permettant à des "présentateurs vedettes de calomnier des journalistes sur des chaînes de télévision populaires (...) sous le contrôle des services de renseignement de l'Etat". L'Egypte est régulièrement montrée du doigt pour son bilan des droits humains, avec plus de 60 000 détenus d'opinion, dont plusieurs incarcérés pour "diffusion de fausses informations", selon des ONG internationales.
"Campagnes médiatiques"
Selon RSF, des journalistes vedettes ont joué un rôle important dans la répression, mettant de côté leur "déontologie" pour devenir de "fervents défenseurs du gouvernement". Si les journalistes dissidents ne sont pas accusés d'être partisans des Frères musulmans, confrérie interdite en Egypte depuis qu'Abdel Fattah Al-Sissi a renversé Mohamed Morsi en 2013, ils sont taxés d'"agents de l'étranger" ou de promouvoir la "débauche", une accusation lourde de conséquences dans ce pays conservateur. "En plus des violations habituellement mesurées et documentées par RSF, de nombreux reporters égyptiens expriment leur désarroi face à ces campagnes médiatiques dirigées contre eux. Ces publications créent un climat insoutenable et les obligent à faire profil bas car ils redoutent d’être emprisonnés à tout moment", expique Sabrina Bennoui.
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