Kenya : un duel serré s'annonce entre les favoris de l’élection présidentielle, Raila Odinga et William Ruto
Les Kényans se rendent aux urnes le 9 août pour la présidentielle ainsi que pour les élections législatives et locales.
La campagne électorale est officiellement close au Kenya : les candidats ont jeté leurs dernières forces dans la bataille durant le début du week-end, avant les élections générales du 9 août. Les 22,1 millions d'électeurs devront voter six fois pour choisir leur président, mais aussi leurs parlementaires, gouverneurs et quelque 1500 élus locaux. Mais tous les regards sont tournés vers la présidentielle dont les deux favoris sont des figures bien connues de la scène politique kényane.
D'un côté, William Ruto, 55 ans, vice-président et numéro 2 du régime depuis près d’une décennie. Et de l'autre, Raila Odinga, vétéran de l’opposition, candidat pour la cinquième fois à la magistrature suprême. A 77 ans, cette élection est probablement sa dernière chance d'entrer à State House, le palais présidentiel kényan. Deux autres candidats sont dans la course : les avocats David Mwaure et George Wajackoyah, un ancien espion qui veut légaliser le cannabis. Mais, a priori, leur unique ambition est de prendre des voix aux deux têtes d’affiches.
Les sondages annoncent un duel serré entre Ruto et Odinga. "Il est très difficile de dire qui va gagner l'élection, c'est à pile ou face pour celui qui sera le plus attirant émotionnellement", confie à l'AFP l'universitaire et analyste Macharia Munene.
Des élections "très incertaines"
Les Kényans retiennent leur souffle. "Il y a une petite inquiétude dans l’air car ce sont des élections très incertaines. Beaucoup se demandent, au vu des précédents, si les candidats vont accepter les résultats, surtout si ces derniers sont très serrés", explique à franceinfo Afrique Noé Michalon, correspondant en Afrique de l'Est pour la revue Africa Intelligence.
William Ruto, 55 ans, occupe la vice-présidence depuis près d'une décennie et s'était vu promettre par le président sortant Uhuru Kenyatta de lui succéder en 2022. Mais une alliance inattendue entre Kenyatta et Odinga l'a marginalisé depuis 2018. Pour beaucoup d'observateurs, l'une des raisons de ce revirement d'alliance est l'incontrôlable ambition de Ruto. "Ce qui rend Ruto singulier, c'est la rapidité de son ascension, son ambition", estime l'analyste politique kényane Nerima Wako-Ojiwa.
Après sa réélection en 2017, qui a donné lieu à des violences causant des dizaines de morts, le président Kenyatta s'est progressivement rapproché de son opposant historique Raila Odinga, à qui il a finalement donné son soutien. Ce qui trouble quelque peu ses partisans : "Certains lui reprochent d’avoir trahi Ruto et comme son bilan n’est pas unanimement apprécié, cela peut mettre en difficulté Raila Odinga qu’il soutient désormais", note Noé Michalon.
Ruto contre les dynasties politiques
Ruto se présente en opposant aux "dynasties" incarnées par Kenyatta et Odinga, héritiers de deux familles au cœur de la politique kényane depuis l'indépendance en 1963. Il s'est fait le héraut des "débrouillards" ("hustlers" en anglais), issus de la rue comme lui qui a grandi dans une famille modeste de la vallée du Rift.
Sulfureux homme d'affaires parti de rien, Ruto se pose en champion des petites gens, leur promettant aides et emplois quand trois Kényans sur dix vivent avec moins de 1,90 dollar par jour, selon la Banque mondiale. Le thème du pouvoir d'achat est devenu majeur dans ce pays de 55 millions d’habitants secouée par les conséquences du Covid-19, de la guerre en Ukraine et d'une grave sécheresse.
Odinga en lutte contre la corruption
De la lutte contre la vie chère à celle contre la corruption endémique, nombreux sont les défis qui attendent le vainqueur de l'élection présidentielle. Odinga a fait, lui, de la lutte contre la corruption sa priorité, nommant comme colistière Martha Karua, une ancienne ministre réputée inflexible. Le vétéran de la politique kényane pointe d'ailleurs les procédures judiciaires en cours contre le colistier de Ruto, Rigathi Gachagua.
Dans ce contexte, l'enjeu économique pourrait même, selon certains experts, supplanter cette année le vote ethnique, un facteur-clé depuis toujours dans les isoloirs kényans. La victoire de Ruto, un Kalenjin, ou d’Odinga, un Luo, ouvrira quoi qu'il en soit une nouvelle page après plus de vingt ans de présidence kikuyu, la première et très influente communauté du pays.
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