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La COP25 échoue à obtenir un consensus sur les questions financières au grand dam des pays africains

Pas d'avancées sur l'article 6 de l'Accord de Paris et le financement de l'adaptation au changement climatique. Les négociations de la COP25 laissent un goût amer au groupe Afrique. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Carolina Schmidt, la ministre chilienne de l'Environnement, quitte l'estrade après la clôture de la COP25 le 15 décembre à Madrid, en Espagne.  (OSCAR DEL POZO / AFP)

"Déception." C'est le mot qui est sur toutes les lèvres depuis la fin de la COP25 qui s'est conclue bien au-delà de son terme officiel du 13 décembre 2019, y compris sur celles du porte-parole du groupe Afrique, le Malien Seyni Nafo. C'est d'une voix éraillée qu'il fait le bilan des négociations de Madrid à franceinfo Afrique. "Normal, explique-t-il, nous avons eu la plus longue COP depuis 25 ans." Les Africains n'ont rien obtenu sur l’ensemble des dossiers qui leur tenaient à cœur. A savoir le fameux article 6 de l'Accord de Paris sur les mécanismes relatifs au marché carbone, "le renforcement des capacités du comité d’experts sur les pertes et préjudices et la question des circonstances spécifiques à l'Afrique pour permettre une reconnaissance de la vulnérabilité socio-économique du continent afin d’avoir un accès prioritaire aux ressources". En d’autres termes, le financement de l’adaptation au changement climatique.   

Les Africains restent sur leur faim

"Nous n’avons pas pu avoir un accord sur les mécanismes de marché, explique Seyni Nafo, un travail que nous devions déjà conclure l’année dernière à Katowice." Les points d’achoppement : "Les règles de comptabilité des réductions d’émissions et le fait d’assurer un prélèvement sur l’ensemble des mécanismes de marché liés au carbone". "Dans le protocole de Kyoto, ce prélèvement de 2% qui alimentait le fonds d’adaptation n’existait que sur le mécanisme de développement propre (MDP), poursuit Seyni Nafo. Aujourd’hui, eu égard à l’urgence climatique et au fossé pour le financement de l’adaptation, l’Afrique et la majorité des pays en développement demandent la systématisation de ce prélèvement."

"Beaucoup de déception également" du côté du financement de l'adaptation. La mobilisation des ressources pour faire face au réchauffement climatique pose problème depuis que se dessine l'Accord de Paris et alors même que son cadre règlementaire se précise. Les pays riches, qui ont la responsabilité historique du changement climatique, se sont engagés à apporter leur aide aux plus vulnérables qui, par ailleurs, subissent les conséquences d’un processus dont ils ne sont pas responsables. 

Cependant, constate le porte-parole du groupe Afrique, "nous avons eu l’impression que nos partenaires n’étaient fondamentalement pas prêts à bouger sur toutes les questions ayant une incidence financière. On se demande si c’est à cause de l’incertitude liée à la conjoncture actuelle... On était en pleine élection au Royaume-Uni. Et c’est certain que le retrait de Donald Trump de l’Accord de Paris – les Etats-Unis étant le premier contributeur notamment du fonds vert et de la finance climat de manière générale – n’aide pas." Notamment sur la question des 100 milliards de dollars à mobiliser par an à compter de 2020. "D’ailleurs, sur ce point, l’Afrique avait demandé qu’un rapport puisse être élaboré par le groupe d’experts des Nations unies sur la finance climat. Malheureusement, nous n’avons pas eu ce mandat." 

S’il n’y a pas vraiment matière à se réjouir, Seyni Nafo rappelle néanmoins "qu’à peu près 80 pays se sont engagés, l’année prochaine, à rehausser l’ambition de leur contribution en termes d’atténuation. Mais la majorité de ces pays ne font pas partie du club des grands pays émetteurs de CO2". Une raison supplémentaire de "rester sur notre faim".

Le porte-parole du groupe Afrique, Seyni Nafo, le 10 décembre 2018 lors de la COP24 à Katowice, en Pologne.  (JAMES DOWSON/CCNUCC)

Des négociations politiques 

"Ces négociations climatiques sont à la fois techniques et politiques, souligne Seyni Nafo. La présidence d’une COP se prépare bien amont, au moins un an à l’avance." Les changements successifs du pays hôte ne sont pas étrangers à la contreperformance d'une COP dont le leitmotiv était pourtant "le temps de l'action'". D'abord prévue au Brésil, puis ensuite au Chili dont la situation politique interne y a rendu impossible l’organisation de la conférence climatique, c’est finalement, l’Espagne qui se dévouera à la dernière minute.

"Je crois que la diplomatie chilienne a eu beaucoup de mal à rassembler une large coalition sur l’ensemble de ces sujets. Les COP qui ont pu obtenir des résultats significatifs ont bénéficié d’une mobilisation au plus haut niveau, impliquant même le chef de l’Etat (du pays hôte)."

Pragmatique, Seyni Nafo fait remarquer que "le résultat n’est pas à la hauteur de ce qu’on attendait, mais nous sommes dans une situation géopolitique, voire économique assez difficile". En outre, ajoute-t-il, "nous avons réussi à ne pas avoir de décisions qu’on ne voulait pas. Dans les négociations, on peut non seulement ne pas avoir ce qu’on veut mais on peut aussi avoir ce qu’on ne veut pas." 

Les espoirs des négociateurs se voient reporter sur la COP26 qui se tiendra à Glasgow, en Grande-Bretagne. "Nos consultations initiales avec l’Angleterre, qui accueille la COP26, laissent présager que le Royaume-Uni va mobiliser tout ce qu’il compte en termes de capacités diplomatiques. D’après nos discussions, un accent particulier va être mis sur la finance, au moins l’adaptation pour les pays les plus vulnérables et il va falloir terminer le travail sur les mécanismes de marché." 

"En plus, à partir du 3 novembre l’année prochaine, les Etats-Unis ne seront plus dans l’Accord de Paris." Une COP sans les Américains, selon Seyni Nafo, "devrait aider à atteindre un consensus sur l’ensemble de ces questions".

Le porte-parole du groupe Afrique à la COP25 déplore "le manque de leadership politique des puissances", voire l’absence de "leadership pour faire de la lutte contre le dérèglement climatique une urgence globale". Le fait de ne pas parvenir à un consensus sur les questions financières en serait "le symptôme". Cependant, assure-t-il , "la lutte continue".

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